Une initiative importante pour la francophonie a été lancée à Valence
L’Institut français de Valence a été « redimensionné » au printemps. Un terme pudique et technocratique pour exprimer la réduction de ses activités qui coïncide hélas avec le choix politique du ministère des Affaires étrangères de progressivement « rationaliser » son réseau d’Alliances et d’Instituts à l’étranger. Cette politique n’est pas nouvelle et est une constante des divers gouvernements qui se sont succédé depuis la réforme Kouchner du réseau culturel en 2010. Une réformette qui n’avait confié que des moyens limités à l’Institut français de Paris sans lui octroyer la gestion humaine et financière de l’ensemble du réseau culturel extérieur. Une occasion ratée de revoir de fond en comble le fonctionnement de ce réseau, ou un sursis donné à un vaste ensemble d’antennes culturelles dans le monde qui restaient dès lors protégées sous le parapluie institutionnel de la diplomatie française ?
Aux Affaires étrangères on gère le secteur culturel extérieur au plus près :
Aujourd’hui quoi qu’il en soit on gère la culture au plus près : la politique des Affaires étrangères incite plus que jamais les structures culturelles françaises à autofinancer progressivement leurs activités. Et à fermer ou réduire le train de vie des Alliances et Instituts incapables de générer suffisamment de recettes… Le ministère tranche parfois dans le vif et est capable de renoncer à une présence culturelle d’envergure dans des pays où des villes jugées insuffisamment prioritaires ou dans des antennes pas suffisamment rentables. Ainsi depuis 10 ans, Venise, Porto, Graz ou Vienne ont vu leurs antennes fermées ou réduites à leur plus simple expression : un simple bureau au sein du consulat de France local, des cours de français en ligne et plus d’élèves en présentiel
Les nombreuses attentes autour du rayonnement de la culture française à l’étranger :
Les diplomates demandent habituellement beaucoup à ce secteur qui continue à générer de nombreuses attentes en matière de rayonnement : la France est traditionnellement considérée comme une puissance culturelle de premier plan et une terre d’écrivains et d’artistes. Nous sommes sollicités par nos partenaires étrangers pour notre expertise dans le domaine du spectacle vivant ou pour l’organisation d’événements traditionnels ou plus avant-gardistes le plus souvent en co-production avec des acteurs locaux.
Nos Ambassadeurs ne s’y trompent habituellement pas et défendent ces outils d’influence : le secteur n’a pas vocation forcément à la rentabilité absolue mais à fournir un levier efficace pour agir et dialoguer avec nos partenaires diplomatiques étrangers.
Mais le modèle économique qui sous-tend le réseau culturel est parfois fragile : les ventes de cours de français doivent souvent compenser les baisses de subventions ou le développement futur de nos structures dans une période où le français n’a pas partout le vent en poupe. Difficile donc de s’endormir sur ses lauriers culturels ou linguistiques et obligation d’innover ou de se réinventer en proposant des programmations alléchantes ou des cours de français dans le domaine économique par exemple.
À Valence une expérience innovante :
À Valence la mobilisation des élus français et la pétition lancée dans les milieux francophones n’auront pas suffi à modifier le choix fait à Paris. On a donc réduit la voilure. Les amoureux de la culture française en Espagne doivent-ils désespérer et regretter qu’en période épidémique la culture paye une lourde facture sur l’autel de la Covid ?
Oui et non.
Car les initiatives privées sont toujours possibles. À l’image de « La base culture » un beau projet porté par des passionnés issus de la société civile et qui ressemble à une réponse venue justement de la base : face au redimensionnement de l’Institut, cette équipe de bénévoles a cherché à élargir le spectre d’action en s’ouvrant aux cultures francophones en général et en rassemblant les énergies autour de projets structurants. Il ne s’agit donc pas de s’opposer au réseau institutionnel français mais au contraire de créer des liens et des partenariats nouveaux y compris avec l’Etat français. Le lancement officiel le vendredi 22 octobre à Valence au CCCC a été un vrai succès.
Comme l’explique Paul Taranto son président :
« La Base Culture poursuit un double objectif : faire rayonner la francophonie à Valencia et donner à cette ville toute la visibilité qu’elle mérite dans le monde francophone. Pour ce faire, elle compte sur l’appui de centres culturels et institutions comme le Centre del Carme Cultura Contemporánea (CCCC), la Cámara de Comercio de Valencia, l’AGV (Asociación de Grupos Valencianos), La Fonoteca francesa, La France Ô Si!, le 360 Paris Music Factory, le Centre français de Berlin, le Réseau International des Maisons des Francophonies, le Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême, ou encore la Compagnie de théâtre MIA ».
Paul Taranto, président du CCCC
La liste des partenaires est longue. Mais on mesure bien que le succès futur de cette structure nouvelle dépendra de sa capacité à lever des fonds publics et privés autour d’initiatives susceptibles de réunir un large public. Le président de Base culture attend ainsi beaucoup du premier festival de théâtre francophone à Valence qui est parrainé par l’homme de lettres Daniel Pennac et dont le responsable sur la partie théâtre est l’acteur valencien Ximo Solano (compagnie MIA), un proche collaborateur de l’écrivain français.
Base culture : une nouvelle maison de la francophonie travaillant en réseau.
Base Culture se présente également comme une nouvelle maison de la francophonie capable de rayonner hors d’Espagne et de développer des liens privilégiés à l’international avec, notamment, les maisons de Berlin ou de Montpellier.
La force de ses animateurs culturels est de se situer au confluent des deux cultures françaises et valenciannes et de miser sur la complémentarité de leurs compétences :
Une équipe dynamique aux talents complémentaires :
Anne-Sophie Crocquevieille, membre de l’équipe de direction, travaille ainsi dans le milieu linguistique. Juan Angel Martin possède, quant à lui, une grande expérience de l’événementiel et des festivals (notamment gastronomiques, le dernier en date étant la Tasta Gandia). Paul Taranto a enseigné le FLE (Français Langue Etrangère) pendant plusieurs années à Paris et est notre confrère responsable de l’édition de Valence de lepetitjournal.com.
Jeremy Denat est, enfin, un « digital nomad » qui possède une expertise numérique et dans l’événementiel (il a été artificier pendant près de 10 ans).
L’équipe des Français.press souhaite un plein succès à cette initiative qui pourra peut-être faire école ailleurs, dans un moment charnière pour la culture qui cherche à surmonter les difficultés générées par l’épidémie.
Deux questions au nouveau député pour les Français de la péninsule ibérique Stéphane Vojetta :
Lesfrancais.press : Le lancement de la Maison de la Francophonie de Valence vient d’être opéré. C’est un nouvel acteur culturel bâti sur une base associative. Comment le nouveau député que vous êtes juge-t-il cette initiative qui s’inscrit dans le contexte de la réduction du périmètre d’action de l’institut de Valence ?
Stéphane Vojetta : J’ai souhaité me rendre à Valence pour soutenir le lancement de l’association La Base Culture, tout comme je soutiendrai toute initiative qui viendra renforcer l’offre culturelle ou éducative francophone dans la circonscription, et en particulier à Valence.
L’Institut français de Valence a en effet été redimensionné au printemps dernier et ses missions ont été revues afin de se concentrer sur la coopération culturelle avec les différents acteurs qui font la richesse de la communauté de Valence. Cette offre est aussi complétée par les cours en ligne et la tenue des examens pour offrir une certification de leur niveau de langue à tous ceux qui se projettent dans le monde francophone, notamment les jeunes diplômés.
Si l’annonce de ce redimensionnement de l’Institut a provoqué un électrochoc qui a suscité de nouvelles initiatives favorables au rayonnement de la francophonie à Valence, tant mieux ! D’autant que je suis convaincu que ces initiatives associatives ou privées pourront exister en complémentarité avec l’Institut Français voire même générer des synergies qui viendront améliorer – en quantité et en qualité – l’offre culturelle francophone dans la région.
En ce qui concerne plus particulièrement La Base Culture, je me réjouis particulièrement que cette initiative vise à promouvoir la création et les créateurs, tout autant que des métiers et des savoir-faire, des industries et des filières professionnelles mais également à rassembler les entreprises et entrepreneurs français de la région.
J’ai pour ma part l’intention de contribuer à mettre en œuvre des initiatives qui permettront à nos acteurs économiques français de la circonscription de mieux se connaitre et de mieux se soutenir les uns les autres, en y incluant ces initiatives.
Lesfrancais.press : On demande aux structures existantes, Instituts comme Alliances, une capacité forte d’autofinancement. Il y a une baisse tendancielle des budgets dévolus à ces structures françaises de l’étranger et pourtant on a le sentiment que nos compatriotes y sont très attachés. Comment les faire vivre et les rendre viables à l’avenir ?
Stéphane Vojetta : Les Instituts Français et les Alliances Françaises mais aussi les Associations FLAM et les Lycées Français de l’étranger font partie de l’écosystème de la culture et de l’enseignement français à l’étranger. Chacune de ces organisations a ses particularités, ses propres structures juridiques, et son modèle économique. Ces derniers tendent effectivement à dépendre essentiellement de leurs propres sources de revenus, tout en bénéficiant parfois d’un soutien de l’état sous la forme de subventions, ou de détachement de personnels.
Il est cependant exagéré de parler de manière générique de « baisse tendancielle des budgets ». En effet, la subvention allouée à l’AEFE a augmenté depuis 2017 pour atteindre à nouveau son niveau de 2012, les subventions versées au système FLAM doublent cette année, 150 millions d’aides spéciales supplémentaires ont été débloquées afin de soutenir les familles et les établissements du réseau pendant la crise Covid, et des aides spécifiques ont été créées pour aider certaines Alliances Françaises dans leur transition numérique.
En revanche, il est vrai que l’argent public doit être dépensé à bon escient, et que chaque acteur de l’écosystème se doit de mettre en place une structure et une gestion qui permettent l’émergence d’un projet viable économiquement. Certains acteurs y parviennent, notamment en s’appuyant sur un véritable travail d’équipe, alors que d’autres doivent chercher l’équilibre adéquat qui permet d’assurer la viabilité de leurs activités.
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