« Fermeture de l’Institut français de Valence, un cas qui interroge la stratégie culturelle française à l’international »

« Fermeture de l’Institut français de Valence, un cas qui interroge la stratégie culturelle française à l’international »


Un triste symbole. L’Institut français de Valence est en train de fermer ses portes, ultime victime d’une crise épidémique qui a impacté fortement le monde de la culture, un secteur considéré hélas comme non essentiel par les pouvoirs publics. 

Fermeture ou réorganisation ?

L’Ambassade préfère parler de réorganisation de son côté mais seuls demeureront quelques modestes pans d’actions dans un établissement vidé de sa substance. L’Institut français de valence rayonnait pourtant depuis 1888 dans la troisième ville d’Espagne. Il connaissait certes depuis plusieurs années de difficultés économiques et avait obtenu un délai pour se redresser. L’ampleur du déficit fait l’objet d’ailleurs d’une bataille de chiffres. Seulement 5000 euros selon les personnels, plus de 30 000 euros de déficit annuel pour les autorités de tutelle.  

La réalité est cruelle : le ministère des Affaires étrangères n’accordera plus de délai supplémentaire à cet établissement qui avait pourtant réduit son déficit par sept en deux ans d’après le sénateur Ronan Le Gleut qui interroge le Ministre à ce propos dans une question écrite. Ils sont nombreux les élus nationaux ou locaux à s’être mobilisés en vain pour défendre ce lieu dédié à l’apprentissage de la langue française et à la promotion de notre culture nationale. 

Les élus consulaires, François Ralle Andreoli en tête, ont regretté une fermeture qui laisse 26 employés sur le carreau. L’ex candidat à la législative de 2017 s’est élevé contre le manque de solidarité entre Instituts, les grands centres comme Madrid ou Barcelone devant selon lui aider les plus petits comme Valence ou Bilbao. La conseillère consulaire à Madrid Annick Valdecabres et les employés de l’institut ont interpellé l’opinion publique à travers une pétition adressée au président de la République qui a recueilli plus de 6000 signatures. Le maire de Valence a lui même fait part de ses réserves face à cette décision qui va priver la ville d’un outil précieux dédié à la coopération entre deux nations culturelles fortes.

Un potentiel ignoré

Avec 750 élèves par an en moyenne avant la pandémie, 1 000 inscrits à la médiathèque, 1300 candidats annuels aux examens officiels de français des diplômes d’études en langue française (DELF) et des diplômes approfondis de langue française (DALF), l’Institut français de Valence n’était pourtant pas un cancre et possédait une activité soutenue. Mais depuis une vingtaine d’années la logique d’autofinancement imposée aux instituts dans le monde provoque des dégâts et des réorganisations. Quand « il suffisait » il y a une dizaine d’années d’autofinancer les activités d’un institut avec 50% de ressources propres, le plus souvent issues des cours de français et du mécénat, la barre est désormais mise à 60 à 65 pour-cent d’autofinancement exigé.

Les « réorganisations » ou fermetures voilées sont nombreuses. L’arrêt des cours de français dans le prestigieux Institut français d’Autriche avait provoqué de profonds remous en 2006 et une mobilisation politique forte qui avait permis le maintien d’activités culturelles. Mais aujourd’hui tous les instituts culturels semblent potentiellement dans le viseur dès lors qu’ils n’affichent plus de performances économiques suffisantes. En 2013 la fermeture et la vente de la maison de France à Berlin est annoncée. La France occupe depuis 1950 ce bâtiment et l’émotion sera suffisamment forte et la mobilisation large pour faire ajourner ce projet. Mais en 2014 c’est la fermeture de lIinstitut français de Praia au Cap Vert  qui est annoncée. Depuis les instituts de Séville de Porto ou de Venise ont subi réorganisations et réaménagements pour se voir transformés en simples centres de langues ou en Alliance française aux moyens plus limités.

La France, grande nation culturelle avec son double réseau d’instituts et d’Alliances rayonnant sur cinq continents s’est lancée dans une entreprise de rationalisation de ses emprises et de ses activités en réduisant parfois très nettement la voilure.

« Soft Power Français » ?

Tous les Ambassadeurs ne possèdent pas la sensibilité au « Soft power Français » qui fait des instituts des vitrines culturelles majeures utiles pour toucher un public large et diversifié bien au delà de la diplomatie traditionnelle. 

La DGM, direction de la mondialisation à Paris, est souvent vue comme une direction atypique où l’on va à reculons. Cette grande direction de coopération assure la tutelle et la gestion des moyens de ce réseau. Les instituts sont parfois mal défendus et la rivalité avec le réseau des alliances est parfois génératrice de tensions et incompréhensions. 

Derrière le cas de Valence c’est donc la stratégie culturelle française à l’international qui doit être interrogée.

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