Réchauffement : Bordeaux va tester de nouveaux cépages

Réchauffement : Bordeaux va tester de nouveaux cépages

Le plus grand vignoble de France entend préparer le remplacement de ses cépages actuels sans dénaturer la typicité de ses vins. .

Les changements climatiques ne sont pas que des multiplicateurs de canicules. En bousculant les cycles saisonniers, en modifiant le cycle de l’eau, en adoucissant les hivers et en réchauffant les étés, ils compliquent les travaux des champs, en général, et des vignes en particulier.

Au début du printemps, toujours plus doux, la vigne a tendance à fleurir de plus en plus tôt. Ce qui l’expose aux attaques du gel. Dans tous les vignobles, la hausse des températures estivales a fait grimper le taux de sucre dans les mouts et d’alcool dans les vins. Publié en 2011, le cahier des charges de l’appellation de Châteauneuf-du-Page dispose que «les vins présentent un titre alcoométrique volumique naturel minimum de 12,5°C». Dans les faits, le vin cher au pape d’Avignon Jean XXII titre plus de 14 °C. Trop d’alcool c’est aussi moins d’acidité : ce qui change la typicité des vins.

Sept nouveaux cépages

Un risque que ne sont veulent pas prendre les vignerons bordelais. Comme prévue, l’assemblée générale du syndicat des AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur a adopté, le 28 juin, une mesure inédite d’adaptation au réchauffement. Les viticulteurs volontaires pourront planter et vinifier sept cépages qui ne figurent pas dans le cahier des charges desdites appellations.

Testés sur la parcelle expérimentale 52 de l’institut des sciences de la vigne et du vin (ISVV), ces quatre cépages rouges et leurs trois cousins blancs doivent mieux résister aux conséquences du réchauffement (Alvarinho, Arinarnoa, Liliorila, Touriga nacional) ainsi qu’aux maladies qui seront favorisées par les nouvelles conditions climatiques : pourriture grise, oïdium, mildiou.

Diverses origines

Certains de ces nouveaux venus sont d’origine portugaise (alvarinho, touriga nacional), d’autres appartiennent à la grande famille des cépages «oubliés» (castets, petit manseng). D’autres enfin, sont des hybrides plus ou moins récents: arinarnoa, marselan, liliorila.

Cette liste doit encore être acceptée par l’institut national des appellations d’origine (INAO), mais cela ne devrait être qu’une formalité. Les premières plantations devraient se dérouler lors de la campagne 2020-21. Et les premières vinifications 5 à 6 ans plus tard.

Cette première française reste très encadrée. Les surfaces consacrées aux sept petits nouveaux ne pourront excéder 5% de la superficie de l’exploitation. Ils devront être assemblées dans la limite de 10% de l’assemblage final pour la couleur considérée, sans référence de ces variétés dans l’étiquetage des vins. «L’assemblage des vins issus de ces variétés est obligatoire, dans la limite de 20 variétés par cahier des charges et 10 variétés par couleur de vin», précise le syndicat viticole.

L’autre urgence climatique

Première région viticole à franchir le pas de l’adaptation, le bordelais devrait être suivi par Cognac et la Champagne qui ne sont pas épargnés par les affres du réchauffement. Dans le Bordelais, il y a urgence. Certains cépages majeurs, comme le merlot (planté sur 50% de la surface de l’appellation) sont aujourd’hui à bout de souffle. Il faut rapidement préparer la succession.

Comme le rappelle le climatologue Hervé Le Treut, «du fait de sa situation géographique et de son positionnement par rapport à l’anticyclone des Açores», il n’est pas invraisemblable que le plus grand vignoble de France subisse des hausses de températures estivales de 5 à 10 °C par rapport aux étés actuels. Les vignes actuelles pourraient ne pas le supporter.

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