C’est une ou «la» principale promesse électorale du nouveau président Sénégalais Bassirou Diomaye Faye : mettre fin au Franc CFA. Une promesse du candidat alors en campagne qui s’est transformé ces derniers jours par «Je ne suis pas contre la France mais pour le Sénégal », propos tenu ces derniers jours par le président Sénégalais.
Ce qui en dit long sur l’éventuelle complexité du sujet et la capacité le traduire en acte politique concret au vu de l’étendue du chantier de « rupture » sur le terrain monétaire et ses impacts économiques. Annoncer vouloir rompre définitivement avec un des derniers liens de sujétion avec la France, l’ancienne puissance coloniale, pourrait s’avérer plus compliqué qu’il n’y parait, et ce pour différentes raisons.
« Il était attendu que la question du Franc CFA revienne dans l’actualité avec cette élection surprise puisque Ousmane Sonko, le leader du mouvement dont est issue le président Bassirou Diomaye Faye, en avait l’un de ses totems politiques de son programme politique mais il faut faire ici la distinction entre un sujet qui trouve beaucoup d’échos dans les médias français et un sujet qui finalement ne passionne pas plus que cela les opinions publiques internes au Sénégal et en Afrique de l’Ouest » indique Abdelmalek Alaoui, Economiste et président du Think Tank IMIS.
Une prévisibilité que partage Mehdi Alioua, Sociologue, Enseignant Chercheur à Science Po Rabat et Co-Fondateur du Laboratoire Movida, un consortium de laboratoire de Recheche marocain, Sénéngalais, Burkinabé, nigériens et Français. « Le président Faye incarne clairement le visage de cette nouvelle élite politique qui revendique un ancrage plus local que celle qui aurait ou a des liens proches avec la France. Il y a comme un esprit de révolte et de rupture avec un pays qui serait à l’origine de la mauvaise gestion des biens publics sénégalais, à tort ou à raison, du coup, vouloir en finir avec le Franc CFA, c’est pour lui une manière de vouloir couper le cordon avec la France et passer à une autre forme de relation avec ceux qu’il a combattu politiquement avec son parti, le Pastef ».
Reste à savoir aujourd’hui, et au lendemain de son intronisation à la fonction présidentielle, la suite que donnera le président Sénégalais à sa promesse électorale qui semble évoluer en tonalité au fil des jours. « La sortie du Franc CFA est le cheval favori des Panafricains de gauche d’Afrique de l’ouest depuis plusieurs décennies, il y a le temps politique des annonces et celui de la politique tout court. Je rappelle que depuis 2020 et l’accord scellé entre Alassane Ouatarra et Emmanuel Macron, qui prévoit l’abandon du Franc CFA par les pays membres de la zone Franc au nombre de huit dont le Sénégal, rien n’empêche le président Sénégalais de passer à l’action sur le sujet et de changer de système monétaire en abandonnant le Franc CFA et la création de la nouvelle monnaie continentale annoncée qui est l’Eco. Il faut juste avoir à l’esprit que c’est un chantier de rupture aussi vaste qu’incertain. Il nécessite de trouver un accord qui obéit à un agenda de convergences budgétaires et économiques qui est loin être acquis » déclare Adama Wade, Directeur de publication du Financial Afrik.
La volonté politique d’abandonner le Franc CFA n’est pas sans conséquences économiques structurelles. « L’équation n’est pas aussi simple car les engagements pris en CFA ne peuvent pas basculer vers une nouvelle monnaie d’un coup de baguette magique surtout si le coût des matières premières repartaient à la hausse en l’absence d’une couverture de change suffisamment développée en Afrique » ajoute Abdelmalek Alaoui.
Une situation évolutive sur un sujet qui revêt aujourd’hui plus un caractère économique et financier que politique. Ce qui pourrait constituer un premier test grandeur nature pour Bassirou Diomaye Faye. « Je pense que le nouveau président Sénégalais sera d’abord évalué sur sa capacité à mettre en œuvre la révolution Copercienne promise lors de la campagne et sur le travail qui sera effectué avec son nouveau Premier ministre, qui est aussi son chef sur le plan politique » précise Abdelmalek Alaoui.
Pour Adama Wade, « au-delà de l’aspect purement monétaire, le Franc CFA est avant tout une zone de marché où les huit pays membres dont le Sénégal émettent des titres publics ce qui permet par exemple à un pays comme le Sénégal de procéder à des levées de fonds ainsi que des emprunts à des taux réduits ».
Auteur/Autrice
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Rachid Hallaouy est journaliste et éditorialiste installé au Maroc depuis 2006. Après avoir collaboré avec de nombreux médias en presse écrite (L’Economiste), électronique (Yabiladi) et audiovisuel (France 24), il a rejoint Luxe radio pour y lancer en 2011 un concept de débat d’idées traitant de sujets politiques et économiques.
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