Quelle politique de l’offre pour la zone euro ? 

Quelle politique de l’offre pour la zone euro ? 

L’épidémie de covid-19 et la guerre en Ukraine ont incité les gouvernements occidentaux à réindustrialiser leur pays et à relocaliser des activités jugées essentielles. À cette fin, les États mettent en œuvre des politiques favorables à l’offre qui peuvent prendre plusieurs formes. Certaines visent à accroître directement l’offre en jouant sur l’investissement, la recherche et la productivité quand d’autres entendent diminuer les coûts fiscaux et sociaux pesant sur la production. 

Les États-Unis, une politique publique axée sur l’offre

Les États-Unis qui ont connu une forte désindustrialisation durant les années 1990/2020 ont décidé la mise en place de politiques favorables à l’offre notamment à travers l’Inflation Reduction Act. Depuis 2019, cette politique produit des résultats tangibles. Le PIB s’y est accru de plus de 8 % contre +2,4 % pour la zone euro. La productivité par tête a augmenté aux États-Unis de 2019 à 2023 de 7 % quand elle est restée étale en zone euro. Le taux d’emploi aux États-Unis est de 72%, contre 70% en zone euro. L’investissement aux États-Unis est en forte hausse depuis 2019. En particulier pour les technologies de l’information et de la communication. Il représente 3,8 % du PIB, en 2023, contre 2,6 % en zone euro. Les dépenses totales de Recherche & Développement sont passées aux États-Unis, entre 2014 et 2023, de 2,9 % à 3,5 % du PIB quand elles sont restées stables autour de 2,3 % du PIB pour la zone euro. 

Les États-Unis s’appuient sur leurs centres de recherche et leurs établissements supérieurs pour capter les meilleurs chercheurs et étudiants de la planète. Le niveau de formation est, selon la dernière enquête PISA, plus élevé aux États-Unis, au Canada, en Suède, au Royaume-Uni, au Japon que dans les pays de la zone euro. 

zone euro
Christine Lagarde @Stockadobe

La zone euro handicapée par des prélèvements obligatoires importants ?

Le secteur productif européen doit faire face à des coûts salariaux plus élevés que ceux des États-Unis. Le poids des cotisations sociales est de 10 % du PIB en France, contre 3 % aux États-Unis. Ce taux est de 6 % en Allemagne, de 9 % en Italie et de 9,5 % en Espagne. Les impôts de production représentent 0,5 % du PIB aux États-Unis, contre 0,8 % en Allemagne, 1,8 % en Italie et 3 % en France. Plusieurs pays européens dont la France ont décidé de réduire leurs impôts de production. 

Les déficits publics et la politique de l’offre

Les États-Unis n’ont pas hésité à accroître leur déficit public pour subventionner leurs entreprises et mener ainsi une politique économique non coopérative. Cette politique vise à attirer sur le territoire américain des entreprises qui auraient pu être amenées à investir dans d’autres parties du globe en l’absence d’aides. Le déficit public a ainsi atteint 7 % du PIB en 2023, contre 2,9 % pour la zone euro. Les marges de manœuvre des pays européens sont moindres que les États-Unis. Le poids des dépenses publiques dépasse 50 % du PIB sur le vieux continent contre 39 % outre-atlantique. Les Européens consacrent près de 22 % de leur PIB à la protection sociale publique, contre 16 % aux États-Unis. 

La réorientation des dépenses publiques en faveur de l’offre est difficile car elle suppose une réduction des dépenses sociales auxquelles sont fortement attachées les populations. Par ailleurs, une telle réduction aurait dans un premier temps un effet récessif. Ses bienfaits en termes de production et d’emploi se mesurent en années ce qui est difficilement conciliable avec les objectifs à court terme des gouvernements. Une véritable politique de l’offre devrait s’appuyer sur la formation, la recherche, l’investissement et l’emploi. 

Les États européens auraient tout avantage à communautariser les dépenses publiques en faveur de l’innovation et de la recherche pour éviter une surenchère de la part des États les plus riches au détriment des plus petits et des plus pauvres. Cette européisation des dépenses de recherche éviterait la multiplication des pratiques protectionnistes. Elle éviterait par ailleurs une contraction de ces dépenses à l’échelle nationale au sein de la zone euro, au moment où les États membres tendent à réduire leur déficit public.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel

    Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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