Aligner la loi influenceur sur les règles de l’UE « pas un problème », selon le député à l’origine de la loi

Aligner la loi influenceur sur les règles de l’UE « pas un problème », selon le député à l’origine de la loi

La loi française « influenceurs » a été pensée pour cibler ceux installés à l’extérieur de l’Union européenne. Par conséquent, l’alignement de la loi sur les règles de l’UE ne posera pas de problème, a déclaré à Euractiv Stéphane Vojetta, corapporteur de la loi.

La loi « influenceurs », premier texte législatif au monde qui réglemente les activités des créateurs de contenu en ligne, ou « influenceurs », a été adoptée en un temps record de six mois, en passant par une série de votes unanimes à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Toutefois, la Commission européenne a envoyé une lettre au gouvernement français en août 2023, deux mois après la promulgation de la loi, considérant que certaines dispositions entraient en contradiction avec les règles du marché unique de l’UE.

« Pour l’instant le problème majeur vient des influenceurs qui émigrent à Dubaï pour échapper à l’impôt, et, de là, font de la publicité mensongère ou frauduleuse, et illégale au regard des droits français et européen », a déclaré M. Vojetta à Euractiv.

Le député pense qu’il sera facile d’adapter la nouvelle loi à la demande de la Commission.

Une personne du ministère de l’Économie, qui parle à Euractiv sous couvert d’anonymat, a confirmé que le gouvernement était déterminé à travailler en étroite collaboration avec la Commission, notamment parce que la loi a été un succès démocratique et parlementaire.

Les inquiétudes de la Commission tiennent dans l’application conforme à toute l’UE du « principe du pays d’origine », établi dans la directive de 2000 sur le commerce électronique (eCommerce directive) et reprécisé dans le règlement sur les services numériques (Digital Services Act, DSA), le tout nouveau règlement de l’UE sur la modération des contenus en ligne.

Ce principe fondateur de la législation numérique de l’UE considère que les produits et les services ne sont soumis qu’aux lois et aux autorités réglementaires du pays de l’UE dans lequel l’entreprise qui les vend a établi son siège européen. Ce principe a été renforcé par un arrêt de la Cour de justice de l’UE en novembre.

Deux options s’offrent au gouvernement : adapter la loi « influenceurs » à ce principe ou demander une dérogation. Le ministère de l’Économie semble actuellement privilégier cette dernière option.

Il existe actuellement certaines conditions dans lesquelles les instances peuvent être exemptées – ou déroger – au principe du pays d’origine, notamment dans le cadre de la protection de la santé, de l’ordre public ou des mineurs.

« Pour le moment, nous envisageons de faire des demandes de dérogation au principe du pays d’origine, car cela se justifie vis-à-vis des mesures de protection des mineurs », a ajouté la même source au ministère de l’Économie.

Si la demande est acceptée, le gouvernement devra notifier la dérogation à chacun des 26 autres États membres de l’UE.

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Récemment, l'autorité italienne en charge des fraudes a infligé une amende d'un million d'euros à l'influenceuse de renommée mondiale Chiara Ferragni à la suite d'une enquête pour fraude. [EPA-EFE/ETTORE FERRARI]

Harmonisation européenne

« J’aurais préféré recevoir de la Commission une lettre de remerciements », a déclaré M. Vojetta, expliquant qu’il considérait que le DSA ne permettait pas de fournir une protection et une sécurité suffisantes aux influenceurs et à leurs consommateurs sur ce point de l’influence commerciale.

En outre, M. Vojetta craint une fragmentation législative entre les lois des États membres. Récemment, l’autorité italienne en charge des fraudes a infligé une amende d’un million d’euros à l’influenceuse de renommée mondiale Chiara Ferragni à la suite d’une enquête pour fraude.

Elle avait fait la promotion d’un gâteau de Noël italien (pandoro) en 2022 en prétendant que les recettes seraient versées à un hôpital pour enfants à Turin, mais s’était enrichie d’1 million d’euros au cours de l’opération.

Analysant cette décision, M. Vojetta s’est dit surpris que l’autorité italienne n’ait décidé d’appliquer des règles qu’aux influenceurs ayant plus d’un million de « followers » , un seuil qui ne figure pas dans la loi française.

En tant qu’élu des citoyens français vivant en Espagne et au Portugal, M. Vojetta a expliqué à Euractiv qu’il essaierait de travailler avec les députés espagnols, qui réfléchissent à une loi similaire, afin d’éviter la fragmentation législative.

« Les pays européens vont se rendre compte que faire une loi influenceurs est un choix de bon sens », a-t-il déclaré, ajoutant qu’il espérait que tous les pays européens se rendraient compte de la nécessité d’harmoniser leurs approches.

Le ministère français de l’Économie a confirmé avoir été approché par les gouvernements belge et espagnol afin de préparer une loi similaire.

La Commission européenne procède actuellement à un « bilan de santé » pour déterminer si les lois sur la consommation sont toujours adaptées au monde numérique.

Le marché des influenceurs est l’une des questions qui pourrait être abordé dans une loi sur l’équité numérique (Digital Fairness Act), attendue pour le prochain mandat législatif.

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