Depuis vingt ans, malgré des coûts salariaux similaires, la France accumule les déficits commerciaux quand l’Allemagne aligne des excédents. Les échanges des services ont permis de compenser le déficit des échanges de biens mais ce n’est plus le cas ces dernières années.
Depuis vingt ans, l’Allemagne dégage des excédents au niveau des échanges commerciaux de biens manufacturiers entre 200 et 350 milliards d’euros. La France est passée d’une situation d’équilibre à un déficit qui s’accroît d’année en année et qui dépasse désormais 80 milliards d’euros.
Pour la balance énergétique, l’Allemagne est légèrement plus déficitaire que la France qui dispose d’une électricité essentiellement d’origine nucléaire. En 2023, le déficit de la balance commerciale pour l’énergie a été de 80 milliards d’euros pour l’Allemagne et de 60 milliards d’euros pour la France.
L’Allemagne connait un déficit structurel pour ses échanges de produits agricoles et agroalimentaires, d’environ 10 milliards d’euros, quand la France dégage un excédent. Même s’il s’érode ces dernières années, ce dernier reste conséquent (environ 9 milliards d’euros en 2023).
La France s’est spécialisée dans l’agroalimentaire et le tourisme
La France, premier pays d’accueil pour les touristes étrangers, dégage une balance commerciale positive pour les services de voyages. Le solde a été positif de 20 milliards d’euros. A contrario, cette balance est fortement déficitaire en Allemagne d’environ 60 milliards d’euros, de nombreux Allemands prenant, en effet, leurs vacances à l’étranger. Pour les services hors voyages, l’excédent de la balance commerciale, en Allemagne comme en France, tend à disparaître. S’élevant à une vingtaine de milliards d’euros dans les années 2010, désormais il n’atteint plus que quelques milliards d’euros.
Les balances commerciales des deux premières économies de la zone euro diffèrent. Les excédents sont concentrés en France dans les secteurs du tourisme et de l’agroalimentaire quand, en Allemagne, ils sont avant tout réalisés par l’industrie. Cette situation est la conséquence d’une divergence en matière de spécialisation qui résulte de nombreux facteurs dont l’évolution de la demande intérieure.
L’Allemagne s’est renforcée dans l’industrie
L’Allemagne étant confrontée, de longue date, au vieillissement démographique a été contrainte de développer les exportations de biens pour compenser la faiblesse de la demande interne. La France dont la population a continué de croître ces trente dernières années se caractérise par une demande interne plus soutenue occasionnant un recours plus important aux importations. De 2002 à 2023, la demande interne a augmenté de 32 % en France, contre 25 % en Allemagne. Cette dernière est donc contrainte de jouer la carte de l’exportation, a opté pour une montée en gamme de ses produits quand la France s’est cantonnée à des productions de gamme moyenne.
Dans les années 1970 et 1980, la faiblesse des taux de marges en France a empêché les entreprises de réaliser les investissements suffisants pour demeurer compétitives. Ces quarante dernières années, la France s’est spécialisée dans l’agroalimentaire et le tourisme en vertu de la théorie des avantages comparatifs. De son côté, l’Allemagne s’est renforcée dans l’industrie. De 2002 à 2023, la production manufacturière allemande a augmenté de 17 % quand celle de la France a baissé de 20 %.
Un positionnement haut de gamme
Les difficultés de l’économie allemande depuis 2022 sont liées aux surcoûts générés par la hausse des prix de l’énergie et par le ralentissement du commerce international, en raison de la montée du protectionnisme.
En revanche, l’Allemagne conserve un avantage de compétitivité du fait du positionnement haut de gamme de sa production. Ses entreprises disposent de capacités financières importantes leur permettant de traverser la crise et de se redéployer. La France dépend de plus en plus du tourisme et de l’agriculture. Dans le contexte actuel, cette spécialisation permet à la France d’avoir un taux de croissance supérieur à celui de l’Allemagne mais ces deux secteurs génèrent de faibles gains de productivité ce qui induit une croissance sur longue période faible.
Auteur/Autrice
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Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.
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