Quand l’or a cessé d’être un étalon

Quand  l’or  a  cessé  d’être  un  étalon

Les  Accords  de  Bretton  Woods  du  mois  de  juillet  1944  fixaient  les  nouvelles  règles financières  et monétaires  de  l’économie  mondiale,  du  moins  pour  les  Etats  qui acceptaient  de  s’y  plier.  Après  la  crise  de  1929  et  ses  conséquences,  les  quarante-quatre Etats  signataires  avaient  comme  objectifs  le  rétablissement  de  la  liberté  des  paiements internationaux  pour  relancer  le  commerce  international  et  la    stabilité  des  taux  de  change.   Ce  nouveau  système  reposait  sur  le  dollar  qui  était  la  seule  monnaie convertible directement  en  or.  Ce  choix  entérinait  la  position  dominante  des  Etats-Unis.  Le  système monétaire  n’a  pas  réellement  fonctionné  comme  escompté.  

Le  retour  de  la  convertibilité des  devises  fut  long  à  se  dessiner  ;  pour  le  Franc  il  fallut  attendre  1958.  Après  la    pénurie de dollars  des  années  1945/1955,  le  monde  doit  faire  face  au  phénomène  inverse en lien  avec  les  déficits  croissants  de  la  balance  des  paiements  courants  américaine  et l’essor  des  eurodollars  dont  le  marché  est  progressivement  devenu  supérieur  à  celui  des Etats-Unis.  La  guerre  du  Vietnam  avec  les  besoins  financiers  qu’elle  générait,  les problèmes  politiques,  la  faible  croissance  en  comparaison  à  celle  qu’enregistraient l’Europe  ou  le  Japon  créaient  un  climat  de  défiance  à  l’encontre  des  Etats-Unis.  

Dès 1964,  sous  l’impulsion  du  Général  de  Gaulle,  la  France  demande  la  conversion  des excédents  de dollars  en  or.  Elle  fut  suivie  un  peu  plus  tard  par  d’autres  pays  dont l’Allemagne.  La  parité  de  35  dollars  l’once  était  intenable  du  fait  de  l’augmentation  du  prix du  métal  précieux  sur  le  marché  libre.  Dans  ces conditions,  afin  de  ne  pas  voir  disparaître le  stock  d’or  de  la  Réserve  Fédérale,  Richard  Nixon  pouvait  soit  procéder  à  une importante  dévaluation  au  risque  de  provoquer  une  vague  inflationniste,  soit  suspendre la  convertibilité.

 Au  mois  de  mars  1973,  les  Etats  membres  du  FMI  optent  pour  les changes  flottants  ;  le  cours  des  devises  sont  fixés  par  le  marché.  Le  8  janvier  1976,  les accords  de  la  Jamaïque  entérinent  l’abandon  du  rôle  légal  de  l’or.   Le  métal  jaune  s’était  imposé  comme  étalon  en  raison  de  sa  rareté,  sa  durabilité,  sa densité,  sa  ductilité  et  sa  facile  identification.  Le  recours  à  l’or  constituait  une  garantie pour  les  échanges  et  pour  les  placements. 

La  valeur  d’une  devise  dépend  de  la  situation comparée  des  économies  

Ce  système  a  toujours  été  fragile  car dépendant  de  la  production  d’or.  L’arrivée  de  l’or  des  Amériques  a ainsi  déstabilisé l’Espagne  et  le  Portugal  au  XVIe  siècle.  Dans  une  économie  complexe  et  mondialisée,  la référence  à  un  bien  physique  pour  déterminer  la  valeur  des  monnaies  devenait  de  plus en  plus  difficile  à  tenir  d’autant  plus  que  l’or  est  également  une  matière  première  utilisée dans  de  nombreux  secteurs  économiques.  Au  vu  des  crises  encaissées  depuis  1971  par l’économie  mondiale,  il  apparaît  difficile  d’imaginer  aujourd’hui  un  système  monétaire reposant  sur  l’or  dont  l’once  vaut  au  mois  d’août  2021  autour  de  1800  dollars,  soit  51  fois le  cours  légal  d’il  y  a  cinquante  ans.  La  valeur  d’une  devise  dépend  de  la  situation comparée  des  économies  et  des  politiques  monétaires  mises  en  place.  Si  le  pouvoir d’influence  des  Etats  est  moindre  que  dans  le  passé,  il  en  est  de  même  pour  la spéculation  qui  trouvait  un  terrain favorable  avec  les  dévaluations  et  les  réévaluations. 

La  fin  de  la  convertibilité  est  la  cause  et  la  conséquence  du  développement  des  marchés financiers  dont le  poids  au  sein  des  économies  a  fortement  augmenté  dans  les  années 1990/2000.  Les  besoins  de  financement  croissant  des  Etats,  les  importants  excédents commerciaux  des  pays  pétroliers,  de l’Allemagne,  du  Japon  ou  de  la  Chine  le  rôle  de  plus en  plus  important  des  multinationales  nourrissent  la sphère  financière  qui  a,  en  outre, bénéficié  des  nombreux  progrès  technologiques  avec  la  digitalisation  de ses  activités.

Concurrence entre les monnaies 

L’abandon  de  la  convertibilité  en  1971  a,  par  ailleurs,  conduit  vingt  ans  plus  tard  à l’adoption  par  les Etats  membres  de  l’Union  européenne  du  Traité  de  Maastricht  instituant l’euro.  Pour  sécuriser  le  marché unique  ainsi  que  la  politique  agricole  commune,  les Européens  ont,  en  effet,  décidé  d’abandonner  leurs  monnaies  soumises  à  d’incessantes fluctuations.   

Cinquante  ans  plus  tard,  la  fin  de  la  convertibilité  du  dollar  en  or  apparaît  comme  une évidence.  Avec  la  crise  sanitaire  qui  a  abouti  à  une  augmentation  sans  précédent  des bases  monétaires  grâce  aux  rachats  d’obligations  effectués  par  les  banques  centrales, certains  s’interrogent  sur  la  valeur  à  terme  des  devises.  Celle-ci  dépend  avant  tout  des avantages  comparés.  Le  dollar  demeure  la  monnaie  première  et  de  loin  au  niveau mondial  en  raison  de  la  surface  économique  et  financière  et  du  poids  militaire  du  pays qui  l’émet. Les  Etats-Unis  sont  jugés  sûrs  et  offrent  encore  un  potentiel  de  croissance pour  les  prochaines  années.  Néanmoins,  face  à  l’accumulation  de  dettes,  un  nombre croissant  de  personnes  imaginent  que  l’avenir  monétaire  passe  par  les  cryptomonnaies. 

Après  la  fin  de  l’étalon  or  en  1971,  les  prochaines  années  pourraient  être  celles  de  la concurrence  monétaire  à  l’intérieur  des  pays  avec  la  cohabitation  de  plusieurs cryptomonnaies  avec  les  devises  officielles  à  moins  que  les  banques  centrales l’interdisent… 

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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