Quand les élèves désertent les salles de classe !

Quand les élèves désertent les salles de classe !

Depuis la crise sanitaire, les pays occidentaux sont confrontés à un absentéisme plus élevé qu’auparavant de la part non seulement des salariés mais aussi des élèves des établissements secondaires. 

En France, cet absentéisme a été de 5,5 % pour l’année 2021/2022. Les élèves du second degré public ont perdu en 2021-2022, dans un contexte encore marqué par la crise sanitaire, 8,5 % de temps d’enseignement. Cet absentéisme concerne plus souvent les élèves dans les lycées professionnels (12,9 %) que dans les collèges (4,2 %) et les lycées d’enseignement général et technologique (5,9 %). L’absentéisme a diminué dans les lycées professionnels par rapport aux années précédentes. 

Pour l’année 2022/2023, le taux d’absentéisme a été supérieur, notamment en raison d’un nombre important d’élèves de Terminale qui ont déserté les classes à partir du mois d’avril. Ces absences ont justifié le report des épreuves du baccalauréat du mois de mars au mois de juin pour l’année 2023/2024.

Un nombre élevé de jeunes ni à l’école, ni en emploi

Par ailleurs, la France détient un nombre élevé de jeunes de moins de 25 ans qui ne sont ni à l’école, ni en emploi. 16 % soit bien plus que chez nos partenaires européens. 

La France n’est pas la seule concernée par ce problème. Aux États-Unis, la situation serait bien plus préoccupante qu’en France. Une étude de l’Université de Stanford, réalisée par Thomas Dee, professeur d’éducation souligne que, au cours de l’année scolaire 2021-22, 28 % des écoliers ont manqué au moins trois semaines et demie d’école. Cette absence d’au moins trois semaines est qualifiée de chronique. 

En France, il n’y a pas d’étude mesurant avec précision l’absentéisme chronique. Aux États-Unis, le taux d’absentéisme a presque doublé entre 2018-19 et 2021-22. Il a augmenté dans les 40 États étudiés. En Alaska, l’État où le taux d’absentéisme chronique est le plus élevé, près de la moitié des élèves sont concernés.

Absentéisme chronique en France, Etats-Unis, Royaume-Uni, Australie… 

L’épidémie de covid explique en partie cet absentéisme au cours de l’année 2021/2022 mais avec son recul en 2022/2023, celui-ci aurait dû diminuer fortement. Or, tel n’est pas le cas. Dans le Connecticut, l’un des deux États à avoir déjà publié des données pour l’année scolaire 2022-23, la proportion d’enfants absents n’a diminué que de trois points de pourcentage par rapport à l’année précédente, pour atteindre 21 %. En 2018-2019, le taux n’était que de 10 %. Une tendance similaire est constatée dans le Massachusetts. 

Au Royaume-Uni et en Australie, le constat est le même, les élèves rechignent à retourner en cours. Parmi les motifs d’absentéisme figurent la santé, le manque de transports, l’absence d’argent, les conditions climatiques.

Absentéisme
L’absentéisme des salariés est en augmentation croissante depuis la crise sanitaire.

Télé-travail, télé-école

Au-delà de ces facteurs traditionnels, de plus en plus d’élèves et de parents estiment que les cours à l’école sont inutiles. Avec l’épidémie, les élèves ont pris l’habitude d’apprendre en ligne. La télé-école est le pendant du télétravail. En vertu de quoi, les enfants ne prendraient-ils pas modèle sur leurs parents qui restent à la maison travailler deux à trois jours par semaine ? 

Le télétravail induit également des changements de comportements de la part des parents. Ils partent plus facilement en week-end à partir du vendredi et reviennent le lundi amenant les enfants à déserter les écoles. Aux États-Unis, les établissements sont de plus en plus nombreux à ne pas placer les cours importants durant ces deux jours. 

Autre modification notoire, les parents hésitent de moins en moins à laisser leurs enfants à la maison en cas de doute sur l’état de santé. Ils y ont été incités durant l’épidémie et, depuis, ils appliquent ce principe de précaution.

Enseignement à domicile : + 30% en deux ans

Aux États-Unis, depuis la pandémie, les inscriptions dans les écoles privées ont tendance à augmenter, +4 % depuis 2019 quand celles dans les écoles publiques baissent de -2,5 %. Par ailleurs, de plus en plus de parents décident de pratiquer l’enseignement à domicile, +30 % en trois ans. 

L’absentéisme scolaire est un fléau. Un enfant qui manque un nombre élevé d’heures a une probabilité importante de ne pas réussir aux examens. Les élèves les plus jeunes qui désertent les salles de classe sont les plus exposés à des échecs ultérieurs. 

Une étude publiée par l’Institute of Labor Economics, un groupe de réflexion allemand, a révélé que manquer dix cours de mathématiques durant une année scolaire réduisait de 8 % les chances d’un lycéen d’obtenir son diplôme. Les écoles connectent également les élèves à des services importants.

Face au fléau de l’absentéisme, la prison ?

Face à l’absentéisme, les autorités américaines ne manquent pas de rappeler les parents à leurs devoirs. L’absence d’un élève sans raison valable est illégale dans de nombreux États. Les parents peuvent être condamnés à verser des amendes, voire à de la prison. Le 15 août 2023, la Cour suprême de l’État du Missouri a confirmé une loi qui autorise l’application de peines de prison pour les parents n’ayant pas obligé leurs enfants d’aller à l’école. Les autorités éprouvent néanmoins des difficultés à recourir à de telles extrémités, faute de moyens d’enquête mais aussi pour des raisons sociales. L’absentéisme chronique est fortement corrélé aux revenus. L’adoption de sanctions pénaliserait des familles pauvres. 

À Washington, les trois cinquièmes des élèves éligibles à l’aide gouvernementale faisaient partis des absentéistes chroniques. Aux États-Unis, les établissements d’enseignement multiplient les initiatives pour inciter les élèves à revenir en classe. À Baltimore, les écoliers peuvent bénéficier de repas gratuits ou se faire équiper de lunettes pendant toute leur scolarité. Les parents peuvent être mis en relation avec les services sociaux. 

Au Nouveau Mexique, les établissements scolaires aident les familles à gérer les rendez-vous médicaux afin que les élèves ne manquent pas des cours. En raison du manque de médecins, les rendez-vous sont souvent pris pendant les horaires scolaires et obligent bien souvent à des déplacements nécessitant une journée. 

Les responsables administratifs des établissements hésitent de plus en plus à adopter des sanctions disciplinaires d’exclusion temporaire des élèves. Ces dernières conduisaient les élèves turbulents à prendre le chemin de la rue et à ne pas revenir à l’école. Désormais, les sanctions visent au contraire, à maintenir dans l’école ces élèves. Le recours à des travaux d’utilité collective est préconisé. 

À Chicago, des établissements ont institué des récompenses pour les élèves ayant le plus faible taux d’absence. Dans certains États, l’accès aux activités sportives est conditionné à la présence en classe. Au Nouveau-Mexique, le montant des subventions aux écoles est en fonction du taux de fréquentation. Les enseignants sont invités à se rendre dans les familles des élèves absents pour les inciter à revenir en classe.

La concurrence de l’école de la rue

Les autorités doivent faire face à la concurrence de l’école de la rue dominée par les réseaux de trafiquants qui emploient des mineurs pour la surveillance des points de vente, voire pour distribuer eux-mêmes de la drogue. 

Les jeunes gagnent bien souvent plus d’argent que leurs parents et jouissent d’une aura dans leur quartier que l’école ne leur fournit pas. Le démantèlement des réseaux est difficile en raison de leur intégration au sein des quartiers défavorisés. Les éducateurs sociaux peinent à faire revenir les enfants qui les intègrent. Les pays occidentaux sont confrontés depuis quelques années à une baisse du niveau scolaire qui est, en partie, liée à une démotivation des élèves, à la faiblesse des parents et à l’incapacité des pouvoirs publics de faire respecter l’obligation scolaire. L’école doit faire face à de multiples concurrences, les réseaux virtuels et réels.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel

    Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

    Voir toutes les publications
Laisser un commentaire

Laisser un commentaire