Quand la Chine imite le Japon 

Quand la Chine imite le Japon 

Les autorités chinoises rêvent de faire de leur pays la première puissance économique et militaire mondiale pour le centenaire de l’arrivée au pouvoir du parti communiste en 2049. Il y a trente ans, le Japon aspirait au même rêve après avoir connu une expansion rapide dans les années 1980. Or, ce dernier est entré dans un cycle déflationniste dans les années 1990, dont il peine à sortir. La Chine semble l’imiter en étant confrontée à une crise immobilière et financière qui s’incruste. 

La Chine partage six caractéristiques communes avec le Japon des années 1990 : le vieillissement démographique, le recul des investissements, la faiblesse de l’inflation, la diminution de la valeur des actifs financiers et immobiliers, les difficultés du système bancaire, la mise en place de politiques monétaires et de politiques budgétaires accommodantes.

Vieillissement de la population 

Au Japon, la déflation se nourrit, depuis trente ans, de l’attrition de la population et tout particulièrement de celle en âge de travailler. La population japonaise diminue depuis le début du siècle. Elle régresse de 300 000 habitants par an. Le taux de la croissance de la population chinoise qui était de 1,7 % par an en 1990, est désormais nul voire légèrement négatif. La population de 15 à 64 ans se contracte depuis 1993 au Japon et depuis 2015 en Chine. Une des conséquences directes de ce vieillissement accéléré de la population est un excès d’offre de logements. Cet excès est d’autant plus important que les ménages réalisent de nombreux investissements locatifs pour leur retraite. Cet excès amène une baisse des prix de l’immobilier et à une diminution de la construction. 

Pour éviter une crise immobilière, les pouvoirs publics encouragent la construction et, se faisant, alimentent le déséquilibre du secteur immobilier. Au Japon, l’investissement en logement a diminué de 40 % de 1990 à 2022. En Chine, après avoir augmenté de 180 % de 1990 à 2020, il est en recul de 10 % ces deux dernières années. Au Japon, sur ces trente dernières années, le prix des logements est étale tranchant avec l’évolution des prix constatée au sein des autres grands pays de l’OCDE. En Chine, en trente ans, les prix ont été multipliés par trente mais sont en baisse depuis 2020. 

Crise immobilière et bancaire

La crise immobilière fragilise le secteur bancaire en raison d’une hausse du taux de défaut des emprunteurs et d’une moindre progression du crédit. En Chine, une partie des financements immobiliers sont réalisés en-dehors du champ des activités bancaires rendant leur contrôle plus difficile. Deux grands promoteurs immobiliers sont en difficulté en Chine, Evergrande et Country Garden. Exposé aux villes moyennes durement touchées par la crise immobilière, Country Garden n’a pas été en mesure d’honorer, au début du mois de septembre, deux paiements d’intérêts sur des emprunts obligataires. Il bénéficie d’un délai de grâce d’un mois pour régulariser sa situation, avant d’être officiellement en défaut. Il a été contraint de suspendre la cotation de onze de ses lignes obligataires. 

La crise du secteur immobilier a provoqué une chute des cours boursiers en Chine depuis un an comme ce fut le cas au Japon au début des années 1990. 

Face à la crise immobilière et financière, les ménages ont tendance à accroître leur effort d’épargne. Ils compensent la perte de valeur des actifs en mettant plus d’argent de côté. Cet effort d’épargne accru est également la conséquence du vieillissement de la population. Le taux d’épargne des ménages dépasse 30 % du revenu disponible brut en Chine en 2022, contre 20 % en 1990. Au Japon après avoir atteint 20 % dans les années 1990, le taux d’épargne a diminué dans les années 2000 avant de remonter. Le taux d’épargne de la nation (ménages, entreprises et administrations publiques) représentait, en Chine, en 2022, 45 % du PIB, contre 40 % en 1990. Au Japon, ce taux d’épargne est de plus de 30 % depuis plus de trente ans, soit quatre à cinq points au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE. 

La préférence marquée pour l’épargne a comme conséquence une moindre consommation. La faible croissance potentielle en lien avec la diminution de la population dissuade les entreprises d’investir. Depuis 1992 au Japon, et depuis 2014 en Chine, la faiblesse de la demande de biens et services et le recul des cours boursiers font apparaître un manque d’investissement au sein des entreprises qui amplifie le recul de la croissance potentielle. Le taux d’investissement des entreprises est passé de 21 à 17 % du PIB de 1990 à 2022. En Chine, après avoir atteint 25 % du PIB en 2014, ce taux est tombé à 22 % en 2022. Le taux de progression annuel des investissements en machines et équipements est de 5 % en Chine en 2022, contre plus de 20 % dans les années 2010.

Chine La Chine se “japonise” de plus en plus.

Des politiques budgétaires expansionnistes 

Malgré le vieillissement démographique, qui devrait en théorie générer de l’inflation, celle-ci demeure faible au Japon (depuis 1993) et en Chine (depuis 2013) en raison de la faiblesse de la demande de biens et services. En réduisant le nombre d’actifs, le vieillissement favorise la hausse des salaires. Par ailleurs, les retraités consomment plus de services que les actifs (santé, loisirs, services d’aides à la personne). Or, ces services sont sources d’inflation en raison des faibles gains de productivité qui les caractérisent. Or, au Japon et en Chine, le phénomène inverse est constaté. Les retraités continuent à épargner et diminuent leur consommation ce qui favorise la déflation. 

Pour relancer la demande de biens et services, les banques centrales et les gouvernements mettent en place des politiques budgétaires expansionnistes. Les taux directeurs sont abaissés. Ils sont nuls ou quasi nuls au Japon depuis trente ans. La banque centrale chinoise a contrario des politiques décidées par la FED ou la BCE a décidé récemment de baisser ses taux. La dette publique est au Japon passée de 60 à 250 % du PIB entre 1990 et 2022. En Chine, elle atteint 80 % du PIB en 2022, contre 40 % en 2011. 

La Chine se “japonise” de plus en plus avec, comme conséquence, l’affaiblissement de sa croissance. Malgré des politiques de relance, depuis trente ans le Japon n’a pas réussi à restaurer sa croissance ni à mettre un terme à la déflation. La Chine dont le PIB par habitant demeure faible (moins de trois fois celui de l’OCDE) ne peut guère supporter une longue léthargie, la légitimité du pouvoir dépendant de sa capacité à générer de la croissance.

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