Le Portugal, pays qui avait été touché par la crise des subprimes et des dettes souveraines dans les années 2008/2011, est aujourd’hui érigé en modèle. Néanmoins, ce modèle n’est pas sans faille, en particulier sur le plan social.
En 2011, le pays avait dû accepter l’intervention de la Troïka (FMI, BCE, Commission européenne) qui avait placé le pays sous tutelle et avait engagé un plan de sauvetage de 78 milliards d’euros, plan qui s’accompagnait d’une politique de rigueur. En 2024, le pays a renoué avec les « A » chez Moody’s, Fitch et tout récemment chez Standard & Poor’s. Toutes les agences attribuent une perspective stable à la note du pays.
Le changement de regard porté sur le Portugal s’explique par les bons résultats économiques et financiers qu’ils enregistrent depuis la fin de l’épidémie de covid. Les administrations publiques ont enregistré un solde positif de 1,2 % du PIB en 2023. L’endettement a été ramené à 98,7 % du PIB, soit mieux que l’objectif de 103 % fixé en début d’année par le gouvernement. L’année dernière, la croissance a été une des plus fortes d’Europe, avec un taux de 2,3 %. Pour 2024, le budget devrait rester en excédent et la croissance avoisiner 2,2 % quand un taux de 0,5 % est attendu pour la zone euro. L’inflation y est en forte baisse.
Plus d’un million d’emplois créés
Depuis 2013, plus d’un million d’emplois ont été créés, sur un marché du travail de 5 millions de personnes au total. Le taux de chômage est de 6,5 % de la population active.
Les clefs de la réussite du Portugal sont multiples. Moins exposé aux importations de gaz russe, le pays a été moins touché que les pays d’Europe du Nord ou de l’est par le déclenchement de la guerre en Ukraine. Le Portugal dispose d’un avantage comparatif fort dans plusieurs domaines qui lui ont permis de maintenir ses exportations malgré la hausse des prix. C’est le cas notamment pour le textile ou le vin. Le Portugal est également un pays industriel avec la présence d’usines automobiles et de cycles. Il est devenu, en 2021, le premier exportateur d’Europe de vélos.
Le secteur du luxe contribue également à la croissance économique, en particulier dans les domaines du cuir, du textile et des arts de la table par exemple. Les entreprises de la haute technologie installent de plus en plus de centres de recherche en attirant les salariés de toutes les nationalités grâce à des conditions de vie agréables. Les entreprises européennes ou américaines investissent de plus en plus au Portugal à la recherche d’une main-d’œuvre peu chère, bien formée et travailleuse. Le montant du salaire minimum est de 957 euros par mois.
La carte du numérique et de la transition énergétique
De nombreux nomades numériques s’y installent à la quête de conditions de vie agréables. Le Portugal entend jouer la carte du numérique et de la transition énergétique. Il met en avant le fait que la part des énergies renouvelables dans la production électrique soit dans le pays, l’une des plus importante d’Europe (60 %, selon l’Agence internationale de l’énergie – AIE). Le pays exploite de nombreux barrages hydroélectriques et a investi dans l’éolien. Le pays compte également tirer profit de ses importantes réserves de lithium qui figure, aux côtés du cobalt et du nickel, parmi les métaux indispensables notamment pour la fabrication des batteries.
Le tourisme joue un rôle clef dans la croissance en représentant 15 % du PIB. Selon ses statistiques officielles, en 2022, les recettes de ce secteur ont dépassé de 20 % celles de 2019, juste avant la crise sanitaire du covid. Sur le seul premier semestre 2023, 31 millions de touristes ont été comptabilisés dans les aéroports portugais, un record. Le tourisme a généré plus de 22 milliards en 2023 de recettes au pays. Près de 320 000 personnes travaillent dans l’hôtellerie et la restauration au Portugal. Comme dans le reste de l’Europe, ce secteur est de plus en plus confronté à des problèmes de recrutement : 50 000 emplois ne sont pas pourvus pour la saison 2024. Les professionnels du secteur demandent au gouvernement de pouvoir faire appel à l’immigration.
Tourisme et investisseurs étrangers
Après la crise de 2009, les autorités ont mené une politique visant à attirer les investisseurs étrangers. Le « visas doré » (créé en 2012 et arrêté en mars 2024) permettait à des ressortissants non européens investissant au Portugal et créant des emplois de bénéficier d’un permis de résidence. Ce dispositif a permis d’attirer plus de 6,5 milliards d’euros de capitaux. Plus de 11 000 permis de résidence ont été accordés à des investisseurs auxquels il faut ajouter les 18 000 délivrés aux proches de ces derniers. La moitié des bénéficiaires de cette disposition étaient des investisseurs chinois, ainsi que de nombreux Brésiliens et Américains.
Le Portugal a également attiré de nombreux retraités en les exonérant de l’impôt sur le revenu sur leurs pensions étrangères. Cette mesure visait à lutter contre la crise immobilière survenue en 2009. Le gouvernement y a mis un terme en raison de la forte augmentation des prix de l’immobilier qu’elle favorisait. Plus de 35 000 retraités français auraient ainsi choisi le Portugal.
Le Portugal profite également de la bonne santé de son principal partenaire et proche voisin, l’Espagne. L’Espagne connaît depuis trois ans une forte croissance tirée par le tourisme, l’industrie et l’agro-alimentaire. D’après l’Institut national des statistiques portugais (INE), les échanges commerciaux entre les deux pays sont passés de 17,6 milliards d’euros en 2000, soit environ 14 % du PIB, à 55,5 milliards d’euros en 2022, soit 23 % du PIB. Un quart des exportations portugaises sont destinées au marché espagnol et un tiers des importations en proviennent. L’Allemagne et la France sont respectivement les deuxième et troisième partenaires commerciaux du Portugal.
La forte croissance du Portugal génère néanmoins des tensions sociales. Souvent, les emplois créés sont faiblement rémunérés. Trois familles portugaises sur quatre ont rencontré des difficultés à payer leurs factures en 2023, selon le baromètre annuel de l’organisme de défense des consommateurs, Deco Proteste. En février 2024, l’Institut national des statistiques du Portugal a publié le nombre de Portugais cumulant deux, voire trois emplois. En 2023, il a dépassé les 250 000 (sur une population de 5 millions d’actifs, soit 5 %).
Les prix de l’immobilier ont augmenté de 75 % en dix ans
Le système de santé comme celui de l’éducation sont en crise. L’accès aux praticiens de santé est difficile comme dans un grand nombre de pays européens. L’accès au logement est également un sujet de conflits. Les prix de l’immobilier ont augmenté de 75 % en dix ans. Dans les principales métropoles du pays (Lisbonne, Porto), les Portugais n’arrivent plus à trouver de logements. Le gouvernement a dû ainsi mettre un terme aux « visas dorés » et aux exonérations fiscales pour les retraités étrangers. Il a institué une fiscalité plus favorable au marché 23 des locations de longue durée en pénalisant celles à but saisonnier. Une majorité de Portugais estiment que ces mesures sont insuffisantes.
Toujours pour atténuer les tensions, le gouvernement, dans le cadre du budget 2024, a prévu une hausse des investissements publics dans les secteurs de la santé, l’éducation ou le logement. Une revalorisation du salaire minimum et des pensions de retraite a été également annoncée.
Malgré un bilan économique positif, la majorité socialiste a été battue aux élections législatives du mois de mars 2024. Le Premier ministre, Antonio Costa a été remplacé par le conservateur Luis Montenegro qui entend mettre en œuvre une politique en faveur des classes moyennes. Il devra veiller à limiter l’émigration qui demeure importante chez les jeunes diplômés. Depuis vingt ans, 30 % d’entre eux ont quitté le pays. Il devra également répondre aux demandes de la population concernant la vie chère, la hausse des loyers et la décrépitude des hôpitaux.
Laisser un commentaire