Le gouvernement a annoncé mercredi 11 août la fin des tests anti-Covid gratuits, hors prescription médicale. Cette mesure doit prendre effet mi-octobre, rendant le passe sanitaire payant pour ceux non-vaccinés. Elle intervient moins d’une semaine après la décision du Conseil constitutionnel de valider le projet de loi anti-Covid. Est-elle conforme à l’esprit de la constitution ? Trois spécialistes du droit public livrent leur point de vue. Un article d’Euractiv France.
« Les tests ne protègent pas. Les tests à répétition n’empêchent pas d’aller à l’hôpital », a martelé Gabriel Attal mercredi 11 août depuis Ajaccio en Corse. Avec cette déclaration, le porte-parole du gouvernement a enterré la gratuité des tests PCR et antigéniques. Ces actes vont devenir payants, sauf en cas de prescription médicale, à compter de mi-octobre.
Cette mesure peut-elle avoir des conséquences sur le texte de loi anti-Covid, approuvé en quasi-totalité par le Conseil constitutionnel ? Euractiv a posé la question à trois spécialistes du droit public.
« La question ne se pose pas comme ça. La loi qui va servir de base à ces textes a été jugée conforme à la Constitution, sauf les exceptions qu’on connaît. Cette annonce ne peut pas remettre en question a posteriori la constitutionnalité de la loi »
Florence Chaltiel-Terral, professeure de droit public.
Huit semaines pour être vacciné
Jeudi 5 août, le Conseil constitutionnel, garant du respect de la Constitution et des droits fondamentaux, a rendu sa décision concernant l’arsenal législatif déployé par le gouvernement pour lutter contre l’épidémie de Covid-19. S’ils ont censuré des dispositions, les Sages ont estimé que le passe sanitaire résulte d’une« conciliation équilibrée » entre libertés publiques et protection de la santé.
Pour qu’une loi soit ainsi approuvée par le Conseil constitutionnel, elle doit respecter le principe de proportionnalité, qui vient du droit allemand. « En d’autres termes, la mesure doit être adaptée au but qu’elle vise », explique Guillaume Tusseau, professeur à l’école de droit de Sciences Po. « Quand on prend une décision politique de ce type, il faut que les avantages surpassent les inconvénients, il faut qu’il n’existe pas une autre manière de faire qui soit possible mais plus coûteuse en termes de liberté », détaille-t-il. Ici, les Sages ont considéré que ce principe était respecté.
Un système pour ceux qui ne peuvent pas être vaccinés
La décision fait écho à l’objectif du gouvernement de doper la vaccination, qui devient désormais une alternative gratuite. « Les tests ne sont pas sans coût pour la collectivité. La population a le choix de faire des tests à ses frais toutes les 72 heures ou se vacciner »,confirme Guillaume Tusseau.
« À partir du moment où les personnes ont la possibilité de se faire vacciner d’ici là, ça ne pose pas de problème. La date d’octobre a justement été choisie pour que les gens puissent le faire »
Bertrand Mathieu, professeur de Droit à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne.
La seule interrogation du spécialiste concerne les personnes qui ne peuvent pas se faire vacciner, pour raisons médicales par exemple. Pour cette population-là, « il faudrait créer un système d’accès gratuit aux tests », estime Bertrand Mathieu.
Des recours devant le Conseil d’État
Critiquée par les anti-passe sanitaire et les anti-vaccin, cette suppression de la gratuité des tests n’entraîne pourtant pas d’inégalités entre les Français devant la loi. « Je ne vois pas trop de fondement à la rupture d’égalité », commente Florence Chaltiel-Terral. « À part les personnes qui n’ont pas accès à la vaccination, on est tous en position d’être vaccinés. Ça poserait problème s’il n’y avait pas assez de doses, ce n’est pas le cas. »
Si l’on ne peut revenir sur cette validation du Conseil Constitutionnel, il existe des recours.
« Libre à chacun de nous qui se sentirait lésé de saisir un juge administratif . Mais il y a peu de chance que ça aboutisse car, on le voit, en Outre-mer, on reconfine, tout comme en Israël, qui a pourtant vacciné une large partie de sa population. On fait face à une situation et il faut y répondre. »
Florence Chaltiel-Terral, professeure de droit public.
En cas de recours devant le tribunal administratif, c’est le Conseil d’État qui sera chargé de plancher sur la question, car c’est lui qui fait autorité sur les décrets d’application de la loi. En cas d’urgence, la mesure peut alors être suspendue sur la forme, avant une analyse plus longue et approfondie du fond. Le Conseil constitutionnel, lui, n’interviendra à nouveau que si une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est posée. Ou si un nouveau projet de loi est voté.
Laisser un commentaire