Oser le déconfinement

Oser le déconfinement

Le monde est à l’arrêt. Les églises ont désertes. La Reine d’Angleterre parle. Du jamais vu. Tous les soirs les statistiques effrayantes assomment l’humanité confinée. Inutile de chercher les pays qui ont adopté les meilleures stratégies, le décompte ne se fera qu’à la fin. Personne ne sait quand viendra la fin, ni les résurgences de l’épidémie. En plus des morts et des malades, les conséquences sociales sont déjà là.

Les Etats-Unis ont engagé un plan de 2000 milliards de dollars. Dans tous les foyers gagnant moins de 75.000 dollars chaque adulte recevra 1200$, chaque enfant 500. 10 millions de chômeurs en quelques jours, il le fallait bien. La Réserve fédérale américaine a mis à disposition des banques des liquidités à l’infini. La Banque centrale européenne n’en est pas loin : 750 milliards, sans compter les plans de relance propres à chaque pays. Une abondance de liquidités s’abat sur un appareil de production amorphe. Normalement, l’inflation devrait suivre. Il n’en est rien. Les prix baissent avec la perte de valeur des actifs. En France, l’Etat, quoique déjà surendetté, va augmenter ses dépenses. Elles vont atteindre 60% du PIB. Jusqu’où peut-on aller ? Personne ne sait.

Tout cela peut durer tant que les monnaies -dollar et euros- tiennent. Pour les autres, les pauvres pays aux pauvres monnaies, le crédit sera vite restreint. Non seulement ils vont affronter une épidémie avec des capacités sanitaires fragiles, mais ils auront en plus une crise financière, économique et sociale d’ampleur inédite. De même que dans les pays riches, les petits souffriront plus que les gros, de même les pays les plus pauvres seront les principales victimes. Une crise ne venant jamais seule, il faut s’attendre à des crises sociales et politiques, des conflits violents.

Aucun gouvernement, quelle que soit son action, n’en sortira indemne. Déjà, Trump voit ses chances de réélection s’amoindrir. En Russie, Poutine, quoique profitant de la crise pour se succéder à lui-même, affronte un mécontentement grandissant. A force de privilégier son rayonnement extérieur au détriment de son développement intérieur, la cohésion de la Russie s’étiole avec sa pauvreté croissante. En Chine, l’Etat accroit son contrôle sur les citoyens et colmate comme il peut ses brèches financières. Au contraire de la Russie, la Chine a un appareil productif impressionnant, notamment dans la nouvelle économie. Les Etats-Unis ont à la fois une capacité d’adaptation remarquable, et se réaffirment comme le centre de la finance mondiale.

Le monde va donc se concentrer sur ses bases les plus solides. Perdants donc, les pays les plus fragiles, la Russie, les pays arabes, l’Iran, tous ceux qui sont liés au pétrole.

Et l’Europe ? Elle est mieux armée que les autres. Si elle tient. C’est-à-dire si l’Allemagne la conforte. Comme d’habitude, elle est accusée de n’être pas solidaire. Paradoxe classique : ce sont les plus antieuropéens qui lui reprochent de n’être pas plus forte. C’est oublier qu’elle n’a aucune compétence dans le domaine sanitaire. Dans le domaine économique, en revanche, si l’Italie peut survivre à crédit, comme l’Espagne, la Belgique, la France et bien d’autres, c’est parce que les taux d’intérêt sont bas : ce sont ceux de l’Euro, heureusement ! Il serait bon de rappeler à l’unité les Européens. Et à leurs réalités.

La Reine d’Angleterre, elle, a appelé à l’unité des Britanniques. Le Brexit sera dur. Elle a annoncé que « les beaux jours reviendront ». Sans doute. A cette condition : que les liens se renouent. Après le temps du chacun pour soi, cet axiome : on ne peut pas rester riche et bien portant tout seul. Valable pour l’Allemagne et l’Europe, pour l’Europe et le reste du monde. En Israël, le gouvernement agit avec l’Autorité Palestinienne, une première depuis longtemps.

Car à la description des crises possibles, des pays riches qui pourront faire face, des pays pauvres qui ne le pourront pas, il faut rappeler cette évidence : les virus comme les crises se propagent quelles que soient les frontières. A-t-on entendu les Mexicains demander de finir « le mur » pour les protéger du « virus de Louisiane » ? Si on trouve un vaccin, sera-t-il national ou mondial ?

Qui sait : peut-être que face à la règle de la plus grande pente: démagogie, populisme, étatisme, nationalisme, peurs engendrant les conflits et conflits multipliant les peurs, viendra la règle du meilleur rebond: le recours, en politique aussi, à moins de postures, plus d’humilité et de sérieux. Disons de prudence, vieille vertu des philosophes comme de l’Eglise, vertu politique par excellence, qui s’oppose à la force brute, à la panique, à l’excès.

La prudence n’est pas le principe de précaution qui paralyse, elle consiste à adapter les bons choix aux bons objectifs, à distinguer ce qui est vraiment utile, à faire « le bon calcul ». Les citoyens, effrayés par l’obscénité des annonces mortifères, sachant que ce qui a été perdu se reconstruira pas à pas, choisiront peut-être les dirigeants les plus solides, pas les matamores. Et si, en politique, revenait l’expérience ?

Bientôt, chaque gouvernement va sortir son plan de relance. Tant mieux. Tout dépend où ces investissements seront dirigés. Plus de recherche ou plus de contrôle ? Plus de barrières ou plus de coopération ? Des primes ou des investissements ? Il faudra bien oser le déconfinement. Pour l’oser, le préparer dés maintenant. Sinon il sera, lui aussi, violent. Après l’urgence, le long terme. Les dirigeants qui ne traceront pas de perspectives disparaitront.

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