OQTF : Les enjeux de la France face aux demandeurs d'asile du Maghreb

OQTF : Les enjeux de la France face aux demandeurs d'asile du Maghreb

« Il faut assumer de conditionner notre politique de visas à la délivrance de laisser passer ». Cette phrase prononcée par Bruno Retailleau, ministre français de l’Intérieur, illustre le climat politique ambiant dans l’hexagone mais également au sein des pays du Maghreb. Un phrasé qui trouve un écho aussi bien à Rabat, Alger ou Tunis. Pour Driss Yazami, Président du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME), « Tout débat public dans une société démocratique est bienvenu et la problématique migratoire peut évidemment faire l’objet de discussions, mêmes vives.

Encore faut-il que le débat soit aussi serein que possible, pluraliste avec l’implication de tous les acteurs et rigoureux, en mobilisant la science et la raison. Concernant les OQTF en ce moment et de manière générale concernant l’immigration, on ne peut parler de débat. Il s’agit de bruit plutôt, et souvent d’une instrumentalisation politicienne indigne, qui insuffle de la démagogie et de la haine. Et surtout lorsqu’il s’agit de faits divers et de crimes ». Il ajoute « que dans ces cas, il me semble qu’il faut exprimer la solidarité et l’empathie pour les victimes et leurs familles et que la justice passe, toute la justice et rien que la justice ». Le président du CCME regrettant l’absence de 2 acteurs essentiels selon lui dans le débat global sur les migrations, à savoir les migrants eux-mêmes et les scientifiques.

Pour Mehdi Alioua, sociologue à l’Université internationale de Rabat, le débat sur l’immigration et les OQTF est un vieux débat qui date des années 70 / 80 en France et qui s’est exprimé sous différentes formes et contextes politiques. « Cela a pratiquement débuté sous le mandat de l’administration du Président Giscard d’Estaing, un certain discours politique distillait l’idée qu’il y avait trop d’immigrés notamment maghrébins en France, qu’il fallait stopper l’immigration et trouver les moyens d’intégrer ceux qui avaient choisi la France et renvoyer ceux qui ne l’avaient pas choisi.

OQTH - obligation de quitter le territoire français
@adobestock

À ce moment-là, un dispositif avait été instauré le fameux « million des immigrés », une aide de 10 000 francs contre un retour des travailleurs étrangers et leurs familles dans leurs pays d’origines ». C’est dire l’antériorité du débat sur l’immigration dans le débat politique français et sa caisse de résonance dans les pays du nord de l’Afrique. « Dans la longue histoire des migrations humaines, qui inclue l’émigration européenne vers le nouveau monde et les anciennes colonies, les traits dominants ont été la libre circulation et le séjour irrégulier. Les premiers contrôles des flux en Europe datent des années 70 et la généralisation des visas des années 80 », précise Driss Yazami.

Visas et réadmissions : quelles sont les dispositions juridiques ?

Le durcissement du discours politique sur les OQTF porté entre autres par Bruno Retailleau, nouveau locataire de la place Beauveau, allant jusqu’à mettre en équation la délivrance de visas conditionnée par le nombre de laisser passer consulaires délivrés par les pays visés ne constitue pas une source de « plus » d’inquiétudes quand au devenir des relations entre la France et les pays du Maghreb.

Toutefois, la vigilance est de mise. « Le risque sur les OQTF entre la France et les pays du Maghreb, il est et sera lié à la manière dont on va vouloir imposer aux pays d’origines comment dont ils doivent recevoir leurs propres ressortissants. Et ça c’est inacceptable car on ne peut pas expulser un Français du Maroc ou de l’Algérie vers la France sans respecter les cadres légaux nationaux respectifs et également des cadres internationaux. Il n’y a pas de raison que du côté français, on ne respecte pas le droit marocain, le droit français et le droit communautaire européen » précise Mehdi Alioua. Il poursuit « on peut durcir les procédures est possible mais cette démarche a ses limites. Et fort heureusement d’ailleurs. La France devra veiller à bien respecter le droit sauf si la France n’est plus un Etat de droit. Pour l’instant, on a une agitation politique qui est ambivalente avec d’un côté des déclarations violentes et parfois xénophobes et racistes visant la communauté maghrébine et d’un autre côté, il y a la réalité du droit et la réalité des relations  entre les pays. La France va augmenter les expulsions mais ne pourra pas atteindre les chiffres voulus et annoncés. C’est impossible ».

Auteur/Autrice

  • Rachid Hallaouy

    Rachid Hallaouy est journaliste et éditorialiste installé au Maroc depuis 2006. Après avoir collaboré avec de nombreux médias en presse écrite (L’Economiste), électronique (Yabiladi) et audiovisuel (France 24), il a rejoint Luxe radio pour y lancer en 2011 un concept de débat d’idées traitant de sujets politiques et économiques.

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