Nucléaire, matières premières, éco-conception : ce que va défendre la France à Bruxelles

Nucléaire, matières premières, éco-conception : ce que va défendre la France à Bruxelles

Lors du conseil Compétitivité (COMPET) des États membres qui se tient à Bruxelles ce lundi 22 mai, la France défendra l’élargissement des interdictions de destruction des produits textiles, des objectifs sectoriels sur les matières premières critiques et l’introduction complète du nucléaire dans le texte sur l’industrie verte de l’UE. 

La réunion des ministres européens en charge de la compétitivité commencera par l’étude de la proposition de règlement sur l’éco-conception.

Selon les informations d’EURACTIV «  un compromis a été trouvé concernant le textile » en amont du conseil sur l’interdiction de la destruction des invendus. Ce, en dépit des réticences, notamment de la Suède.

La France soutiendra l’interdiction et devrait aussi plaider pour que le texte soit étendu à des produits autres que le textile, notamment électriques et électroniques.

Pour la Commission européenne, ne pas introduire d’interdiction de destruction fausserait le marché unique du fait de lois nationales déjà existantes dans certains pays — dont la France (loi AGEC).

Aussi, l’idée d’un «  passeport numérique des produits  » avec un «  étiquetage carbone  » pour leur traçabilité est vue d’un bon oeil à Bercy, afin d’informer les consommateurs, se donner les moyens de surveiller le marché et développer l’économie circulaire.

Quant aux discussions relatives à la compétitivité du bloc, la France salue que les travaux soient déjà en cours sur les énergies, les matières premières critiques et semi-conducteurs, avec une approche « par cible de production ». En outre, le cabinet du ministre de l’Industrie rapporte plaide pour un élargissement des secteurs couverts : « cette approche est la bonne sur l’ensemble des secteurs de l’Agenda de Versailles [déclaration du 11 mars 2022, faisant suite à l’agression russe en Ukraine], notamment la santé ». 

De gauche à droite : Roland Lescure (ministre délégué à l’industrie de la France), Dara Calleary (ministre d’État chargé de la promotion du commerce, du numérique et de la réglementation des entreprises, Irlande), Ján Oravec (secrétaire d’État au ministère de l’économie, Slovaquie). [Conseil de l’UE / Union européenne]

Des objectifs sectoriels sur les matières premières critiques

Le conseil COMPET sera aussi l’occasion de débattre sur la législation concernant les matières premières critiques (Critical Raw Materials Act – CRMA) présentée par la Commission européenne le 16 mars dernier.

La Commission souhaite développer un cadre réglementaire adéquat pour assurer une autonomie partielle de l’UE sur la chaîne de valeur des matières premières critiques et indispensables à la transition énergétique et écologique : 10 % à l’extraction, 40 % au raffinage et 15 % sur le recyclage d’ici à 2030.

Mais la France souhaite aller plus loin, plaidant pour que les objectifs «  soient déclinés par matière première  » et pas uniquement pris de manière globale. Cela «  permettra de prendre en compte précisément le potentiel européen, qui n’est pas le même, que vous parliez de lithium ou de cobalt, par exemple  », précise Bercy.

Le cas échéant, ces objectifs pourraient donc être rehaussés, notamment en ce qui concerne l’extraction ou la non-dépendance à un pays tiers, ajoute le cabinet du ministre.

Comment financer ?

En outre, le conseil sera aussi l’occasion de discuter de financement. La question de la mise en place d’un fonds de souveraineté européen «  sera évoquée  », nous indique-t-on.

Cela «  permettra la mise en commun de ressources financières, justement pour éviter de mettre à mal le marché unique européen  », avançait le ministre de l’Industrie, Roland Lescure, dans nos colonnes fin-février.

La création d’un tel fonds est défendue, entre autres, par la France, l’Allemagne et le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton.

Pour l’heure, «  aucune proposition n’a été faite  » et il est «  beaucoup trop tôt  » pour discuter des moyens de financer le fonds, ajoute le cabinet, interrogé sur la possibilité d’un emprunt commun — sujet radioactif dans les négociations entre États.

De façon générale, la France «  est assez demandeuse au niveau européen d’y voir un peu plus clair sur les besoins d’investissement qui seront nécessaires  et la mobilisation des fonds européens existants », conclut Bercy, alors que la France vient de lancer un fonds public-privé au niveau national doté de 2 milliards d’euros.

Inclure entièrement le nucléaire dans le Net-Zero Industry Act

Les discussions relatives au règlement sur l’industrie verte européenne (Net-Zero Industry Act – NZIA) risquent d’être plus évasives.

Présenté le 17 mars, le NZIA ambitionne d’offrir un cadre règlementaire et financier facilitateur pour développer une industrie européenne plus autonome, notamment d’un point de vue énergétique.

Mais la France demande de la clarté. Le texte n’en est encore qu’au stade d’une «  première proposition qui pose des principes mais demande à être précisée  », notamment sur les technologies qu’il couvre, avance le cabinet du ministre.

Dans le texte actuel, seul le nucléaire nouveau, comme les petits réacteurs modulaires ou le nucléaire de 4ème génération (à sel fondu, etc.), peut bénéficier de facilité de développement. Ce, sans disposer des mêmes avantages que les autres technologies mentionnées dans le NZIA, comme le solaire ou l’éolien.

La Commission européenne a présenté vendredi (19 mai) un document visant à mieux expliquer les avantages qu’offre le texte à chaque technologie.

La France souhaiterait donc que les discussions mènent, à terme, à la mise en place d’une catégorie unique pour toutes les technologies de décarbonation, incluant «  l’énergie nucléaire dans son ensemble », soit à la fois l’existant et le futur, précise Bercy.

Une position que défendait déjà l’Élysée fin mars, en amont d’un sommet des chefs d’État et de gouvernement à Bruxelles.

Néanmoins, la France «  soutient l’initiative  » et son «  esprit général  très en phase avec le projet de loi industrie verte » français, assure le cabinet du ministre de l’Industrie.

Les discussions sur le NZIA pourraient donc êtres les plus tendues au Conseil.

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