Il est un point sur lequel Trump et Harris sont d’accord : le pourboire. Tous les deux proposent de le défiscaliser. Les mauvais esprits diront qu’au Nevada, l’élection se joue à quelques milliers de voix, celles de barmans, taxis, croupiers liftiers et autres professions vivant des Tips ( to ensure prompt service). Ce serait prendre le bulletin de vote par le petit bout du bulletin de paie. 2,5 % des Américains, environ 4 millions de personnes, sont rémunérés en pourboires. Le pourboire peut décider du sort du monde, ce qui est justifié.
Défiscaliser le pourboire, cela revient à baisser les impôts. En France, il y eut la défiscalisation des heures supplémentaires. Que le travail paie. Folie, disent les uns : Cela ferait un trou dans les dépenses publiques. Aux Etats-Unis, défiscaliser le pourboire annulerait 10 à 20 milliards de recettes fiscales par an. L’heure, en France, est plutôt à un consensus pour l’augmenter : revoilà l’ISF, l’Exit-tax et la suppression de l’abattement pour les plus-values. Il y aura d’autres idées, à n’en pas douter. Augmenter les impôts permet-il de réduire le déficit ?
Retour d’expérience à travers quelques pays, à commencer par les plus heureux, les pays nordiques; agaçants à force d’être bien classés.
Face à la crise financière, la panne de croissance, un nouveau gouvernement décida de réduire les impôts.
La Suède, le modèle social-démocrate des années 70, ne l’était plus en 1991. Face à la crise financière, la panne de croissance, un nouveau gouvernement décida de réduire les impôts. Et les dépenses publiques. Il ouvrit l’éducation, la poste, l’électricité, le chemin de fer, la santé, à la concurrence. Résultat : une baisse de 14% de la dépense publique par rapport au PIB, moins grâce à des « économies » qu’à la croissance retrouvée. En trente ans, le niveau de vie des Suédois par rapport à celui des Français s’est accru de 40%. Chaque année la dépense augmente en France, et diminue en Suède, par rapport au PIB. Exception : la crise du Covid s’est traduite par des dépenses publiques de +3% en Suède, mais +6% en France. Il n’y eut pas plus de décès par rapport à la population en Suède qu’en France.
La Suède n’est pas devenue plus inégalitaire et a toujours un taux élevé de dépenses sociales. L’éducation ne s’est pas effondrée avec la mise en place d’un « chèque éducation ». Au contraire, pour l’éducation, comme pour la santé, la Suède est mieux classée que la France. La baisse des impôts (suppression des droits sur les successions…) a dopé la croissance, l’investissement, la création de richesse. Les Suédois sont plus riches, les services publics mieux financés, mais ils pèsent moins.
Autre pays agaçant, avec un haut niveau de dépenses publiques, (45% du PIB), en excédents budgétaires: le Danemark. Là encore, le Danemark a décidé dans les années 90 de baisser les dépenses publiques : -14% en trente ans par rapport au PIB, comme la Suède. Là encore, ce sont moins des coupes budgétaires qui ont permis de baisser le ratio que la libération de la croissance. Quand le Pib croit plus vite que la dépense publique, la part de la dépense publique diminue. Résultat : le PIB par habitant des Français représentait 75% du PIB par habitant danois en 2000. Il n’est plus que de 60%.
Comment ont fait les Danois ? En indexant le système des retraites sur l’espérance de vie et en introduisant la capitalisation. Le taux de travail des seniors (de 55 à 65 ans) atteint 73% ; 57% en France. Les Suédois, eux, avaient généralisé la retraite par point, projet auquel renoncé Emmanuel Macron pour y substituer la réforme comptable actuelle.
Les Danois se sont imposés des plafonds de dépenses stricts; le gouvernement ne peut présenter un budget en déficit de plus de 0.5%. En France il faut remonter à Raymond Barre pour un tel exploit. Qui se souvient de Raymond la science ?
En 1995, le Pib par habitant des Français était 30% plus élevé que celui des Irlandais. Aujourd’hui, il est inférieur de 60%.
L’exemple le plus agaçant n’est pas celui des pays nordiques. Ils prouvent que l’on peut mener une politique dite libérale, et préserver un système de solidarité, voire que seule une politique libérale préserve un système de solidarité. Le pays le plus vexant, c’est l’Irlande. En 1995, le Pib par habitant des Français était 30% plus élevé que celui des Irlandais. Aujourd’hui, il est inférieur de 60% à celui des Irlandais. Décrochage stupéfiant ou miracle ? Il n’y a pas de miracle en économie. La multiplication des petits pains s’explique par celle du crédit.
L’Irlande était un pays pauvre qui décida de diminuer continuellement le ratio de dépenses publiques par rapport au Pib national, il devint le pays européen où ce ratio est le plus faible : 24%. (La France est à 56%). Les Irlandais ont mené une politique systématique de dépenses publiques inférieures au taux de croissance, ce qui a dopé la croissance à un taux moyen de 5%, ce qui permis, en valeur, d’augmenter les dépenses publiques. Contrôle des dépenses publiques et … baisse des impôts !
L’Irlande a fortement bénéficié des aides européennes. Moins que la Grèce, le Portugal ou l’Espagne. Depuis 2006, l’Irlande est un contributeur net à l’Union Européenne. Lors de la crise des subprimes, l’Union européenne a demandé aux Irlandais d’augmenter les impôts. Ils ont refusé, ils ont eu raison. L’Irlande agace parce qu’elle est accusée de dumping fiscal; il n’y aurait pas de dumping si les taux d’imposition étaient mesurés.
La France peut-elle rattraper le Danemark, la Suède ou l’Irlande ? Rien n’est impossible. Pas même de se faire dépasser par l’Argentine, comme elle l’a été par l’Irlande. Celle-ci était, jusqu’aux années 30, par habitant, aussi riche que la France. Depuis, le Pib par habitant argentin a baissé de façon continue, la pauvreté est passée de 5% de la population à plus de 50% aujourd’hui. Péronistes de droite et de gauche, militaires et civils n’ont jamais juré que par les « descamisados » (les sans chemises), l’Etat, les subventions et la corruption. Vint El Loco, le fou, Mileï, qui coupant à la hache dans les budgets, retrouve un excédent budgétaire, réduit l’inflation, et après la purge, entrevoit une croissance de pays émergent : +5% l’an prochain selon le Fmi.
L’impôt ne porte ni sur le pourboire ni sur la fortune mais sur l’économie toute entière, comme de l’encre dans un liquide.
Ce qu’enseignent ces pays réformateurs, c’est qu’une fois que le pli de la maîtrise de dépenses est pris, aucun gouvernement ne revient sur cet acquis. Tous comprennent que la lutte contre la pauvreté ne se fait pas par l’impôt mais par la création de richesse, qui permet de financer les services publics. Un BA Ba combattu par les élites, dont le pouvoir repose sur l’octroi de subventions, autorisations, dérogations et autres services, quel que soit le régime. L’explication du populisme dans les pays démocratiques vient de là, pas seulement de l’immigration. Les « descamisados » ont compris que l’inflation était un impôt sur les pauvres, que les droits de douane en était un autre, que l’aide sociale alimentait les petits chefs et les caisses noires, que l’impôt des riches était in fine payé par les pauvres, parce que l’impôt ne porte ni sur le pourboire ni sur la fortune mais sur l’économie toute entière, comme de l’encre dans un liquide.
Comme la France est un pays élito-populaire, les seules recettes consensuelles qui émergent aujourd’hui passent par l’impôt. Trop intelligents, les Français : Il suffit de lire le Monde ou le Monde diplomatique, organes de presse d’inspiration trotskiste modéré que l’on croit centristes, pour s’en apercevoir.
Taxer le travail est une injustice.
C’est un frein économique à la production de richesse et la créativité. Trump et Harris savent d’instinct, y compris électoral, que taxer le travail diminue le travail; que le « travailleur » n’est pas quelqu’un qui travaille mais qui n’a pour richesse que son travail, à la différence des actionnaires, « rentiers », retraités ou agents publics. Taxer le travail est une injustice. C’est un frein économique à la production de richesse et la créativité.
Pour payer sa dette, il faut (et il suffit) que le rythme (le taux) de création de richesse soit supérieure à son remboursement. Que le taux d’intérêt soit toujours inférieur au taux de croissance. L’inverse tue. Or nous y sommes presque.
La dette ne peut être remboursée que par la croissance. Ni par la purge, ni par l’impôt. Par un surplus de croissance qui ne peut venir, non d’un plan de relance, mais d’un surplus de travail et d’investissement.
Voilà pourquoi, au moment où l’on parle du retour de l’ISF, de l’exit-taxe, de la fin de l’abattement sur les plus-values, d’impôt exceptionnel, on devrait considérer l’inverse. Baisser les impôts dans un pays où les pays prélèvements obligatoires battent les records du monde est un impératif vital.
Fusionner l’Impôt sur le Revenu et la CSG serait une simplification bureaucratique
Supprimer l’impôt sur les médailles olympiques et les pourboires ? Au-delà : supprimer l’impôt sur le revenu, impôt sur le travail et la création de richesse ! Taxer les riches ? À condition de les multiplier auparavant, par le travail. En supprimant la taxation du travail, on peut justifier la taxation du patrimoine. Sinon, c’est anti-économique. Et injuste. Pour commencer, fusionner l’Impôt sur le Revenu et la CSG. Ce serait une simplification bureaucratique.
En attendant, voici une proposition d’urgence pour doper la croissance sans couper dans le vif du périmètre de l’Etat : un moratoire fiscal. Que personne ne paie plus d’impôts l’an prochain qu’il n’aura payé cette année. La pause fiscale serait un moteur de croissance pour l’économie. Les recettes fiscales ne diminueraient pas : elles augmenteraient avec la croissance.
Que le taux de croissance des dépenses de l’Etat soit toujours inférieur au taux de croissance de l’économie.
Simplement veiller à ces deux principes, qui sont les leçons suédoises, danoises, irlandaises, mais aussi canadiennes, australiennes, tchèques, autrichiennes, néo-zélandaises, néerlandaises … : Que le taux de croissance des dépenses de l’Etat soit toujours inférieur au taux de croissance de l’économie ; que le taux de croissance de l’économie soit toujours supérieur au taux d’intérêt. Alors vous combattrez la pauvreté autrement que par de l’idéologie, toujours oppressive.
Cette recette est à l’épreuve des faits ; elle fut appliquée – et son contraire, hélas – partout dans le monde. Oublier le pourboire, c’est commettre une injustice, diminuer la qualité du service, ruiner le serveur comme le cuisinier et le patron. Le taxer le pourboire, le diminuer. Le détaxer, c’est l’augmenter. N’oubliez pas le pourboire ! Non seulement c’est le moteur de l’économie, mais même des élections.
Laurent Dominati
a. Ambassadeur de France
a. Député de Paris
Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press et de l’app bancaire des expatriés France Pay
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