Notre-Dame en flammes, le cœur se serrait. Des millions de gens, qu’ils croient en Elle ou non, priaient pour que les tours tiennent. Puis, face au désastre, agir et réagir, s’agiter en somme. Seule l’action permet de dépasser la tristesse, l’impuissance engendre le désespoir. Alors surgirent deux façons de compenser le malheur, signes de notre temps : l’argent et le commentaire. Puis très vite, le commentaire non plus sur Notre-Dame, mais sur la politique, la France et encore l’argent. Délices des polémiques.
Pourquoi est-ce la seule cathédrale au monde à brûler en temps de paix ? Comment peut-on savoir qu’il s’agit d’un accident avant que l’enquête ait démarré ? Comment se fait-il qu’une cathédrale qui n’a pas bougé en huit siècles brûle comme une maquette avec tous les moyens de prévention et de sécurité actuels ? Comment l’Etat, puisqu’il est propriétaire de Notre-Dame, protège-t-il si mal les monuments historiques ? Emmanuel Macron a-t-il réagi trop vite ? Ne se moque-t-il pas du monde en promettant de reconstruire en cinq ans Notre-Dame ? Manque-t-il de respect en lançant un appel à projet qui pourrait inclure un geste « moderniste »? Et ces milliardaires qui font le concours de la générosité grâce aux exonérations fiscales ? S’ils renoncent aux exonérations, n’est-ce pas la preuve qu’ils ont trop d’argent ? Et le Pape, combien va-t-il donner ? L’Eglise ne va-t-elle pas en profiter ? Etc…
La France a été décrite par un essayiste comme « le pays qui aime les idées ». C’est aussi le pays qui adore la polémique. Heureusement. La polémique n’est pas seulement grossière et ridicule. Si elle s’autorise beaucoup de bêtises, de postures, de récupérations, elle permet aussi la critique systématique, et peut aboutir -parfois- à dépasser l’esprit grincheux.
C’est pourquoi le monde entier se mobilise. Pas seulement pour Notre-Dame, mais parce que la France est touchée, et que la France est spéciale.
Un talent fou pour juger, commenter, regretter, dénoncer, accuser, soupçonner, ironiser, déplorer, redresser. Chacun a un avis, sans modération. Louis XIV, passant devant Notre-Dame trouvait que c’était une horreur démodée. Il détestait le gothique : il fit Versailles. Tant mieux. C’est peut-être ce goût de la polémique, cette volonté d’être à jour, qui fit que Notre-Dame ne fut jamais achevée et qu’au 19ème, sous les polémiques, Viollet-le-Duc ajouta la flèche qui s’est effondrée.
Mais c’est aussi parce que Saint Louis distribua à bien des princes les épines de la couronne du Christ qu’il avait achetée aux banquiers vénitiens (l’argent !) que les nations étrangères se souviennent peut-être de la générosité du trésor de Notre Dame, et sont prêts à aider les Français à la reconstruire. Tout ce qui touche à Paris est forcément universel. Les Français le croient : d’autres aussi. Ils ont raison.
La couronne du Christ n’a plus d’épines, elles ont été données. Le manteau de Saint Louis est sauvé, les rosaces aussi. Notre-Dame sera rénovée, jamais achevée. Comme les polémiques sur le pouvoir de l’argent, le coût d’une cathédrale, la récupération politique de la foi, de l’art, ou des tragédies nationales. Dans tous ces domaines, les Français ne sont pas des novices. Nous saurons tenir notre rang, parce que la France, Paris, Notre-Dame, ce sont pierres qui vivent. Qui parlent, s’agitent, polémiquent, etc… C’est la vie.
N’oublions pas de dire merci à tous ceux qui, dans les Alliances françaises, dans les Consulats, les Lycées français, les Ambassades, vont laisser un mot (ou un euro) pour que rejaillisse la flèche de la cathédrale, et les mille flèches de l’esprit aiguisé des Français. Sans lui Notre-Dame pourrait vieillir. Ce qui ne sera jamais le cas.
Laurent Dominati
Editeur de lesfrancais.press
Ancien député de Paris
Ancien Ambassadeur de France
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