Sébastien Raoult est incarcéré depuis deux mois au Maroc suite à l’émission d’une notice rouge d’Interpol à la demande des autorités américaines. Ce Français âgé de 21 ans, autiste, est soupçonné d’être membre d’un groupe de cybercriminels qui aurait visé des entreprises américaines. Sans aucun jugement et sans fournir aucune preuve, les USA, mais aussi d’autres Etats, peuvent ainsi via Interpol faire procéder à l’arrestation de citoyens français pour les extrader vers leur territoire lors du passage des frontières. Et ce alors que la France n’extrade jamais ses ressortissants. On vous détaille cette procédure, aujourd’hui dénoncée par les avocats aux quatre coins du monde.
Les notices Interpol : fonctionnement
Une notice rouge est un avis de surveillance. Il s’agit d’une demande aux forces de l’ordre internationales du monde entier de procéder à une arrestation provisoire d’un criminel présumé. Cet avis est une demande des forces de l’ordre d’un pays demandant l’aide d’autres pays pour résoudre un crime ou attraper un criminel. Sans cet avis, il est impossible de suivre les criminels d’un pays à l’autre. Ils procèdent à cette arrestation provisoire en attendant la remise, l’extradition ou toute autre action en justice.
INTERPOL publie généralement cet avis à la demande d’un pays membre. Ce pays ne doit pas nécessairement être le pays d’origine du suspect. Cependant, il doit s’agir du pays où le crime a été commis. L’émission de notices rouges est traitée avec la plus grande importance dans tous les pays. Cela implique que le suspect en question est une menace pour la sécurité publique et doit être traité comme tel.
La notice rouge n’est cependant pas un mandat d’arrêt international. Il s’agit simplement d’un avis de recherche. En effet, INTERPOL ne peut contraindre les forces de l’ordre d’aucun pays à arrêter une personne faisant l’objet d’une notice rouge. Chaque État membre décide de la valeur juridique qu’il accorde à une notice rouge et du pouvoir de ses autorités répressives de procéder à des arrestations.
Mais il existe 7 types de notices qu’on vous détaille ci-dessous :
7 types de notice Interpol
- Orange: Lorsqu’un individu ou un événement constitue une menace pour la sécurité publique, le pays hôte émet un avis orange. Ils fournissent également toutes les informations dont ils disposent sur l’événement ou sur le suspect. Et il est de la responsabilité de ce pays d’avertir Interpol qu’un tel événement est susceptible de se produire sur la base des informations dont il dispose.
- Bleu: Cet avis est utilisé pour rechercher un suspect dont le sort est inconnu. Les autres États membres d’Interpol mènent des recherches jusqu’à ce que la personne soit trouvée et que l’État d’émission soit informé. Une extradition peut alors être effectuée.
- Jaune: Semblable à la notice bleue, la notice jaune est utilisée pour localiser les personnes disparues. Cependant, contrairement à la notice bleue, ce n’est pas pour les suspects criminels mais pour les personnes, généralement des mineurs qui sont introuvables. Il s’adresse également aux personnes incapables de s’identifier en raison d’une maladie mentale.
- Rouge: La notice rouge signifie qu’un crime grave a été commis et que le suspect est un criminel dangereux. Il ordonne au pays dans lequel se trouve le suspect de garder un œil sur cette personne et de poursuivre et d’arrêter le suspect jusqu’à ce que l’extradition soit effectuée.
- Vert: Cet avis est très similaire à l’avis rouge avec une documentation et un traitement similaires. La principale différence est que la notice verte concerne les délits moins graves.
- Noir: La notice noire concerne les cadavres non identifiés qui ne sont pas citoyens du pays. L’avis est émis afin que tout pays demandeur sache que le cadavre se trouve dans ce pays.
- Avis aux enfants : Lorsqu’un ou plusieurs enfants sont portés disparus, le pays émet un avis via Interpol afin que d’autres pays puissent participer à la recherche.
La notice rouge est la plus sévère de toutes les notices et sa délivrance peut avoir des effets d’entraînement parmi les nations du monde. Cela montre que la personne est une menace pour la sécurité publique et doit être traitée comme telle. Le but d’une notice rouge est généralement une arrestation et une extradition.
Un système ouvert aux abus
Cependant, la notice rouge d’Interpol est, depuis quelque temps, dénoncée par des avocats et défenseurs des droits humains en France et ailleurs dans le monde. Ainsi certains estiment que les pays ne seraient pas assez contrôlés dans l’émission d’une notice rouge. Or le document, parfois très succinct, peut avoir d’importantes répercussions.
C’est par exemple ce qu’il s’est passé pour Hubert Goutay. Ce Français de 65 ans, patron d’une société de négoce, est incarcéré depuis huit mois au Maroc suite à l’émission d’une notice rouge à son encontre. Le Royaume en avait fait la demande à la suite d’une nébuleuse affaire de cocaïne saisie dans un cargo au Bénin. Mais ce père de famille crie son innocence.
« Quand on lit la notice rouge, il y a quelques lignes, il n’y a rien sur notre père, il n’y a rien sur son implication. On ne comprend même pas pourquoi il a été arrêté. On était à 10.000 lieux d’imaginer qu’il allait pouvoir être interpellé, que ce soit en France ou au Maroc, par Interpol »
Ariane Goutay, la fille d’Hubert Goutay
Certaines associations de défense des droits de l’Homme s’inquiètent également de la politisation de ces notices rouges. Interpol en émet actuellement 69.000 mais certains pays font plus de demandes que d’autres. C’est le cas de la Russie de Vladimir Poutine. Presque à chaque fois, les fugitifs russes sont présentés de manière lapidaire par Moscou, souvent accusés de participer à une organisation terroriste. Or, ces accusations n’ont pas vocation à être vérifiées par Interpol.
Que faire en cas d’arrestation au passage d’une frontière ?
Si par malheur, lors d’un voyage, vous êtes confronté à un abus d’émission d’une notice d’Interpol à votre encontre, il faut bien évidemment demander l’assistance consulaire, trouver un avocat et vous armer de patience et de courage.
Au niveau d’Interpol, afin de lutter contre les abus de certains Etats, prompts à émettre des notices rouges abusives, Interpol a institué une Commission de Contrôle de Fichiers (CCF). La procédure de contestation est longue et complexe et consiste en une analyse de la notice rouge afin de déterminer si celle-ci respecte les critères définis par l’article 83 du Règlement d’Interpol sur le Traitement des données.
En règle générale, une notice rouge Interpol est valide si les critères cumulatifs suivants sont remplis :
- L’infraction concernée est un crime grave de droit commun ;
- L’infraction en cause est punie d’une peine privative de liberté d’au moins deux ans ou plus.
Une notice rouge d’Interpol ne peut en revanche pas être publiée pour les catégories d’infractions suivantes :
- infractions controversées relatives aux normes comportementales ou culturelles (ex. : adultère, homosexualité, etc.);
- infractions à des lois ou réglementations de nature administrative ;
- litiges privés ou commerciaux (chèques sans provision)
Une notice rouge d’Interpol peut également être supprimée s’il apparaît que les poursuites sont motivées par des considérations politiques ou s’il est évident que, conformément aux normes internationales, les motifs de poursuites ne sont pas suffisants. Il reste enfin également possible de demander la suppression d’une notice rouge lorsque les droits fondamentaux de la personne mise en cause n’ont pas été respectés.
Si la procédure suit son cours et que vous êtes condamné dans le pays émetteur, il vous restera toujours la possibilité de demander un transfèrement vers la France.
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