Non à la spirale protectionniste

Non à la spirale protectionniste

Face à la promesse de Donald Trump de relever les droits de douane, la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, rejette l’idée d’une guerre commerciale avec les États-Unis et prône l’engagement d’une négociation commerciale. Cette proposition, loin d’être un aveu de faiblesse, incarne la voix de la raison. L’Europe a tout à perdre d’une montée du protectionnisme. Elle est en effet la première puissance commerciale mondiale et son modèle économique dépend largement des exportations. Les États-Unis représentent son principal marché, avec des échanges à forte valeur ajoutée.

Les liens économiques entre les deux rives de l’Atlantique sont importants et concernent de nombreuses entreprises, tant américaines qu’européennes. La majoration des droits de douane pénaliserait des secteurs clés tels que l’aéronautique, l’automobile, l’agriculture, la pharmacie, la chimie, et bien d’autres. Une guerre commerciale se traduirait par moins d’échanges, moins de croissance et une baisse des recettes fiscales. L’Allemagne serait le pays européen le plus touché, mais la France ne serait pas épargnée.

Donald Trump estime que les excédents commerciaux de l’Europe, tout comme ceux de la Chine, sont excessifs et témoignent de pratiques déloyales.

L’Union européenne est considérée comme éminemment protectionniste

En France, il est courant d’accuser l’Europe d’être trop ouverte et incapable de se protéger. Pourtant, à l’extérieur, le regard porté sur l’Union européenne est tout autre. Elle est considérée comme éminemment protectionniste. L’agriculture, la culture et les marchés publics sont protégés. L’ouverture à la concurrence dans les transports y est relativement récente et demeure limitée. Le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) qui vise à protéger la compétitivité des industries émettrices de gaz à effet de serre sur le marché européen, est unanimement considéré à l’étranger comme une mesure protectionniste. Il suscite l’ire des pays émergents et en développement.

@adobestock
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Les États-Unis, en matière de droits de douane et de réglementation, restent plus libéraux que les Européens.

Même si les politiques mises en place par Donald Trump et Joe Biden modifient quelque peu la donne, les États-Unis, en matière de droits de douane et de réglementation, restent plus libéraux que les Européens dans leurs échanges extérieurs. La volonté de Donald Trump d’imposer des droits de douane majorés sur l’ensemble des importations est condamnable, tant sur le plan économique que juridique. Elle contredit l’esprit qui a prévalu après la Seconde Guerre mondiale en matière de commerce international. Afin d’éviter le retour d’une spirale protectionniste, les États ont privilégié le multilatéralisme, aboutissant à la signature de plusieurs grands accords commerciaux (GATT) et à la création, le 1ᵉʳ janvier 1995, de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les conflits commerciaux devraient être traités dans cette instance.

Cependant, la Chine, membre de l’OMC depuis le 11 décembre 2001, doit-elle toujours bénéficier de la clause de la nation la plus favorisée qui lui permet de se soustraire à certaines règles en raison de son faible niveau économique ? Bien que le pouvoir d’achat de sa population reste inférieur à celui des pays riches, la Chine est devenue, en quelques années, la première puissance exportatrice mondiale de biens manufacturés.

La politique de la chaise vide adoptée par les États-Unis contribue à la fragmentation du monde

L’OMC est censée veiller au respect des accords commerciaux et sanctionner les pratiques de dumping. Or, Donald Trump ne croit pas en la capacité de l’OMC à faire respecter le droit et préfère s’en remettre aux rapports de force bilatéraux. La dérive des institutions internationales, ces dernières années, ne lui donne pas totalement tort. Cependant, la politique de la chaise vide adoptée par les États-Unis n’est certainement pas une solution viable à long terme. Elle contribue à la fragmentation du monde. Les pays dits avancés auraient tout intérêt à réinvestir dans les organisations multilatérales afin de ne pas laisser le champ libre à la Russie ou à la Chine, l’objectif étant d’éviter une guerre commerciale mondiale de laquelle personne ne sortirait gagnant. A défaut, l’Union européenne, comme le préconise Christine Lagarde, a tout intérêt à négocier avec les Etats-Unis, les points de convergence demeurant plus nombreux que les points de divergence.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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