Depuis des années, la France est en déclin et accumule avanies et malheurs. Les finances publiques sont au bord du gouffre avec un déficit de près de 5 points de PIB et une dette publique dépassant, en 2023, les 3 000 milliards d’euros. Les prélèvements obligatoires représentent 45 % du PIB, ce qui place le pays au sommet de la hiérarchie européenne en la matière. En 2022, le déficit commercial a atteint le niveau record de 164 milliards d’euros sur fond de désindustrialisation.
La productivité du travail est en baisse depuis 2019, rendant impossible le retour à une croissance forte. Même s’il a diminué, le chômage demeure important en concernant, au mois d’août 2023, plus de 7 % de la population active, contre 3 % en Allemagne. Le PIB par habitant recule depuis plusieurs années et l’écart avec l’Allemagne ou les États-Unis ne fait que s’accroître. Le système de santé est au bord de l’implosion à moins que cela ne soit l’explosion. Le niveau des élèves s’érode d’année en année, la France occupant une place médiocre au sein des classements de l’OCDE. La moitié des étudiants ne mangeraient plus à leur faim et un tiers des ménages se restreindraient au niveau alimentaire. Le mal du logement concernerait plus de quatre millions de personnes. Durant la crise sanitaire, les Français ont mal vécu le fait que leur pays soit dans l’incapacité de mettre au point un vaccin contre le covid, sachant que la France figure parmi les pays où le mouvement anti-vaccination a été le plus important.
Les Français pessimistes
Si sur le plan individuel, les Français sont relativement optimistes, ils sont, en revanche, notoirement pessimistes sur le plan collectif. Le niveau d’insatisfaction des Français est comparable à celui de nombreux pays sous-développés. N’en jetez plus ! Si pour ses habitants, la France prend la forme d’un enfer, elle est perçue comme un paradis par nombre de leurs homologues étrangers. Environ 90 millions d’entre eux décident d’y passer chaque année des vacances faisant de la France le premier pays d’accueil des touristes internationaux. Les conditions de vie y sont louées.
L’économie française la plus attractive de l’Union européenne
Récemment, une étude du Boston Consulting Group a souligné que la France était devenue depuis 2019 plus compétitive que l’Allemagne. Elle confirmait une autre enquête réalisée par Ernst and Young au début du printemps 2023 mentionnant que l’économie française était la plus attractive de l’Union européenne. La France est le pays européen comptant la proportion la plus élevée d’entreprises multinationales rapportée au PIB de chaque pays. Certes, ce ratio est en baisse mais, en 2022, 24 entreprises françaises se classaient dans les 500 premières. Le pays peut s’enorgueillir d’être le champion du monde incontesté du luxe.
Assez étrangement, les Français admirent les milliardaires étrangers, mais sont critiques à l’égard de ceux de leurs coreligionnaires qui le sont. La France est également en pointe dans l’aéronautique, ou encore dans le secteur de la finance, une compagnie d’assurances et une banque françaises figurant parmi les plus importantes au niveau mondial. La France rivalise avec le Royaume-Uni pour le nombre de Start-ups et de gazelles, ces entreprises innovantes réalisant plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires.
En 20 ans, 18 Français ont reçu le prix Nobel
La France dispose d’infrastructures réputées en matière d’autoroutes, de voies ferrées à grande vitesse et d’aéroports. La France possède 41 plateformes aéroportuaires contre 28 au Royaume-Uni et 13 en Allemagne. Elle dispose également de 3 000 gares ferroviaires. Le pays dépense plus que ses partenaires européens en dépenses de santé et de retraite. La densité de médecins en France est proche de la moyenne européenne. Le rapport de revenus entre les 10 % les plus riches et les 10 % les plus pauvres, après redistribution fiscale et sociale qui est de trois figure parmi les plus faibles de l’OCDE et ne tend pas à s’accroître. En 20 ans, 18 Français ont reçu le prix Nobel. En 2023, trois Français ont été récompensés en physique et en chimie. La France arrive au 4e rang mondial pour le nombre de prix Nobel.
Le dénigrement, la division sont des spécialités françaises se transmettant de génération en génération. Jules César dans ses mémoires, la Guerre des Gaules, soulignait déjà le manque d’unité de la population. Les Français sont retors à l’autorité mais s’en remettent à elle en permanence. Les rois furent contestés au point que Louis XVI fut décapité et que les deux derniers monarques ayant régné sur le pays durent fuir honteusement Paris. Depuis 1789, la France a connu 15 régimes différents. Quand les crises s’accumulent, un changement de Constitution apparaît comme la seule solution possible. Nul autre pays occidental n’use aussi rapidement ses institutions que la France.
« Deux Français sur trois » ?
Face aux forces centrifuges, le centralisme est l’inclinaison des différents régimes qui se sont succédé. Pour contraindre les nobles récalcitrants, après la Fronde, Louis XIV s’employa à les corseter à Versailles en développant une administration à sa main. Napoléon amplifia le phénomène en instituant un mode d’organisation et de fonctionnement militaire, vertical et servile. Pour éradiquer les tentations bonapartistes et royalistes, les Républicains s’appuyèrent sur l’administration et notamment sur l’Éducation Nationale. Après l’humiliante défaite de 1940 et l’instabilité de la IVe République sur fond de guerres coloniales, le Général de Gaulle fit une synthèse entre le Républicanisme et le Bonapartisme.
Ce centralisme ne mit cependant pas un terme à l’esprit de chapelles, à la division. Le Général de Gaulle dut faire face à l’hostilité des partisans de l’Algérie française et au mouvement de mai 1968. Valéry Giscard d’Estaing rêva d’un pays avec un large consensus rassemblant « deux Français sur trois » mais dut gérer une division au sein de sa majorité et une partition du pays entre les tenants du grand soir et les autres. Depuis, la fragmentation de la population semble s’accélérer de mandat en mandat comme si plusieurs France évoluaient en parallèle.
Le sport, source de fierté nationale arrive de moins en moins à unir la population, la victoire de la Coupe du Monde de 2018 ne ressemblant en rien à celle de 1998. Aujourd’hui, même une affaire de punaises de lit se transforme en une polémique nationale.
La soif jamais inassouvie de l’égalitarisme des Français explique une partie de cette spécificité. La jalousie est en France un sentiment amplement partagé au point que la réussite sociale est tout à la fois un objectif et une maladie honteuse. La France souffre d’un problème d’altérité et d’un réel manque de confiance. Au lieu d’être fâchés, les Français devraient faire preuve de plus de confiance, d’optimisme et de relativisme.
Auteur/Autrice
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Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.
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