Nationalisation d’EDF : le texte adopté à l’Assemblée s’oppose au droit européen

Nationalisation d’EDF : le texte adopté à l’Assemblée s’oppose au droit européen

Les députés ont voté jeudi 7 février 2023 en faveur de la proposition de loi du groupe socialiste pour nationaliser EDF, dans une Assemblée nationale boudée par la majorité présidentielle qui proteste contre le bien-fondé juridique du texte, au regard notamment du droit européen. 

Début juillet, lorsque le gouvernement annonçait aux députés qu’il allait recapitaliser à 100% le premier énergéticien d’Europe, EDF, l’Assemblée nationale applaudissait d’un seul homme. 

Quelques semaines plus tard, le député socialiste (PS — NUPES) Philippe Brun révélait dans un rapport les supposées intentions cachées du gouvernement derrière la recapitalisation d’EDF, à savoir la division des activités du groupe. Une accusation que le gouvernement a, depuis, démentie. 

Lancé, le député socialiste a profité de la séquence pour présenter une proposition de loi opposant une « vraie nationalisation d’EDF » au projet de l’exécutif.

Après son adoption en commission des Affaires économiques, le texte a été adopté jeudi (7 février) par les députés à 205 voix contre 1. 

Un « premier pas »

De l’aveu même des députés qui ont voté en faveur du texte, celui-ci est imparfait.

À gauche, il s’agit néanmoins d’un « premier pas » vers un « grand pôle public de l’énergie » déclare depuis les rangs insoumis (LFI — NUPES) la députée Clémence Guetté.

À droite, il s’agit d’un « signal essentiel pour ne pas démembrer le groupe intégré qu’est EDF », martèle le député Les républicains (LR) Raphaël Schellenberger.

Mais selon le gouvernement et les membres de la majorité présidentielle, le texte est si imparfait qu’il serait tout bonnement inutile. D’abord, parce que l’offre publique d’achat de l’État pour racheter les parts des actionnaires minoritaires serait un « franc succès », selon le ministre de l’Industrie, Roland Lescure (ancien député des Français d’Amérique du Nord), présent lors des débats.

Il rappelle en outre que celle-ci devrait être définitivement validée après le mois de mai de cette année, rendant ainsi caduque la présente proposition de loi.

Ensuite, parce que le texte seraitaussi « juridiquement bancal », déclare le ministre.

EDF
« La proposition de loi fait porter des risques réels à l’écosystème énergétique. Si vous aviez auditionné RTE [filiale d’EDF en charge de la gestion des réseaux français d’électricité, NDLR], vous sauriez qu’elle est extrêmement inquiète », a déclaré le ministre de l’Industrie, Roland Lescure. [EPA-EFE/Mohammed Badra]

Couac juridique

Les députés de la majorité présidentielle ont en effet rappelé à de très nombreuses reprises lors des débats que le texte contreviendrait à la Constitution française qui prévoit que les parlementaires ne peuvent pas formuler de proposition de loi qui créer une dépense publique. 

Or, le ministre de l’Industrie avance que la nationalisation d’EDF telle que présentée coûterait 16 à 18 milliards d’euros. Sans compter qu’elle prévoit d’augmenter les dépenses publiques en généralisant les tarifs réglementés de vente d’électricité. 

L’exécutif se demande également si la proposition de loi respecte le droit européen.

La directive européenne sur les règles communes pour le marché de l’électricité de 2003 impose en effet la séparation des activités de production, de fourniture et de distribution d’électricité. Or, la proposition de loi mentionne que « EDF est un groupe public unifié » dont les activités sont, entre autres, « la production, le transport, la distribution, l’importation et l’exportation d’électricité ».

« La proposition de loi fait porter des risques réels à l’écosystème énergétique. Si vous aviez auditionné RTE [filiale d’EDF en charge de la gestion des réseaux français d’électricité, NDLR], vous sauriez qu’elle est extrêmement inquiète », a ajouté le ministre de l’Industrie.

Passage au Sénat

Néanmoins, les députés de gauche, républicains, nationalistes et les indépendants du groupe LIOT ont eu gain de cause. Une opération moins difficile à mener dès lors que les députés de la majorité présidentielle, pour le coup minoritaires, ont quitté en masse l’hémicycle avant le vote. 

En revanche, la « mascarade » décrite par la députée Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée, pourrait ne pas survivre à l’examen en chambre haute à venir dans les prochaines semaines. 

La représentation de gauche y est minoritaire et celle du Rassemblement nationale inexistante. La majorité sénatoriale, bien que conservatrice (LR), ne joue pas toujours les mêmes cartes que ses collègues de la droite de la chambre basse. Preuve en est du dernier vote sur la loi d’accélération des énergies renouvelables.

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