La jeunesse du monde s’était donné rendez-vous au palais Bozar de Bruxelles ce lundi 8 avril. L’Orchestre des lycées français du monde (OLFM) assurait ainsi sa deuxième représentation dans la capitale Belge pour un moment de grâce et d’harmonie musicale.
Au terme de presque deux heures de concert, entre gospel sud-africain, classiques de Bizet et compositions originales, une salle debout ovationnait les 150 élèves du réseau de l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger (AEFE) présents sur scène et la direction énergique de leur charismatique chef d’orchestre, Adriana Tanus.
Transformer une multitude d’individualités en un ensemble orchestral homogène
Cette titanide de la musique, qu’aucun défi n’arrête, a créé cet orchestre il y a dix ans. Enseignante, elle transmet sa passion de la musique à des générations d’élèves du lycée français de Madrid. Mais elle est surtout une formidable promotrice du jeu en groupe et a su une nouvelle fois transformer une multitude d’individualités en un ensemble orchestral homogène vivant à l’unisson l’interprétation enflammée d’un répertoire alliant audace et classicisme, élans africains et moments chantés.
On notera aussi la rencontre heureuse entre diplomatie et créativité puisqu’une composition de l’ex-Ambassadeur François Saint-Paul figurait au programme du concert avec une « Valse première pour Aude » agréable et enlevée que l’on doit à ce pianiste de Jazz qui fut notamment chef de poste en Autriche.
Dans son propos introductif comme pendant les rappels, difficile de ne pas adhérer aux propos d’Adriana Tanus et à son vibrato chargé d’une émotion communicative et fraternelle… « A travers la musique on réussit à respirer ensemble… » et d’ajouter reprenant son souffle « On ne se connaît que depuis 8 jours, c’est hallucinant !». Sa direction musicale fut sans surprise parfaitement énergique et inspirée par l’amour de transmettre autour de cette formule musicale originale.
42 pays et une cinquantaine de villes représentés
L’OLFM est un bel ensemble itinérant qui se recompose à chaque nouvelle édition et qui est porté par un nouvel établissement du réseau des écoles et lycées français à l’étranger chaque année.
La prouesse technique et artistique réalisée à travers cet orchestre des lycées français du monde doit être mesurée comme il se doit : Ces jeunes gens sélectionnés en janvier, le plus souvent à distance ont eu seulement dix jours pour « faire société musicale » et devenir orchestre à Bruxelles.
La géographie de ce bel aréopage musical donne le vertige : 42 pays et une cinquantaine de villes représentés, de Tokyo à San Francisco, en passant par Johannesburg, avec des élèves de 7 à 18 ans qui partagent le privilège de suivre un enseignement dans l’un des établissements du réseau mondial de l’AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger).
Les vacances de Pâques ont donc été studieuses avec 6 heures de répétitions par jour en moyenne. Les familles d’accueil du lycée Jean Monnet ont su faire de la place pour héberger un ou plusieurs musiciens venant des 4 coins du monde. Delphine Palissot, maman heureuse, s’émerveille encore au souvenir de sa « maison qui a résonné de musique pendant 10 jours ». Elle a accueilli deux jumeaux altistes et choristes venus de Lisbonne et une terminale tunisienne. Son fils Arthur, passionné de sciences autant que de musique, a pu créer une connivence forte avec ces jeunes de son âge « qui n’écoutent pas que du Mozart toute la journée mais jouent aussi à FIFA à la console ».
Une expérience inoubliable
Cette année il s’agissait d’associer des instrumentistes, souvent brillants et à l’expérience affirmée, à des choristes qui avaient le seul désir de chanter et parfois une absence de formation musicale initiale. La sélection de choristes et une volonté de démocratiser l’accès à l’OLFM sont les nouveautés de cette édition bruxelloise. Elle s’est adossée à une « classe chantée » que le lycée français local et son école primaire offrent en option à ses élèves qui fournissaient un contingent d’une quinzaine de chanteurs parmi la quarantaine présents sur scène dont des solistes déjà emblématiques d’une jeunesse inspirée.
En matière de chant, on mentionnera un « Quand on n’a que l’amour » et son pic d’émotion porté par une soliste qui offrit bien des frissons aux mélomanes présents dans la salle. Mais il serait injuste de ne pas évoquer aussi des jeunes pousses audacieuses qui du haut de leurs 7 ou 8 ans chantaient à gorge déployée sous la verrière d’un palais somptueux et que les décorations de Victor Horta comme le public venu en masse n’impressionnaient nullement.
Claudia Scherer-Effosse, directrice de l’AEFE, qui honorait de sa présence ce concert, soulignait justement l’apport des choristes : « La voix donne une densité encore plus forte à l’évènement, avec une palette d’élèves plus jeunes parmi les choristes qui vont vivre une expérience inoubliable ».
Des mois de travail et une organisation sur 10 jours très concrète
La proviseure du lycée Jean Monnet, Laure Mouden, insistait quant à elle légitimement sur « des mois et des mois de travail d’une vaste équipe qui allait de l’homme d’entretien, aux secrétaires, aux professeurs et au service communication ». Pragmatique et concentrée elle mentionnait « une organisation sur 10 jours très concrète, avec le logement des musiciens, leur restauration et le lieu d’accueil à trouver qui a été l’école européenne d’Uccle dont je remercie le proviseur M. Tran ».
Au-delà de l’aspect évènementiel, une formation pour les professeurs d’éducation musicale et de chant choral a été créée pour les enseignants qui ont pu assister aux concerts et répétitions « pour qu’ils puissent impulser à leurs retours dans leurs établissements du chant choral autour d’évènements fédérateurs ». Isabelle Polizzi, inspectrice pédagogique régionale à l’AEFE estime aussi que «les professeurs des disciplines artistiques ont une assise très solide dans leurs domaines et peuvent avoir besoin d’une acculturation à la pédagogie française, le chant choral pouvant ainsi créer une dynamique de réseau».
Cet évènement montre plus largement « ce qu’on est capable de faire » en matière musicale, puisqu’il a vocation à passer de ville en ville, indique Marie-Christine Lefranc, Cheffe de Bureau Évènements et Valorisation du réseau.
« Vivement l’année prochaine »
Au sortir des coulisses du spectacle, ces jeunes artistes émus retrouvaient leurs familles d’accueil et les quelques mots saisis à la volée témoignaient d’un moment désormais gravé dans leur cœur, « expérience unique » pour Christopher de Bruxelles et sa voix de basse, « une épreuve incroyable » pour Faustine venue de Dubaï. Arthur, avant de retrouver sa mère Delphine pensait déjà aux retrouvailles à venir avec un sonore : « Vivement l’année prochaine ».
Accolades, promesses d’amitiés éternelles, musiciens serrant leurs instruments comme on chérit un être aimé…. Les familles émues s’attardaient sur les marbres du palais pour mieux prolonger cet instant mêlant gloire musicale et nostalgie déjà naissante pour un moment déjà passé et unique.
La fin de soirée était résolument enchanteresse. On avait manifestement « respiré ensemble » selon le vœu de la chef d’orchestre happée en coulisse par des élèves qui ne la lâchaient plus et lui apportaient tour à tour le témoignage de leurs remerciements pleins d’une gratitude heureuse.
A bientôt Adriana Tanus, à bientôt l’OLFM …
Auteur/Autrice
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Boris Faure est l'ex 1er Secrétaire de la fédération des expatriés du Parti socialiste, mais c'est surtout un expert de la culture française à l'étranger. Il travaille depuis 20 ans dans le réseau des Instituts Français, et a été secrétaire général de celui de l'île Maurice, avant de travailler auprès des Instituts de Pologne et d'Ukraine. Il a été la plume d'une ministre de la Francophonie. Aujourd'hui, il collabore avec Sud Radio et Lesfrancais.press, tout en étant auteur et représentant syndical dans le réseau des Lycées français à l'étranger.
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