Mille jours de guerre ; deux mille de révolutions

Mille jours de guerre ; deux mille de révolutions

Mille jours de guerre en Ukraine. Zelenski annonce la « paix dans la victoire » pour cette année. À son désespoir, Scholz tâte Poutine, pour plaire à Trump. L’Europe et le monde sont déjà, comme le dit Sébastien Lecornu, ministre des Armées, « Ni tout à fait en paix, ni tout à fait en guerre ». Comment « faire un Scholz » : soutenir Zelenski et draguer Poutine ? En renonçant et au droit et à la force, il ne s’agit que de démontrer sa faiblesse. Abandonner l’Ukraine n’est pas un message de paix aux yeux du monde. Pourquoi Scholz appelle-t-il Poutine ? Il a eu Trump en ligne.

Comment « faire un Scholz » : soutenir Zelenski et draguer Poutine ?

Avec Trump, deux mille jours de révolutions s’annoncent, au moins jusqu’aux élections de mi-mandat. Le changement sera radical. Ils étaient les gendarmes du monde. Du passé, hélas. L’Amérique go home. Ils étaient les leaders du monde libre. Trump préfère jouer avec Kim. Ils étaient les hérauts du libre-échange. Avec l’isolationnisme, le protectionnisme. Leur mine d’or reste le dollar. Trump veut mettre au pas la Reserve fédérale et faire des États-Unis la capitale des cryptomonnaies. Depuis les années 60, les droits civiques rayonnaient. Wokisme et contre wokisme ont tourné la page, Trump la brûle. Le Rêve américain a peuplé l’Amérique, tous des immigrés. 14% de la, population est née à l’étranger (dont Musk). Trump parle de « déportations ». Depuis Roosevelt, l’Etat fédéral se renforçait. Avec la tornade Musk, une autre formule pourrait s’imposer à « l’administration ». C’est peut-être le plus important : les États-Unis veulent inventer l’Etat moderne du XXIème siècle, celui de la révolution digitale, de la robotisation et de l’IA, pour le meilleur et pour le pire.

Les États-Unis veulent inventer l’Etat moderne du XXIème siècle, pour le meilleur et pour le pire.

Les Européens se sont aussitôt réunis pour forger leur cohésion, envisager des investissements, réaffirmer leur engagement avec l’Ukraine. Une semaine plus tard, Scholz fayote avec Poutine et Trump.

Avec l’effacement progressif de la France, l’Allemagne pilote l’Union Européenne. Cheminement erratique quand l’Union Européenne croit exister sans les Etats qui la composent. L’UE a pris deux décisions, l’une malgré l’Allemagne (sur la Chine), l’autre contre la France (sur l’Amérique latine). Elle se ment à elle-même si elle croit pouvoir exister contre l’une ou l’autre, quelles que soient les raisons.

L’Allemagne n’a plus de gouvernement, l’Europe n’a pas de Commission. Ursula règne, mais en lévitation. La coalition du Parlement européen (Conservateurs, Libéraux et Sociaux-démocrates) s’effrite sur la nomination des Commissaires.  Depuis six mois, rien ne bouge.

La raison ? La coalition de Scholz a éclaté. L’extrême droite allemande renaît. L’AFD perce en Allemagne sur les mêmes thèmes qu’une extrême gauche, le « Bundes Sahra Wagenknecht », elle aussi convertie au rejet de l’immigration, de la guerre et de l’Europe.

Si l’Union Européenne croit exister sans les Etats qui la composent, elle se ment à elle-même.

Sensible à la pression des extrêmes, Olaf Scholz, pour sa campagne,  veut apparaître comme le « Chancelier de la paix ». Il refuse les missiles Taurus à l’Ukraine. Pourquoi retenir l’Ukraine, est-elle si forte ? Au coup de fil de Scholz, Poutine a répondu dans les 24 heures par un bombardement massif sur Kiev et les centrales électriques.

L’Allemagne est le principal soutien de l’Ukraine, juste derrière les Etats-Unis.  Les 27, pourtant, ont réitéré leur soutien à l’Ukraine juste après l’élection de Trump. La Commission a même réussi à faire avaliser un fond d’achat commun pour du matériel militaire. L’Union Européenne peut-elle soutenir l’Ukraine sans l’Allemagne ? Évidemment non.

Toute la politique allemande est dans une impasse.  

Scholz hésite, se contredit, s’inquiète parce que toute la politique allemande est dans une impasse. Son industrie était soutenue par l’énergie à bon marché du gaz russe. Fini. Elle exportait en Chine, le marché se ferme. Sa sécurité était assurée par les États-Unis. Voilà la guerre à ses portes. Et revoilà Trump. Hélas, la France est faible. Voilà le couple franco-allemand en déshérence.

La Commission taxe les voitures chinoises, malgré l’Allemagne, avec le soutien de la France. La Commission promeut le Mercosur, avec l’Allemagne, contre la France. Chacun se cherche une clientèle. Le pacte fondateur européen qui reposait sur l’accord de l’Allemagne et de la France, est rompu. Et la Commission joue l’un contre l’autre. Erreur. Impossible de mener une politique européenne sans accord franco-allemand. Toute divergence s’accentuera.

Comment tracer sa voie si l’on change de politique selon le vœu des autres ?  

Le rapport Draghi évalue à 800 milliards par an le besoin de financement pour rester dans la course technologique. Pour l’instant, l’épargne européenne finance les Etats-Unis. Les pays de l’Union européenne dépensent 270 milliards de moins que les États-Unis en matière de recherche et d’innovation.  Rien n’est irrémédiable. Le Covid avait conduit à un emprunt européen. Un Fonds européen pour la défense est né. Pour la première fois, l’UE a financé sur son budget un achat conjoint d’armes pour l’Ukraine, à hauteur de 300 millions. C’est bien tard. L’Europe avait promis un million d’obus pour mars 2024, elle n’y est pas parvenue. Les pays européens additionnent le deuxième budget militaire du monde, mais c’est la Corée du Nord qui, après mille jours, abreuve la Russie de munitions et maintenant de soldats.

Combien de fois faut-il être averti pour que les Européens deviennent européens ? Comment tracer sa voie si l’on change de politique selon le vœu des autres ?

L’Europe a abandonné le Moyen-Orient. Elle ignore la Méditerranée. Elle a perdu l’Afrique. Emmanuel Macron fait une tournée en Amérique latine, une tournée qui aurait dû être historique, soixante ans après celle du général de Gaulle. Qui s’y intéresse, en pleine division européenne, en plein rejet français du Mercosur? Personne, hormis les Européens, ne souhaite une Europe unie. Tous préfèrent des pays dépendants, tributaires, qui paieront leur sujétion d’une façon ou d’une autre.

On peut appeler Poutine, mais une fois bien armé

Les responsables ne sont pas à Bruxelles, plutôt à Paris et Berlin. La France par faiblesse économique. L’Allemagne par étroitesse d’esprit. Sa richesse n’est rien sans le marché unique, sans la solidarité politique de l’UE.

Le sursaut commande de reconstruire l’union dans les esprits, à commencer par feu le couple franco-allemand. À repenser l’Etat, au moment de la révolution digitale. Un Etat plus démocratique, et moins bureaucratique, cela devrait aller de pair. La démocratie n’est pas l’ennemi de l’efficacité, de la souplesse, ni de la résilience. Les démocraties sont plus fortes que les régimes autoritaires : la preuve par la petite Ukraine face à l’ogre russe. Encore faut-il que les démocraties soient solidaires.  

Le monde est dangereux. « Nous ne sommes pas en guerre mais nous ne sommes plus en paix », écrit Sébastien Lecornu dans « Vers la guerre ? » ? Un ministre des Armées, d’une jeune génération, explique ce qu’il voit, ce qu’il sait, ce qu’il craint. Un livre lucide, utile, et rassurant. Parce qu’il dit que l’on peut appeler Poutine, mais une fois bien armé. Pour dîner avec le diable il faut une longue cuillère.

Repenser l’Etat du XXIème siècle dans un monde où la seule certitude est l’incertitude. Un Etat agile.

Penser aux guerres à venir oblige à penser le monde, les alliances, à recenser les attentes, les besoins, les efforts. En un mot, à repenser l’Etat du XXIème siècle dans un monde où la seule certitude est l’incertitude. Un Etat agile, réactif.  Les deux mille jours qui viennent seront encore des jours de combat. Avec et contre qui ?

Laurent Dominati
Laurent Dominati

Laurent Dominati

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press et France Pay

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