Les deux textes déposés par la gauche et le RN ont été débattus ce mercredi, le vote a eu lieu en tout début de soirée au Palais Bourbon. Et sans surprise, la motion de censure du Nouveau Front Populaire (PS-EELV-PC-LFI) a été adoptée, avec les voix du Rassemblement national, mettant fin au plus précaire des gouvernements de la Vème République, celui de Michel Barnier.
Les réactions des élus des Français de l’étranger
On commence, naturellement, par les réactions des élus des Français de l’étranger. Car dès le résultat du vote de la censure, vos parlementaires ont partagé leurs réactions sur les réseaux sociaux. Parmi celles-ci, Pieyre-Alexandre Anglade, député pour nos compatriotes du Benelux, membre du groupe Ensemble Pour République a déclaré que : « L’alliance des populistes du Rassemblement National et de La France Insoumise a renversé le gouvernement de Michel Barnier. Cette décision est grave et fragilise la stabilité de la France. Il apparaît encore plus clairement qu’une coalition des forces républicaines est nécessaire ».
De son côté, Yan Chantrel, sénateur socialiste des Français établis hors de France, écrit que « la solution politique est la désignation d’un Premier Ministre de gauche s’engagent sur les chantiers prioritaires du Nouveau Front Populaire ». Tandis que sa collègue du Palais du Luxembourg, Hélène Conway-Mouret estime pour sa part que « pour que le prochain (gouvernement) tienne, il doit être représentatif des groupes politiques majoritaires à l’assemblée. Besoin d’un front républicain dans l’hémicycle pour que le RN ne soit pas faiseur de roi ». Quant à Amelia Lakrafi, députée du bloc central, Ensemble pour la République, et représentant les Français de l’étranger de la 10e circonscription, elle a retweeté un dessin de Plantu où l’on devine Mathilde Panot de LFI dansant bras dessus bras dessous avec Marine Le Pen, avec comme légende « la censure est votée contre le gouvernement Barnier ».
Une motion de censure provoquée
L’origine de ce chaos est à rechercher dans la décision de lundi dernier de Michel Barnier. Depuis le perchoir de l’Assemblée nationale, le Premier ministre, désormais démissionnaire, a utilisé l’article 49.3 engageant la responsabilité du gouvernement. Cette procédure a entraîné la suspension de la discussion du budget de la sécurité sociale. Si aucune motion de censure n’avait été déposée 24 heures après le déclenchement du 49.3, le texte aurait été considéré comme adopté.
Dans le cas présent, plusieurs motions de censure ont été déposées par les partis d’opposition. Chaque motion de censure requiert la signature d’un dixième des membres de la chambre basse. Pour faire tomber le gouvernement et rejeter le texte, il fallait qu’elle soit votée par la majorité absolue des députés, soit au moins 289 parlementaires. Ce fut le cas.
Quel gouvernement pour la France ?
Désormais, il existe plusieurs options pour Emmanuel Macron qui doit désormais constituer un nouveau gouvernement. Il pourrait, comme il l’avait fait au lendemain des élections législatives, prendre son temps et laisser le gouvernement démissionnaire en charge des affaires courantes. Mais cette option ne semble pas avoir sa préférence, a appris France Télévisions mardi. Si Michel Barnier tombe, il faudra « absolument une nomination rapide d’un nouveau Premier ministre, en début semaine au plus tard », assure l’entourage du chef de l’État à l’AFP, soulignant qu’il faudra « calmer les marchés financiers » et qu’il y aura « un pays à faire tourner et un budget à voter ».
Emmanuel Macron pourrait également renommer Michel Barnier (qui a écarté cette hypothèse mardi soir sur France 2) ou une autre personnalité compatible avec le socle commun, composé des macronistes, des centristes et de la droite. Mais ce nouveau gouvernement se heurterait alors au risque d’être à son tour censuré par l’Assemblée nationale, la motion de censure pouvant intervenir même sans utilisation de l’article 49.3 par le Premier ministre.
Le président de la République pourrait alors faire le choix d’un gouvernement technique, qui ne l’avait pas convaincu après les législatives anticipées. Mais l’idée est loin de faire l’unanimité au sein du socle commun.
De leur côté, les députés du Nouveau Front populaire évoquent de nouveau le nom de Lucie Castets, choisie cet été par la gauche pour les représenter. Mais sa capacité à former un gouvernement qui ne serait pas censuré est incertaine. Invitée de franceinfo, celle-ci a exclu qu’un gouvernement de gauche puisse intégrer des macronistes..?
Enfin, Emmanuel Macron pourrait envisager de bâtir une large coalition, allant de la droite au Parti socialiste – une hypothèse qui avait là aussi échoué au lendemain des législatives, le NFP étant resté uni. « Il y a un point d’équilibre à trouver » pour tenir jusqu’en juillet, date à laquelle une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale sera possible, glisse son entourage à l’AFP.
Quel Premier ministre ?
Depuis quelques jours, le chef de l’État a déjà largement commencé à consulter. Il a confié à certains vouloir nommer quelqu’un de son camp après l’expérience d’un chef de gouvernement membre des Républicains. « Il faut trouver la perle rare, issue probablement de la droite, mais plus habile que le vieux crooner », pique un habitué de l’Élysée auprès de l’AFP.
Le premier nom du potentiel remplaçant idéal à Michel Barnier qui est apparu dans la presse est celui de Bruno Retailleau. Avec un tel choix, Emmanuel Macron pourrait laisser les mains libres à celui qui est arrivé place Beauvau en assurant que la régulation de l’immigration devait être une priorité. Celui-là même qui a déclaré publiquement que l’immigration n’était « pas une chance » et que la politique pénale devait être revue en profondeur. Une ligne qui pourrait convaincre Marine Le Pen pour s’abstenir de toute censure… jusqu’au prochain désaccord. Mais l’option Retailleau aura du mal à convaincre l’aile gauche de la macronie, pour quoi le ministre de l’Intérieur est bien trop traditionaliste et conservateur.
D’autres noms sont également évoqués parmi les quelques rumeurs, comme ceux de Gérard Larcher ou de François Baroin, qui resterait dans une ligne politique sensiblement identique à celle de Michel Barnier. La prise du maire de Troyes semble avoir gagné en force ces dernières heures d’après Le Parisien. Il faut dire que l’homme coche de nombreuse case : il est issu de la droite, mais entretien de bonnes relations avec le PS et n’est pas fâché avec le RN. Côté CV, les expériences et les mandats ne manquent pas dans la carrière de François Baroin qui a été député, sénateur, ministre et aussi ancien président de l’association des maires de France.
Des prétendants semblent aussi émerger dans le camp macroniste, une appartenance politique qui pourrait être leur plus grande faiblesse. Parmi eux, trois noms sortent du lot : François Bayrou, patron du MoDem qui a parrainé Marine Le Pen à la dernière présidentielle ; Sébastien Lecornu, actuel ministre des Armées capable de parler à toutes les forces ; et Roland Lescure, député des Français installés en Amérique du Nord et ancien ministre de l’Industrie.
Enfin, rares sont les noms de personnalités de la gauche cités parmi les rumeurs autour de Matignon. Emmanuel Macron ne verrait pas la solution venant ce côté de l’échiquier politique selon des bruits entendus par BFMTV. Mais si le chef de l’État décide seul de la nomination du Premier ministre, il reste très attentif aux initiatives des chefs de groupes parlementaires. Le Président pourrait donc considérer la volonté de Gabriel Attal d' »élargir le socle commun« , en intégrant les socialistes et les écologistes pour « bâtir des compromis législatifs » autour d’un « pacte d’actions« . S’il parvient à agglomérer des bonnes volontés dans cette perspective, alors le nouveau Premier ministre devra incarner une ligne plus sociale-démocrate et donner des gages forts aux députés de gauche. Pour l’heure, le scénario ne semble pas être le premier choix de l’Élysée.
Et le budget de la Nation pour 2025 ?
Pour éviter une crise budgétaire, le nouveau gouvernement devra à nouveau présenter un budget avant la fin de l’année. S’il se retrouve à nouveau dans une situation de blocage et afin d’éviter des conséquences lourdes pour la France et ses citoyens, le nouveau Premier ministre pourra activer l’article 47 de la Constitution. Celui-ci permet au gouvernement de promulguer son projet de loi de finances par ordonnance, sans vote, si jamais le Parlement ne s’est pas prononcé dessus au bout de soixante-dix jours.
Les prochaines semaines seront donc encore très agitées dans notre pays.
Laisser un commentaire