Mohamed VI avait 36 ans lorsqu’il est devenu Roi le 23 juillet 1999
, après la mort de son père Hassan II. Beaucoup doutait de sa capacité à éviter coup d’Etat ou révolution, dans un pays tenu alors par une main de fer.
Une de ses premières décisions, risquée, fut de se débarrasser du (presque) tout puissant ministre de l’intérieur de son père, Driss Basri. Ce fut le début d’une ouverture politique et démocratique qui a donné au Maroc une stabilité remarquable par rapport aux autres pays et permis au Roi de conserver une autorité incontestée : pour garder le pouvoir, il l’a partagé, notamment avec son opposition, puis avec les partis islamistes qui avaient remporté les élections.
Le Palais royal conserve la main mise sur la diplomatie, l’armée, l’intérieur, la justice mais laisse la politique économique et sociale au gouvernement issu des élections. Le résultat a été un succès. Le Maroc n’a connu ni printemps arabe, ni coup d’Etat, ni guerre civile, ni vague terroriste, même s’il n’en a pas été exempté. Des attentats ont eu lieu, des révoltes (dans le Rif) et des émeutes ont éclaté. Mais la transformation économique et sociale est spectaculaire, même si le développement économique est contrebalancé par une forte croissance de la population, qui laisse une grande partie des jeunes et des familles dans une situation de grande pauvreté (25 % des jeunes sont au chômage), contraste éclatant avec les réussites économiques. Dans une étude Arab Barometer, citée par la BBC, on retient que 70% des Marocains de moins de trente ans souhaiteraient émigrer et que 49% des Marocains souhaitent un changement politique rapide.
L’islamisation de la société est perceptible, comme dans tous les pays musulmans, mais elle relève de tendances sociales plutôt que de contraintes politiques. Il ne semble pas que les dirigeants s’inscrivent dans une radicalisation et le Conseil des oulémas a plutôt perdu que gagné en influence avec l’évènement du parti religieux au pouvoir.
Grace à la relative libéralisation, économique et politique, décidée par M6, le Maroc a renforcé la classe moyenne qui constitue aujourd’hui le socle fort du pays. Le Maroc est aussi devenu un centre industriel et financier. Le TGV a accueilli récemment son millionième passager. Il est le premier constructeur automobile africain, le port de Tanger devient un des principaux ports d’Afrique et de Méditerranée, alors que le Roi a inauguré une nouvelle politique africaine notamment vis-à-vis du Sénégal et de la Cote d’Ivoire.
Le Roi utilise la holding familiale, Siger, qui contrôle l’ancienne Société nationale d’investissement (SNI) devenu Al Mada pour investir à titre personnel dans de nombreux pays africains et donner un relief personnel aux accords et investissements. Le magazine Forbes évalue la fortune du Roi à près de 6 milliards, et ses revenus à 6% du Pib marocain. Sans compter les 250 millions d’allocations annuelles versées par le gouvernement pour l’entretien des palais et du train de vie royal. Mais le respect du au Roi et à la monarchie semble autoriser cet écart abyssal de richesse.
Ce qui inquiète, c’est plutôt la maladie du Roi. Tout le monde en sait quelque chose, et, à force d’en parler depuis des années, cela finira par arriver. Tout comme on parle d’explosion sociale ou politique. Parce que les deux seraient liés : tant que le Roi est là, il ne se passera rie, dit-on. Bel hommage. Les craintes qui sont agitées témoignent donc de l’attachement populaire personnel à Mohamed VI considéré comme un protecteur et une garantie. C’est l’inconvénient des régimes personnels que d’être lié à la personne du Prince. C’est pourquoi Mohammed VI a eu l’intelligence de démocratiser peu à peu, partiellement, son pays. Aussi, tout le monde souhaitera, à l’occasion de cet anniversaire des vingt ans de règne, une longue vie à M6, pour qu’il lègue à son fils une monarchie constitutionnelle.
Laurent Dominati
A. Ambassadeur de France
A. Député de Paris
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