L’Union des marchés de capitaux, arlésienne européenne et test pour le duo franco-allemand

L’Union des marchés de capitaux, arlésienne européenne et test pour le duo franco-allemand

Comment tenir tête à la concurrence américaine et chinoise ? Par l’Union des marchés de capitaux (UMC), répondent les dirigeants européens, un « supermarché du financement » qui peine à voir le jour depuis des années faute d’une vision commune notamment à Berlin et Paris.

Après avoir lancé plusieurs propositions qui n’ont pas séduit son homologue allemand fin février, le ministre français de l’économie Bruno Le Maire entend trouver des voies communes mardi (19 mars) en Allemagne à l’occasion d’une nouvelle visite.

L’UMC, qu’est-ce que c’est ?

Faire émerger des start-up ou des géants de la tech grâce à l’épargne des Européens, préparer la transition climatique, se réarmer contre la menace russe… L’UMC est une façon de mieux mettre en commun les systèmes financiers de toute l’Union européenne afin d’être plus puissants face à la concurrence internationale.

L’idée générale est de lancer une sorte de « supermarché européen » du financement, où les banques et le monde de la finance viendraient mieux soutenir la croissance.

Lancé par l’ancien président de la Commission européenne Jean Claude Juncker en 2015, ce projet avait alors pour ambition de réduire la très forte dépendance européenne en matière de financement bancaire, et fixait un horizon de quatre ans.

Neuf ans plus tard, ce grand projet, régulièrement cité comme une priorité européenne et qui exige une forme de mise en commun des règles financières propres à chaque pays, patine encore.

Union des marchés de capitaux
Christian Lindner (G) et Bruno Le Maire (D) [OLIVIER HOSLET]

Pourquoi ça coince ?

« Cela n’avance pas très rapidement alors qu’il y a un véritable enjeu », observe auprès de l’AFP Pierre Jaillet, économiste à l’institut européen Jacques-Delors, pour qui « ce n’est pas considéré comme un sujet brûlant, il est resté dans les cercles technocratiques ».

« La force d’inertie est très dure, on est habitués à nos propres modèles nationaux », affirme à l’AFP une source au ministère français de l’Economie pour justifier la lenteur de cette UMC, mettant aussi en avant les divergences d’intérêts entre Etats membres.

Tous les Etats ne veulent pas se voir imposer une supervision financière européenne, tandis que la concurrence financière des Etats exacerbée par le Brexit, et des règles très différentes en matière de fiscalité ou de droit des faillites sont aussi venues plomber les avancées.

« Tout se passe comme si chaque marché demeurait protégé » alors qu’à l’inverse ils sont supposés converger, regrette Pierre Jaillet.

Que propose la France ?

Devant une ambition continentale moribonde, Bruno Le Maire a proposé au cours d’une réunion des ministres des Finances fin février d’avancer « avec un petit nombre d’Etats membres ».

La France veut lancer un produit d’épargne européen qui pourrait déjà permettre selon lui de lever « plusieurs dizaines de milliards d’euros », notamment grâce à l’épargne des Européens, évaluée à 35 000 milliards d’euros.

Paris veut aussi lancer une supervision européenne volontaire pour les acteurs de la finance afin de montrer la voie, et propose d’offrir une garantie sur certains produits financiers afin de laisser plus de champ libre aux banques pour prêter.

Que dit Berlin ?

Soutien de longue date de l’UMC, le ministre allemand des Finances Christian Lindner rejette les propositions françaises, plaidant pour une UMC « non pas à plusieurs vitesses » mais « à grande vitesse », c’est-à-dire à 27, a-t-il affirmé fin février.

Il n’exclut « pas que des initiatives puissent être envisagées bilatéralement ou dans un cercle restreint », en revanche.

« L’Allemagne est essentielle pour avancer, avec un des premiers écosystèmes financiers » en Europe, souligne la source à Bercy, précisant que le produit d’épargne a aussi comme but d’ « engager les citoyens dans la construction de ces marchés de capitaux », a priori arides et rebutants pour le grand public.

Berlin refuse aussi pour l’instant la proposition française d’accorder la charge de supervision de ce futur marché à un organe centralisé, de préférence l’ESMA, le régulateur européen des marchés, qui est basé à Paris.

Selon le quotidien économique allemand Handelsblatt, M. Lindner table sur une organisation plus décentralisée, avec une « harmonisation des règles » et « un renforcement de la coopération des autorités nationales de surveillance ».

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