Si, à la suite du Brexit, le Royaume-Uni décidait de ne plus respecter les règles communautaires du marchés du carbone, l’Union européenne pourrait soumettre son ancien membre à la taxe carbone aux frontières, avertit l’eurodéputé Pascal Canfin.
L’UE « doit se montrer ferme » et « ne doit pas prendre peur à la perspective qu’aucun accord économique ne soit trouvé d’ici au 31 décembre prochain », a déclaré Pascal Canfin, le président de la commission environnement du Parlement européen, alors que les négociations post-Brexit se profilent.
Les pourparlers détermineront le type de relations que le Royaume-Uni et l’UE entretiendront après la période de transition qui prendra fin le 31 décembre, et Pascal Canfin a clairement indiqué que toute divergence par rapport aux règles de l’Union rendrait les relations commerciales plus difficiles.
« Les discussions n’ont pas commencé de la meilleure des façons, car le gouvernement britannique affirme vouloir bénéficier d’un accès total [au marché unique], mais aussi qu’il entend diverger [des règles de l’UE]. Pour moi, c’est comme si l’UE demandait un alignement complet, mais avec des quotas », a averti le parlementaire.
En tant que responsable de la commission de l’environnement du Parlement (ENVI), Pascal Canfin assumera un rôle de conseiller auprès des négociateurs sur les questions qui relèvent de sa compétence durant les pourparlers. Selon lui, la question des marchés du carbone constitue un exemple concret des difficultés qui pourraient survenir.
Le Royaume-Uni fait actuellement partie du système européen d’échange de quotas d’émission (SCEQE), mais le gouvernement prévoit de sortir du dispositif de l’UE et de mettre en place son propre système de tarification du carbone. Pascal Canfin a déclaré à la presse que « les marchés devr[aient] afficher les mêmes prix ».
« Pour l’industrie de l’UE, il est inacceptable que le Royaume-Uni bénéficie d’un accès complet » au marché unique de l’Union, alors qu’un prix du carbone plus bas est proposé de l’autre côté de la Manche, a-t-il insisté.
Le prix du quota en débat
Des documents du gouvernement britannique datant de 2018 suggèrent que le prix du carbone s’élèverait à environ 35 euros par tonne, alors que le tarif actuellement en vigueur au sein du SCEQE est de 25 euros environ. Le prix devrait cependant augmenter à mesure que de nouvelles politiques vertes seront ratifiées et mises en œuvre.
« Nous avons commencé à plancher sur le mécanisme d’ajustement aux frontières pour le carbone. Nous pourrions envisager de l’appliquer au Royaume-Uni, afin de rétablir des règles du jeu équitables », a suggéré Pascal Canfin, évoquant le nouvel instrument de l’Union pour contrer le « dumping climatique ».
Selon l’eurodéputé de Renew Europe, le Royaume-Uni devra-t-il uniquement accepter les lois européennes en l’état le jour de la signature d’un nouvel accord commercial, ou devra-t-il se conformer aux mises à jour et aux révisions, selon le procédé connu sous le nom d’« alignement dynamique » ?
« Du point de vue de l’UE, il s’agit de clauses de non-régression, de sorte que vous ne pouvez pas diverger de la législation européenne en vigueur », a-t-il répondu. Avant d’ajouter que l’actualisation des règles climatiques serait bientôt à l’ordre du jour avec le nouveau programme du Green Deal.
Les temps de la fiscalité
L’adoption d’une taxe carbone aux frontières ne va pas de soi pour l’UE, même si la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a assuré qu’elle serait mise en place quand et où elle serait nécessaire.
L’industrie lourde martèle qu’il s’agit d’une condition préalable à la poursuite des efforts de décarbonisation, afin de maintenir l’avantage concurrentiel de l’Europe face aux produits et marchandises de rivaux tels que la Chine et l’Inde.
Phil Hogan, le commissaire européen au commerce, a récemment fait savoir à Euractiv que le « jury était encore en train de délibérer » sur la manière dont la taxe serait concrètement mise en oeuvre, refusant de commenter les détails du processus tant que l’étude de faisabilité en cours n’aurait pas été finalisée.
« Je pense que nous ne verrons aucune conclusion, ni aucun document à ce sujet avant 2021, ou avant plusieurs mois du moins. Il est donc un peu tôt pour dire comment tout cela fonctionnera. Mais c’est au moins à l’ordre du jour », a précisé le commissaire irlandais.
L’étude d’impact examine divers sujets, avec, au premier chef, celui de la compatibilité de la taxe avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Consciente qu’il s’agit d’une question cruciale, Ursula von der Leyen a mandaté plusieurs de ses fonctionnaires pour plancher sur le futur dispositif, tels que Phil Hogan, mais aussi Paolo Gentiloni, chargé de l’économie, et Kadri Simson, la commissaire à l’énergie.
Même si elle en est encore au stade embryonnaire, la taxe fait déjà parler d’elle au niveau international. Wilbur Ross, le secrétaire américain au commerce, a indiqué la semaine dernière au Financial Times que Washington surveillait de près la Commission.
« Notre réaction dépendra de la forme que prendra la taxe. Si elle est essentiellement protectionniste, comme les taxes numériques, nous prendrons des mesures », a-t-il déclaré dans les colonnes du quotidien.
« Je ne crois pas que nous sachions comment fixer le prix de ces choses », a pour sa part déclaré son collègue Steve Mnuchin, le secrétaire américain au Trésor, lors d’une réunion au Forum économique mondial de Davos.
« Et si vous voulez mettre une taxe sur les gens, allez-y, instaurez une taxe carbone, ce n’est rien d’autre qu’une taxe sur les gens qui travaillent dur », a-t-il fait valoir auprès de la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde.
Une proposition visant à lancer une forme de taxe carbone aux États-Unis est cependant en cours d’élaboration : l’Energy Innovation and Carbon Dividend Act. Issue d’un groupe bipartite de la Chambre des représentants des États-Unis, celle-ci n’a toutefois pas encore obtenu le soutien d’un nombre suffisant de parlementaires.
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