Dans le projet de texte définitif de la 28e Conférence des parties sur le climat (COP28), Sultan Al Jaber, en charge des négociations, n’a pas préconisé une sortie progressive des énergies fossiles — ce qui a suscité des critiques immédiates de la part des pays occidentaux qui espéraient qu’un tournant historique serait opéré à Dubaï.
Alors qu’un premier projet de texte mentionnait l’option d’un « abandon progressif » (phase out en anglais) du pétrole, du gaz et du charbon, le nouveau projet de texte se concentre sur une « réduction à la fois de la consommation et de la production des énergies fossiles » afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.
Les équipes de Sultan Al Jaber, président de la COP28, ont opté pour cette formulation dans une tentative de compromis visant à convaincre les Saoudiens. Ce choix a toutefois déçu les dirigeants occidentaux, l’Union européenne, les États-Unis, l’Allemagne et la France, qui avaient tous réclamé une formulation plus ferme.
« Nous considérons ce texte comme insuffisant », a déclaré Teresa Ribera, ministre espagnole de la Transition écologique, qui fait partie de la délégation de l’UE à la COP28. « Certains éléments du texte sont totalement inacceptables », a-t-elle ajouté, faisant référence à l’absence de référence explicite à un abandon progressif des combustibles fossiles.
La négociatrice française Agnès Pannier-Runacher a fait écho à ces propos. « En l’état actuel, le texte présenté par la présidence de la COP28 est une déception. Il est insuffisant. Nous devons faire mieux. Notre objectif reste d’obtenir l’accord le plus ambitieux possible sur les énergies fossiles — et sur leur sortie », a-t-elle commenté sur X.
Les États-Unis ont salué les efforts des Émirats, ont demandé que le texte sur les combustibles fossiles soit « substantiellement renforcé ».
L’Arabie saoudite et ses alliés exportateurs de pétrole refusent pour leur part tout texte s’attaquant aux énergies fossiles qui font leur richesse.
Toutefois, une personne au fait des réflexions de la présidence de la COP28 a qualifié le texte de « phase d’ouverture » sur laquelle il est possible de s’appuyer.
« Nous nous y attendions », a affirmé mardi le directeur général de la COP28, Majid Al Suwaidi. « Nous voulions que le texte déclenche une conversation », a-t-il ajouté, se félicitant de désormais connaître les véritables « lignes rouges » des différentes nations.
Les négociateurs, qui ont passé 12 jours dans la métropole bâtie sur les pétrodollars, devaient travailler toute la nuit, et peu d’entre eux s’attendaient à ce qu’un accord soit conclu avant la clôture officielle des négociations ce mardi (12 décembre).
Le projet d’accord prévoit que les pays peuvent prendre des mesures visant à une « réduction à la fois de la consommation et de la production des énergies fossiles d’une manière juste, ordonnée et équitable, de façon à atteindre zéro net d’ici à, avant ou autour de 2050, comme préconisé par la science ».
En ce qui concerne le charbon, la source d’énergie la plus polluante, le texte prévoit de limiter la production d’électricité à partir de charbon sans dispositif d’atténuation. Ainsi, les projets qui utilisent les nouvelles technologies de captage et stockage du dioxyde de carbone (CSC) pourraient être poursuivis.
Le texte prévoit une option de « suppression progressive » des subventions « inefficaces aux combustibles fossiles » qui encouragent « le gaspillage ».
Le commissaire européen au Climat, Wopke Hoekstra, a déclaré qu’il y avait « quelques bonnes choses » dans le projet de texte, mais que dans l’ensemble, il était « clairement insuffisant et inadéquat » pour traiter la question du climat et atteindre l’un des objectifs clés de l’Accord de Paris : maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle.
« Les scientifiques sont on ne peut plus clairs sur ce qui est nécessaire », a déclaré M. Hoekstra. « Et en haut de cette liste, il y a l’abandon progressif des combustibles fossiles ».
Il a toutefois exprimé l’espoir qu’une solution puisse être trouvée.
« Ces choses ne sont jamais terminées tant qu’elles ne sont pas terminées », a expliqué M. Hoekstra à des journalistes à Dubaï, affirmant qu’une « grande majorité de pays » exigeait l’abandon progressif des combustibles fossiles et l’abandon du charbon, y compris des petites îles, ainsi que des pays d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Asie.
« C’est à nous de faire en sorte que ces voix soient entendues et que le problème soit résolu demain, ou dans les jours qui viennent, ou dans le temps qu’il faudra », a-t-il ajouté.
Le commissaire européen a énuméré les éléments d’un accord qui serait acceptable pour l’Union européenne, affirmant que le texte devait être clair sur l’élimination progressive des combustibles fossiles, « avec 2030 comme première date précise dans le temps », et « précis sur la manière dont le monde devrait traiter le charbon ».
Si M. Hoekstra a reconnu que les combustibles fossiles ne pouvaient être éliminés du jour au lendemain et que certaines technologies telles que le captage et stockage du dioxyde de carbone seraient nécessaires pour les secteurs de l’économie les plus difficiles à décarboner, « il ne faut pas se méprendre sur le fait que pour la grande majorité de nos émissions, nous n’avons pas d’autre choix que de les réduire et de les éliminer au plus vite ».
« Nous n’avons pas d’autre choix que de poursuivre les discussions et de nous assurer que nous parvenons à maintenir [l’objectif de] 1,5 [degrés] », a-t-il conclu.