Les chefs d’États et de gouvernement de l’UE, réunis en sommet à Versailles, ont exclu jeudi 10 mars toute adhésion rapide de l’Ukraine à l’Union européenne, tout en ouvrant la porte à des liens plus étroits.
Les dirigeants des 27 se sont réunis pour élaborer les réponses économiques et militaires au choc de l’invasion russe. « L’Europe a changé sous le coup de la pandémie, elle va changer plus vite et plus fort sous le coup de la guerre », a prédit le président français Emmanuel Macron, qui recevait ses hôtes dans le cadre prestigieux du Château de Versailles.
En campagne pour sa réélection, il assure actuellement la présidence tournante du Conseil de l’UE.
Concernant l’adhésion de l’Ukraine, « il n’existe pas de procédure rapide », a rappelé le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, alors que Kiev a déposé une candidature dans l’espoir de la rejoindre « sans délai ».
« Est-ce qu’on peut aujourd’hui ouvrir une procédure d’adhésion avec un pays en guerre ? Je ne le crois pas. Est-ce qu’on doit fermer la porte et dire jamais ? Ce serait injuste », a résumé Emmanuel Macron.
« Sans tarder, nous renforcerons encore nos liens et approfondirons notre partenariat afin de soutenir l’Ukraine dans la poursuite de son parcours européen. L’Ukraine fait partie de notre famille européenne », ont finalement proclamé les dirigeants dans une déclaration écrite.
Le Premier ministre slovène, Janez Jansa, n’a pas caché les divisions entre ceux « qui pensent que (…) les Ukrainiens se battent pour leur vie et méritent un message politique fort (…) et ceux qui débattent encore des procédures ». Des pays d’Europe centrale, Pologne en tête, souhaitent en effet accélérer la reconnaissance de la candidature ukrainienne.
Les débats se sont achevés dans la nuit, vers 2H30 (1H30 GMT), après un dîner dans la Galerie des Glaces, où fut signé le traité mettant fin à la Première Guerre mondiale.
Emmanuel Macron voit dans la crise actuelle la confirmation de la nécessité d’une Europe plus souveraine.
Cette guerre va conduire les 27 à prendre « des décisions historiques » pour « complètement redéfinir l’architecture de notre Europe », a-t-il affirmé, en souhaitant notamment « des décisions en matière d’énergie » qui aboutiront à des propositions fin mars lors d’un prochain sommet. Il a aussi appelé à « des décisions en matière de défense » avec « vraisemblablement un Conseil exceptionnel » sur ce dossier en mai.
La guerre déclenchée par Vladimir Poutine a souligné le manque de capacités militaires européennes, les 27 Etats membres ayant très largement réduit leurs budgets depuis la fin de la Guerre froide.
Dépendance envers la Russie
Elle a également mis en lumière l’extrême dépendance de l’UE envers le gaz importé de Russie, qui représente 40 % de sa consommation et limite sa capacité d’action contre Moscou. Même si elle a adopté un paquet de sanctions inédit, l’Europe continue de financer la Russie par ses achats énergétiques dont elle est incapable de se priver à très court terme.
Selon un projet de conclusions, les 27, qui réaffirment le rôle clé de l’Otan, vont souligner leur volonté d’investir « plus et mieux dans les capacités militaires », alors qu’une stratégie de défense doit être publiée avant la fin du mois.
Ils vont également examiner le projet de la Commission de réduire des deux tiers la dépendance au gaz russe dès cette année, mais aussi de diminuer les importations de charbon et pétrole de Russie, en diversifiant les fournisseurs et en développant des énergies alternatives comme les renouvelables ou l’hydrogène.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a indiqué sur Twitter qu’elle proposerait l’objectif d’une indépendance de l’UE envers les énergies fossiles russes d’ici à 2027.
Le renforcement du stockage de gaz, mais aussi « l’optimisation du fonctionnement du marché de l’électricité », réclamés par l’Espagne et la France, sont également évoqués, tout comme de nouvelles mesures urgentes destinées à amortir l’impact de la hausse des prix de l’énergie pour les consommateurs. Le litre d’essence à plus de 2 euros fait craindre des révoltes sociales de type « gilets jaunes ».
« Nous devons soutenir le pouvoir d’achat des familles avec la même rapidité que nous avons répondu à l’action de la Russie », a déclaré le chef du gouvernement italien, Mario Draghi.
La seconde journée du sommet vendredi 11 mars sera consacrée aux discussions sur le renforcement du modèle économique de l’UE, avant une conférence de presse finale dans l’après-midi.
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