La réunion en visioconférence des chefs d’État et de Gouvernement, jeudi 26 mars, n’a pas abouti à l’adoption d’un plan d’action clair, entraînant une vive réaction de la part du Président du Conseil italien, Giuseppe Conte. Ce dernier a déclaré que « nous devons réagir en employant des instruments financiers innovants ». Derrière ces mots, il promeut l’idée du lancement des « coronabonds ».
Au moment de la crise de 2008 et surtout lors de celle des dettes souveraines entre 2011 et 2013, la question de l’émission d’eurobonds avait été soulevée. Cette antienne revient au goût du jour avec la crise sanitaire actuelle. L’idée serait de mutualiser les émissions d’obligations d’État au niveau européen pour en réduire le coût pour les États dont les écarts de taux avec l’Allemagne sont les plus élevés. Lors des précédentes crises, cette proposition n’avait pas reçu l’assentiment des États membres. L’Allemagne et les États du cœur de la zone euro ne souhaitaient pas être co-responsables des dettes des États dépensiers.
D’autres États membres dont la France pouvaient être favorables à l’émission d’obligations européennes mais en refusant tout droit de tutelle de la Commission de Bruxelles. Devant ces oppositions et objections, aucune suite n’avait été donnée.
L’affaire des « Coronabonds »
Avec la crise sanitaire et l’augmentation des dépenses publiques qu’elle génère, la création de « coronabonds » a été suggérée par neuf gouvernements parmi lesquels figurent celui de la France, de l’Italie, de l’Espagne mais aussi celui de la Belgique et du Luxembourg. Cet appel a reçu une fin de non-recevoir de la part de l’Allemagne et des Pays-Bas qui indiquent qu’en cas de difficulté les États peuvent faire appel au fond de soutien qui a été créé à cet effet. L’intervention de ce fond est prévue pour des États en situation de banqueroute et est conditionnée à la mise en place de réformes structurelles comme ce fut le cas de la Grèce.
Les autorités allemandes craignent d’être appelées à financer des États qui n’ont pas assaini leurs finances publiques depuis la crise financière. Les électeurs allemands qui sont déjà critiques à l’encontre de la politique des taux bas de la BCE ne souhaitent pas engager leur pays dans une politique de soutien en faveur de l’Italie, l’Espagne voire la France.
En revanche, les dirigeants allemands sont pleinement conscients qu’en l’absence de corde de rappel, la crise actuelle pourrait sonner le glas de la zone euro. L’Allemagne qui tire une grande partie de sa richesse des échanges commerciaux ne peut, par ailleurs, pas se priver de ses principaux clients d’autant plus que la crise sanitaire pourrait conduire à une régionalisation accrue des échanges.
La création d’eurobonds suppose d’apporter des réponses à de nombreuses questions. Sera-t-il nécessaire d’instituer une direction du Trésor européen en charge des émissions ? En cas de réponse positive, dans quelles conditions seront nommés ses responsables ? Quels seront les liens avec les ministères de l’Économie des États membres ? La question de la répartition des obligations devra être résolue. Il conviendra également de définir l’utilisation des ressources, investissement, fonctionnement. La direction du Trésor européen aura-t-elle un droit de contrôle sur les sommes allouées et selon quelle procédure ?
Compte tenu de leurs divergences, les 27 États européens ont décidé de renvoyer le problème à l’Eurogroupe qui réunit les ministres des Finances de la zone euro. Ce dernier a quinze jours pour établir un plan d’actions. Dans le communiqué final du Conseil européen du 26 mars, il n’est pas fait mention des « coronabonds » en raison de l’opposition totale des Allemands, des Néerlandais et des Finlandais. Concernant l’intervention du Mécanisme Européen de Stabilité, créé après la crise grecque pour venir en aide aux États en difficulté, les dirigeants des 27 « prennent note des progrès » des discussions et invitent l’Eurogroupe à « produire des résultats sans délai et développer les nécessaires spécifications techniques».
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