Un appel transpartisan a été lancé mardi 2 mai pour un encadrement plus strict des locations de courte durée. L’initiative s’ancre dans une réflexion européenne plus profonde, dont l’objectif est de faciliter la collecte de données émanant des plateformes en ligne. Une proposition de loi est à l’étude.
Co-signée par trois députés et un sénateur, chacun membre d’un groupe parlementaire différent, l’initiative « encadrons Airbnb » vise avant tout à lutter contre le « surtourisme » et le mal-logement, auxquels contribueraient des plateformes de location en ligne comme Airbnb, Booking.com ou encore Abritel.
« Alors que 4,1 millions de personnes sont non- ou mal-logées, la prolifération de ces locations accentue encore la crise du logement » affirme le site internet créé pour l’occasion.
« Nous faisons un constat partagé et unanime » sur la réalité des locations de courte durée partout sur le territoire, souligne pour EURACTIV France Iñaki Echaniz, député socialiste à l’origine du projet.
Idem chez son homologue écologiste, Julien Bayou, qui explique à EURACTIV France être « dans la phase de proposition de solutions, plus tellement dans celle du constat ». Pour donner la mesure de l’urgence, il parle d’une situation « alarmante » dans le Pays basque, destination touristique de premier plan, ou encore le cœur de Paris, où, explique-t-il, le surtourisme aurait fait exploser les prix des loyers.
Un « cercle vicieux » qui repousse les populations locales toujours plus loin des centres-villes, « dégradant [leurs] conditions et aggravant [leur] précarité », affirme le manifeste.
L’INSEE recensait 109 millions de nuitées en 2019 en France, pour 554 millions de nuitées sur l’ensemble de l’Union européenne la même année.
Fiscalité et nombre de nuitées
Une réglementation plus stricte s’impose donc, expliquent les élus, qui veulent d’abord s’attaquer à la niche fiscale dont bénéficient les locations de courte durée, et poussent à une refonte de la fiscalité des résidences secondaires.
En effet, les abattements fiscaux rendraient les locations de courte durée en pratique beaucoup plus lucratives qu’une location à l’année. Dans le cadre d’une location d’un « meublé de tourisme classé », un abattement fiscal de 71 % s’applique sur les loyers déclarés.
Toujours dans un souci de rééquilibrer le marché vers les locations longue durée, les parlementaires français prévoient une réduction de 25 % du nombre de nuitées autorisées à la location courte durée – qui passeraient de 120 aujourd’hui, à 90.
« Qui est absent de sa résidence principale pendant 120 jours ? Personne, sauf à mentir au fisc », lance M. Echaniz.
Enfin, les parlementaires proposent d’interdire à la location courte durée les biens immobiliers considérés comme des « passoires thermiques », en lien avec le calendrier de la France sur la rénovation énergétique des bâtiments, s’appuyant sur les obligations de notations européennes du diagnostic de performance énergétique.
Une série de mesures que l’Union nationale pour la promotion de la location de vacances (UNPLV) condamne tous azimuts, tant elle constituerait « une menace pour le pouvoir d’achat des Français ».
« La problématique de l’accès au logement pour tous est complexe et mérite mieux qu’un inventaire de mesures d’affichage dirigées contre les seuls acteurs de la location meublée touristique », souligne le syndicat, parlant au nom des grands acteurs du secteur, et appellant de ses vœux à un « travail de fond et de long terme ».
Une réglementation européenne à l’étude
D’autres mesures proposées font plus ou moins directement référence au projet de réglementation présenté par la Commission Européenne en novembre dernier.
Faisant état d’un manque crucial « d’informations fiables » sur « l’identité de l’hôte, l’endroit où ces services sont offerts et leur durée », le règlement vise à définir un système commun pour les procédures d’enregistrement, qui attribuerait un numéro unique aux hôtes et aux logements afin de garantir une plus grande transparence et une meilleure compréhension du phénomène de « multi-listing » — ou « multi-référencement ».
Les hôtes seraient tenus de fournir régulièrement des informations, notamment l’adresse, le type et la taille du logement répertorié, ainsi que le nom, les coordonnées et le numéro d’enregistrement de l’entreprise, si l’hôte est un professionnel et existe en tant que personne morale.
L’initiative des élus français s’intègre dans cette volonté européenne d’harmoniser la collecte de données entre tous les États membres et au niveau européen. Ainsi, une des préconisations d’« encadrons Airbnb » serait la mise en œuvre d’un « agrément meublé de courte durée » afin de vérifier et certifier par une personne tierce homologuée l’existence réelle de la location.
En outre, un accès plus important aux données relatives à la nature de chaque bien en location permettrait, comme l’indiquent les parlementaires, de « renforcer la lutte contre les pratiques frauduleuses pour favoriser l’accès au logement ».
Enfin, les élus veulent donner aux collectivités la liberté « d’exiger » des documents qui concerneraient une mise en location.
Les États membres de l’UE se sont accordés dès février sur une position commune, ouvrant ainsi la voie à des négociations interinstitutionnelles, mieux connues sous le nom de « trilogues ». Le Parlement Européen, lui, est toujours en phase de négociation.
Selon les informations d’EURACTIV France, une proposition de loi devrait être déposée à l’Assemblée nationale pour étude la semaine du 12 juin.
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