L’histoire est remplie de complots, de fausses dépêches, de mensonges et de phantasmes. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication permettent d’amplifier cette pratique.
Sous la Révolution française, la diffamation, le mensonge, la désinformation étaient légions avec, comme conséquence, la guillotine pour un certain nombre de personnes. En 1918, lors de la grippe espagnole, les « antivaccins » de l’époque avaient mené une campagne de désinformation en envoyant de faux messages officiels afin de saborder l’action des pouvoirs publics. En 1968, dans le cadre de l’affaire Markovic, de fausses photos ont été diffusées afin de salir l’ancien Premier Ministre et potentiel candidat à la présidence de la république, Georges Pompidou. Dans les années 1930, dans le cadre d’émissions radiodiffusées, Orson Welles n’avait-il pas fait croire à l’arrivée des extra-terrestres ? Jusqu’à maintenant, la désinformation est le fruit de la malhonnêteté humaine. Mais demain ?
Des fausses interviews, des fausses vidéos peuvent être ainsi diffusées à grande échelle sur les réseaux sociaux
L’intelligence artificielle générative (IA) permet, en effet, de rédiger du texte ainsi que de créer des images et des vidéos réalistes. Des fausses interviews, des fausses vidéos peuvent être ainsi diffusées à grande échelle sur les réseaux sociaux. Cette pratique pourrait entraîner des conséquences sur le déroulement des prochaines campagnes électorales avec un risque de manipulation des électeurs.
Déjà, depuis une dizaine d’années, des officines ont, lors de campagnes aux États-Unis ou en France, adressé de faux mails et diffusé sur les réseaux de fausses informations afin d’infléchir le sens du vote. Sans utiliser l’intelligence artificielle, les partisans de Donald Trump ont, en 2020, inondé Internet d’informations affirmant que l’élection présidentielle avait été truquée par les Démocrates. En Inde, les militants du BJP (« parti indien du peuple ») répandent dans les groupes WhatsApp des rumeurs pour discréditer les autres partis. Les propagandistes du Parti communiste chinois diffusent de nombreuses informations contre le gouvernement de Taïwan en ayant recours à des sites a priori sérieux.
Des réseaux de robots de propagande
Avec l’intelligence artificielle, les risques de manipulation sont accrus. Elle autorise une production en masse de fausses informations qui, en outre, peuvent être difficiles à distinguer des informations certifiées. La réalisation de fausses vidéos utilisant la voix des candidats peut prêter à confusion et à erreur sur la réalité des propos tenus. L’intelligence artificielle permet, en outre, un microciblage. Les électeurs pourraient recevoir des informations personnalisées. Les réseaux de robots de propagande pourraient être rendus plus difficiles à détecter et à contrer. La multiplication de fausses informations ne peut qu’entretenir le climat de défiance des électeurs contre la presse et contre les pouvoirs publics.
Si le risque de manipulation existe, celui-ci ne doit pas être exagéré. Les électeurs sont moins crédules qu’il n’y paraît. Même si les algorithmes sont de plus en plus puissants, les vidéos virtuelles, par leurs excès, sont fréquemment démasquées par les internautes. Elles ne sont pas exemptes du risque de comporter des erreurs qui les discréditent. Microsoft vérifiera dans le cadre des prochaines campagnes électorales aux Etats-Unis comme en Europe l’utilisation de ChatGPT pour tenter de détecter les opérations d’influence politique. Les réseaux sociaux surveillent de plus en plus le contenu qui y est diffusé et n’hésitent plus à fermer des comptes au point qu’en 2020, aux États-Unis, certains s’en étaient offusqués au nom de l’atteinte à la liberté de communication. Néanmoins, Twitter rebaptisé « X » a supprimé son équipe de surveillance après son rachat par Elon Musk.
Contraindre les candidats et les médias à mentionner l’origine et la nature des images utilisées
En 2024, pour éviter une diffusion de fausses images, l’agence réglementant les élections aux États-Unis pourrait contraindre les candidats et les médias à mentionner l’origine et la nature des images utilisées. Certains aux États-Unis réclament un système de réglementation qui, comme en Chine, oblige les producteurs d’algorithmes d’IA à les enregistrer auprès d’un organisme public. En Chine, pour être acceptés, les algorithmes doivent respecter les valeurs fondamentales du parti communiste. Un système d’agrément semble en Occident peu compatible avec les valeurs démocratiques en cours. Si Internet est accusé d’être un espace géant de manipulation, il contribue également à la sincérité des élections.
Les réseaux, les sites d’information peuvent en temps réel dénoncer des manipulations et des mensonges prononcées par les candidats. Les électeurs peuvent accéder à de nombreuses informations concernant les candidats et vérifier la véracité de leurs propos, ce qui était impossible il y a quarante ou cinquante ans.
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