Suite aux affaires qui secouent actuellement l’hexagone, la France va adapter sa législation pour mieux protéger les victimes d’inceste et de violences sexuelles, a annoncé le président Emmanuel Macron. Le chef de l’État a notamment dévoilé la mise en place de deux rendez-vous de dépistage et de prévention contre les violences sexuelles faites aux enfants à l’école et au collège. Une mission, dont les modalités restent à définir, sera mise en place pour recueillir les témoignages.
Lesfrancais.press ont décidé de faire le point sur la perception de ce crime dans le monde.
Anéantissement de la filiation
Dans la grande majorité des sociétés humaines, l’inceste, tabou social traduisant symboliquement l’anéantissement du lien de filiation, est pourtant considéré comme un crime contre la structure universelle de la généalogie. Reflétant une manipulation physique et affective, mais surtout un abus sexuel sur une personne mineure vulnérable, enfant ou adolescent dépendant et sans défense, le fait incestueux abolit en ce sens l’ordre des générations ; il déstructure et confond les repères familiaux.
Un tabou français ?
Parce que la relation incestueuse se situe dans la cellule familiale, l’un des milieux de référence de notre société, l’inceste ne saurait être considéré comme une infraction sexuelle « comme les autres » ; pourtant le droit français l’a-t-il longtemps noyé dans d’autres incriminations, voire l’a tenu à l’écart de la sphère de l’interdiction. En somme, non seulement l’inceste ne constituait pas une infraction pénale autonome, mais en plus il n’émergeait pas au sein du droit commun des infractions sexuelles.
La pudeur du droit pénal tournait au silence. Qu’un père et une fille, une mère et son fils, un frère et une sœur entretiennent ensemble des rapports sexuels est indifférent en droit pénal si les protagonistes sont majeurs et les rapports librement consentis. Le législateur fixe à 15 ans l’âge auquel un mineur est sexuellement majeur.. A l’inverse, si cette dernière condition fait défaut, l’inceste est appréhendé au même titre que les autres cas d’abus d’autorité . En France, environ 20% des procès d’assises concerneraient des inceste.
En effet, jusqu’à la loi du 8 février 2010, l’inceste a été considéré comme un comportement préjudiciable à une personne particulière et non comme une infraction troublant suffisamment l’ordre social pour être sanctionnée en tant que telle.
En Europe, des positions ambigües
Plusieurs pays pénalisent l’inceste en soi en l’érigeant en délit même s’il se produit entre adultes consentants.
C’est le cas de l’Angleterre, de l’Allemagne, du Danemark, de la Suisse et même de l’Italie pour peu qu’il provoque un « scandale public ».
En revanche, l’inceste entre majeurs consentants n’est pas un délit en lui même, dans les pays du Bénélux, en Espagne et au Portugal. Dans ces pays, comme en France, il faut que l’acte concerne une ou un mineur, l’inceste n’est traité que comme circonstance aggravante de l’abus sexuel sur mineur.
En contrepartie, certains états ont rendu le crime de viol sur mineur imprescriptible. C’est le cas en Angleterre, aux Pays-Bas et, depuis peu, en Belgique.
Une option actuellement en débat en France où le délai durant lequel le crime de viol sur mineur n’est pas prescrit a été porté en 2018 à trente ans à partir de la majorité civile de la victime. En clair, une victime peut poursuivre son agresseur jusqu’à l’âge de 48 ans.
Seule l’Allemagne et, très bientôt, l’Espagne font mieux car leur délai de prescription de 20 ans s’applique ou va s’appliquer seulement à compter de l’âge de 30 ans. Ailleurs, le délais est souvent de 15 ans à partir de l’âge de la majorité civile.
En Amérique, l’inceste « pardonné »?
Le républicain Steve King, 70 ans, défendait ses positions sur l’avortement, auquel il est opposé même en cas de viol ou d’inceste, au cours d’un discours devant un groupe de conservateurs à Urbandale, dans l’Iowa, l’État qu’il représente au Congrès.
Steve King, lors d’un meeting pour sa réélection en 2019
« Et si on remontait tous les arbres généalogiques et qu’on en retirait ceux qui ont été le produit de viol ou d’inceste? Est-ce qu’il resterait un humain dans le monde«
Et autre député, George Faught, a tenu des propos qui font scandale : le 21 mars 2020, lors d’un débat à la Chambre des représentants à Oklahoma, le député républicain a proposé une loi considérant que l’avortement était illégal sur une femme portant un fœtus atteint de malformation ou de trisomie, et même en cas de viol et d’inceste. Le politicien a été jusqu’à affirmer que le viol et l’inceste étaient des « volontés de Dieu ».
Aux USA, la politique et la religion sont venues gangrénées le débat sur l’inceste, l’enfermant dans un rapport avec l’avortement. Si les élus démocrates, aujourd’hui, victorieux, défendent une approche plus laïque, interdisant l’inceste et autorisant l’avortement, il faudra encore 1 ou 2 générations pour voir la position globale de la société évoluée.
Plus au Sud, l’emprise de la religion s’accentue. Cette fois, elle permet une condamnation de l’inceste, mais cet interdit est inspiré des textes catholiques.
En Asie, l’inceste caché par le tourisme pédophile
En Asie, pendant de nombreux siècles, on autorisait les unions entre frères et sœurs si les conjoints n’étaient pas nés de la même mère. Cette règle est le contrepoint exact du principe chinois qui ne définit la parenté que par rapport au père. La peine qui, dans le code des Tang, sanctionnait les unions entre frère et sœur issus du même père illustre toute la force du principe « tong xing bu qu » :
« Celui qui s’unit à sa sœur aînée ou cadette issue du même père sera pendu. » « Celui qui s’unit à sa sœur aînée ou cadette issue de la même mère sera condamné à trois ans d’exil. »
Traduit du Tong Xing Bu Qu
Ainsi, au sens étroitement technique du terme, en Asie on ne parle d’inceste que dans le cas des unions au premier degré.
Mais depuis le XXème siècle, l’inceste est cachée par l’ampleur du tourisme sexuelle, pédophile, qui s’est developpé dans certains pays comme la Thailande, le Cambodge, le Laos mais aussi en Chine et au Vietnam même si c’est dans ces deux pays, la lutte des autorités a largement freiné ces phénomènes.
La relation sexuelle avec un enfant, le sien ou un autre, est petit à petit devenu un vice occidental que l' »homme blanc » a apporté. Pratique, cela permet de dissimuler les tragédies familiales locales.
En Afrique, un voile impénétrable
Les mauvais traitements infligés aux enfants existent en Afrique mais ils sont volontiers portés au débit d’une rigidité culturelle éducative.
Analysant l’anthropologie de la violence dans le projet éducatif des cultures africaines, F. Ezembe (1995) trouve qu’il s’effectue sur un mode assez répressif. Il le restitue d’ailleurs avec fidélité en ces termes :
« En Afrique, le recours à des punitions corporelles jointes à des insultes fait partie de l’éducation des enfants. Cette pratique est légitimée par tout le monde, chefs de famille, parents d’élèves, maîtres d’écoles et agents de l’ordre ».
F. Ezembe
Il n’est donc guère étonnant qu’on n’en parle pas, et que les abus sexuels n’aient fait l’objet d’aucune étude… Mais il parait peu probable que le continent soit exempté du fléau.
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