L’impôt lié à la nationalité française de retour à l’Assemblée nationale ?

L’impôt lié à la nationalité française de retour à l’Assemblée nationale ?

État recherche argent désespérément. C’est un peu le mantra entendu ces derniers jours. Il faut donc trouver des moyens de renflouer les caisses. En matière de taxes, il y a toujours des idées. Celle de créer pour la France un impôt universel, c’est-à-dire de lier taxe et nationalité française vient de ressurgir. C’est en tout cas le sens d’un amendement adopté par la commission des Finances de l’Assemblée nationale. Qu’en est-il ?

Un objectif : trouver des nouvelles taxes

Nombreux observateurs et acteurs de la vie politique s’accordent pour affirmer que « les finances publiques françaises sont dans une situation inquiétante » pour reprendre une formule de la Cour des comptes datant de Juillet 2024. Pour faire face, il faut donc soit réduire les dépenses, soit aller « chercher beaucoup plus du côté des recettes », et donc augmenter les taxes, comme l’a déclaré dernièrement Eric Coquerel, député LFI (La France Insoumise) de la Seine-Saint-Denis, et président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale.

L’impôt lié à la nationalité française de retour à l’Assemblée nationale ?
L’impôt lié à la nationalité française de retour à l’Assemblée nationale ? - @adobestock

Réunie pour examiner les amendements déposés par les députés, cette même commission des Finances du Palais Bourbon, a donc, semble-t-il, suivi ce principe d’accroître les rentrées d’argent, notamment quand il a fallu examiner un texte proposant de se rapprocher de l’idée d’un impôt universel.

Vers un impôt lié à la nationalité ?

En effet, un amendement déposé par le Groupe LFI-NFP (Nouveau Front Populaire) a été adopté. Celui-ci vise « sous réserve des conventions fiscales signées par la France, les personnes de nationalité française ayant résidé au moins trois ans en France sur les dix années ayant précédé leur changement de résidence fiscale vers un État pratiquant une fiscalité inférieure de plus de 50% à celle de la France en matière d’imposition sur les revenus du travail, du capital ou du patrimoine ».

« Un impôt sur la nationalité serait dès lors créé pour les personnes se trouvant dans de telles situations. »

Elles devraient donc s’acquitter d’un montant d’impôt équivalent à celui qu’elles auraient dû payer en restant vivre en France. Une possible limite dans le temps serait aussi envisagée, mais pour le moment elle n’est pas précisée.

Certains diront que cet amendement renforce le principe de l’Exit Tax crée en 1998 pour empêcher certains transferts fiscaux hors de France, et non pas l’avènement en France d’un impôt lié à la nationalité. Or l’explication du groupe politique LFI est sans équivoque. C’est bien le lien entre un impôt et un pays d’appartenance qui est visé. Dans l’exposé des motifs, il est écrit que

Amendement adopté impôt et nationalité française
Amendement adopté impôt et nationalité française

Cet amendement « a pour objectif de développer en France un principe d'"impôt universel ciblé", notamment sur les paradis fiscaux, via un mécanisme de fiscalité limitée étendue, tel qu'il existe d'ores et déjà dans plusieurs pays européens et aux Etats-Unis ».

Les pays européens auxquels il fait référence sont Allemagne, l’Italie et la Finlande.

« Un impôt universel ciblé »

Notons également qu’à la lecture de l’explication publiée pour l’amendement, un nouveau concept est aussi créé, celui d’ « universel-ciblé ». Jusqu’à ce jour, ce qui relevait de l’universel, s’appliquait à tous, mais apparemment plus en matière d’imposition ! À moins que le mot « ciblé » ne tombe prochainement.

Au cours de la séance d’examen des textes proposés par les députés, le président de la commission des Finances, Eric Coquerel a cependant reconnu que le texte « pouvait être amélioré » et qu’il était ouvert à une nouvelle rédaction avant de le présenter au vote final en séance dans l’hémicycle. Mais,

"À l’instar du sparadrap du capitaine Haddock, une fois que l’idée d’un impôt lié à la nationalité est dans le rapport, elle restera collée au texte".

Les réactions des élus face à cette création d’un impôt lié à la nationalité française

Parmi les députés qui soutiennent cette démarche, tous les bancs de la gauche ont approuvé sans hésitation ce texte. Philippe Brun, député PS de l’Eure, s’est ainsi déclaré, au nom de son groupe, « favorable », posant. Il a toutefois mentionné les « conventions fiscales bilatérales » signées par la France, ainsi que leur nombre élevé qui pourrait ainsi compliquer la mise en application.

Le RN favorable, le bloc central divisé

Les députés du Rassemblement national (RN) se sont aussi exprimés en faveur de cet amendement. Jean-Philippe Tanguy, député de la Somme, a déclaré « se féliciter de la reconnaissance du principe essentiel de nationalité ». Ajoutant,

« nous défendons la priorité nationale, et donc la conséquence de cela c’est d’avoir des droits, et aussi des devoirs. C’est pour cela que nous avons toujours défendu une forme d’impôt par nationalité »

Du côté du « bloc central », celui-ci semble divisé. En effet, le MoDem, par la voix de Jean-Paul Matteï, député des Pyrénées-Atlantiques, s’est prononcé en faveur de cet impôt au passeport. « Cela mérite d’être réfléchi pour l’expatriation à but exclusivement fiscal » a-t-il partagé à ses collègues. Toutefois, le député centriste a rappelé que dans un rapport qu’il avait publié en 2019, conjointement avec Eric Coquerel, l’une des conclusions était que « l’impôt universel était inopérant ».

« Mesure inique », « démagogie » pour les députés des Français de l’étranger de l’ancienne majorité présidentielle

Concernant l’adoption de cet amendement, les députés de l’ancienne majorité présidentielle se sont aussi exprimés. Ils ont notamment réagi à un tweet posté par Aurelien Le Coq, député LFI du Nord, dans lequel il est écrit « Nouvelle victoire en Commission des Finances ! L’imposition universelle est adoptée ». C’est ainsi que Roland Lescure, ancien ministre de l’industrie, et député des Français de l‘étranger pour les Etats-Unis et le Canada a répondu sur X (ex Twitter) au représentant de la France Insoumise par ces mots :

« Une mesure inique, inapplicable qui stigmatise nos concitoyens de l’étranger ».

Un tweet relayé par le MoDem Frédéric Petit, député des Français d’Allemagne, d’Europe Centrale et des Balkans, qui ne prend donc pas la même position que son autre collègue centriste membre de la même formation politique, et précédemment cité, Jean-Paul Matteï.

Vincent Caure, nouvellement élu au Palais Bourbon pour les Français du Royaume-Uni et d’Europe du Nord, a lui aussi posté sa position sur le réseau social X. Il s’adresse à Aurelien Coq par un « stop à la démagogie. Les Français de l’étranger ne sont pas et ne seront jamais des exilés fiscaux ».

Réponse de Vincent Caure à Aurélien Le Coq

Pieyre-Alexandre Anglade, député des Français du Benelux, indique de son côté :

« nous continuerons à nous y opposer jusqu’au bout »

Les LR souhaiteraient une étude d’impact et le rapporteur général du budget contre l’impôt universel

Du côté des LR, Les Républicains se sont prononcés contre cet amendement. La représentante de ce parti, Véronique Louwagie, députée de l’Orne, a déclaré en commission des Finances : « c’est difficile d’adopter un amendement sans avoir une étude d’impact sur un sujet aussi important ».

Quant à Charles de Courson, membre du groupe LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires), le rapporteur général du budget 2025, il s’est, quant à lui, opposé à cet amendement. Il a notamment rappelé que

« Notre système fiscal a une logique de domiciliation et non pas de nationalité. »

De la commission des Finances… à la déclaration d’impôt

Pour autant l’amendement ouvrant la porte à un impôt lié au passeport français a bien été adopté en commission des Finances de l’Assemblée nationale. Comme indiqué par son président, Eric Coquerel, celui-ci sera peut-être réécrit avant d’être présenté au vote de l’ensemble des députés dans l’hémicycle. À ce stade il est aussi difficile de savoir comment « un État pratiquant une fiscalité inférieure de plus de 50% à celle de la France » sera défini. En effet, sur une tranche d’imposition, cette différence de taux entre notre pays et le pays de résidence du Français peut être dépassée, mais pas sur une autre.

Et quid d’un futur passage avec le 49.3 pour le vote global du budget ? Le gouvernement pourrait alors balayer ce point. Cependant, l’information importante à retenir est tout de même que le vote en faveur de la création d’un impôt lié à nationalité a passé le stade de la commission des Finances du Palais Bourbon. Or, en ces temps de disette, de l’amendement à la feuille d’imposition, la distance n’est peut-être pas si éloignée.

Vous pouvez retrouver l’intégralité du débat de la commission des Finances de l’Assemblée nationale portant sur cet amendement créant un impôt lié à la nationalité en cliquant sur le lien ci-dessous :

Auteur/Autrice

  • Jérémy Michel a travaillé de nombreuses années pour des élus et a coordonné les affaires publiques européennes d'une grande entreprise française. Installé à Bruxelles depuis 2000, il est actuellement coach et consultant.

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