Avec 500 millions d’habitants à fort pouvoir d’achat, l’Europe est le premier centre commercial mondial. Un ralentissement de la consommation du fait de la mise en œuvre de mesures de santé publique aurait des conséquences en chaîne importantes
. Avec les régions industrielles de l’Italie touchées ainsi que la France et l’Allemagne, le risque de récession est élevé notamment dans certains États qui n’en étaient pas loin avant même l’épidémie. L’effet économique et financier est d’autant plus fort que les pays avaient à peine effacé les stigmates de la précédente crise et certains d’entre eux n’ont pas encore renoué avec le plein emploi.
Le niveau de vie de la population a faiblement progressé dans de nombreux pays occidentaux lors de ces dix dernières années, ce qui contribuait à la montée des tensions sociales. Les déficits et des dettes publiques ont atteint des niveaux sans précédent en période de paix. Leur décrue demeure très limitée et cantonnée à certains pays.
Dix ans après la crise financière, les politiques monétaires demeurent toujours très accommodantes. Le simple ralentissement de la croissance constatée en 2019 a conduit à l’abandon du programme de hausses des taux par la Banque centrale américaine et la Banque centrale européenne. Ce soutien monétaire permanent réduit les marges de manœuvre pour faire face à la crise virale actuelle.
Les scénarios possibles
Les scénarii économiques dépendent de l’ampleur et la durée de l’épidémie. Si dans un premier temps, elle a pu sembler être cantonnée à l’hémisphère nord, sa propagation en Australie et en Nouvelle Zélande tend à indiquer qu’elle pourrait être rapidement mondiale. L’espoir qu’elle cesse avec l’arrivée du printemps est incertain du fait justement de l’existence de foyers dans des pays chauds. Une autre clef importante pour apprécier les effets économiques est la capacité des systèmes de santé à gérer sur un temps court un grand nombre de malades.
Dans de nombreux pays, en raison du vieillissement de la population et de l’absence de marges financières, les systèmes de santé étaient, avant même l’épidémie, sous tension. Dans des pays pauvres, l’expansion du COVID-19 pourrait avoir de lourdes conséquences en raison de la faiblesse de la couverture médicale. La désorganisation est un facteur de défiance important pouvant altérer le comportement des agents économiques.
Le défi est d’une rare complexité. Les pouvoirs publics doivent informer, rassurer, prendre des mesures de santé publique, assurer le bon fonctionnement des services de santé et plus globalement de l’économie. L’OCDE estime que la croissance pourrait être amputée à l’échelle mondiale de 0,6 point à 1,5 point en 2020 avec un retour à la normale prévue fin 2021. L’organisation internationale ne voit pas de récessions à l’échelle mondiale. Pour le moment, le principe retenu dans les prévisions est une chute de la croissance forte au premier trimestre avec une stabilisation au deuxième avant une reprise possible au cours du second semestre. Ce scénario en « U » est retenu par de nombreux experts qui ont, en revanche, abandonné celui en « V » reposant sur l’idée d’une reprise rapide. La diffusion du virus aboutit à déstabiliser l’ensemble des pôles de croissance.
Le scénario en « L » n’est pas, pour le moment, évoqué. Il supposerait une incapacité à juguler la crise sanitaire d’ici le mois de juin avec une très forte désorganisation de l’offre et des circuits d’échange. Le scénario du « pire » supposerait une aggravation sensible du bilan sanitaire provoqué par exemple par une ou des mutations dangereuses du virus. Ce scénario est jugé, en l’état, peu probable d’autant que la mobilisation des équipes de recherche devrait permettre de développer des antiviraux voire un vaccin dans un délai de 9 à 18 mois.
L’OCDE, tout en pointant du doigt les dangers de la situation actuelle, est moins pessimiste que d’autres sources. L’hebdomadaire « The Economist» estime que la crise peut être de nature centennale. Le nombre de morts pourrait atteindre 70 millions dans un scénario « dur » et 14 millions dans un scénario moyen. Le manque à gagner pour le PIB mondial serait de 0,5 à 4 points de PIB.
Avant même la survenue de la crise, des appels à la relance se faisaient entendre au niveau mondial. Le FMI avait même appelé les États à profiter des taux bas pour accroître leur effort d’investissement. Avec la diffusion des virus, le soutien à l’activité devient une priorité pour un grand nombre d’État. La priorité est d’essayer de maintenir, autant que possible, les capacités de production et en fonction les services.
Les préconisations de l’OCDE
L’OCDE demande aux États de tout mettre en œuvre afin d’assurer le bon fonctionnement des services de santé en prévoyant des mesures de précaution extrême. L’organisation souhaite que les États coordonnent leurs actions pour la production des tests et pour la recherche de médicaments.
Au niveau des entreprises, l’OCDE préconise le développement du chômage partiel en retenant le système d’indemnisation allemand reposant sur des aides publiques. Elle souhaite que des baisses de cotisations sociales soient mises en œuvre. Pour les travailleurs indépendants, des transferts directs d’argent pourraient être prévus. Pour soutenir les entreprises et empêcher des faillites liées aux mesures de confinement, le report du paiement des charges fixes, comme les impôts, est imaginable. Le paiement de la TVA pourrait être suspendu pour les entreprises affectées par les mesures de confinement. Comme au Japon, des prêts d’urgence ou des garanties de dettes pour les entreprises du tourisme peuvent être entrepris. Les États pourraient demander aux banques d’étaler le paiement des intérêts et le remboursement du capital de leurs clients pour éviter des faillites en chaîne.
Pour l’OCDE, les banquiers centraux doivent veiller à assurer la liquidité du système bancaire en réduisant les réserves obligatoires. L’objectif est d’éviter tout blocage de la sphère financière. L’organisation a indiqué que compte tenu de l’ampleur de la crise, la détérioration des comptes publics était acceptable et même souhaitable.
Les premières réactions
Les ministres des finances du G7 ont déclaré « être prêts à prendre les mesures nécessaires, y compris budgétaires » La Réserve fédérale américaine a annoncé, mardi 3 mars, une baisse de ses taux d’intérêt de 0,5 point les amenant à 1/1,25 %. Cette mesure d’urgence constitue une réponse pour contrer le caractère récessif pour l’économie de la diffusion du coronavirus. Cette décision intervient entre deux réunions de politique, ce qui n’était pas arrivé depuis la crise de 2008/2009. Jerome Powell, son Président, a indiqué que la FED agirait de manière appropriée et se tenait prête à utiliser tous les outils à sa disposition. Il a souligné que les responsables des grandes banques centrales se coordonnaient pour faire face à la crise et que d’autres mesures d’assouplissement pourraient être prochainement annoncées.
La BCE dispose de moins de marges de manœuvre que la FED pour ajuster ses taux. Elle pourrait néanmoins accroître sa politique de rachats. La Commission européenne a indiqué qu’elle était prête à prendre ses responsabilités pour contribuer à limiter l’impact de la crise. La Banque Centrale d’Australie a également baissé ses taux et la banque centrale du Japon a augmenté ses achats sur les marchés. Le Ministre de l’Économie a indiqué qu’en l’état actuel la croissance pourrait être amputée de 0,1 point en 2020 et que le Gouvernement était prêt à prendre des mesures afin de soutenir les entreprises. Cette crise sanitaire permettra de mesurer la résilience des nations et des économies. Après l’effet de panique, les autorités, les entreprises, la population devraient s’organiser.
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