Les Kurdes sont au cœur des problèmes du Moyen-Orient – et peut être des solutions.
Daechva être définitivement vaincu en Syrie. Les Américains vont, conformément à la décision honteuse de Trump, retirer leurs troupes. Les combattants kurdes, encerclés par les Turcs, les Syriens, les Iraniens, sont voués à être vaincus ou à négocier de nouvelles alliances malgré eux. Aujourd’hui les Kurdes demandent l’engagement de la France. L’opération Chammal, en 2014, a commencé avec des frappes aériennes. Puis la France a déployé des unités au sol, notamment la Task force Wagram et des canons Caesar qui bombardait encore récemment les cibles de l’EI. Mais la France peut-elle rester seule en Syrie ? Non.
A contrario, l’Europe peut-elle être absente de Syrie ? Non plus. Les deux sont impossibles. La France ne peut rester seule et l’Europe ne peut être absente. Hélas l’Europe militaire et diplomatique n’existe pas. C’est donc le moment de la créer: le moment d’agir.
Sachant, grâce à Trump, que les Américains ne sont pas fiables, le moment est venu pour les Européens de traiter des problèmes du monde.
L’Europe est forte mais elle ne le sait pas. Tous les jours elle rumine sa faiblesse. Riche et puissante, elle s’inquiète de la nouvelle richesse de la Chine, de la fausse puissance russe, de l’isolationnisme américain, de la contagion des guerres islamiques. Vieille, seule, complexée, l’Europe se gratte le national-populisme en geignant. C’est vrai : Politiquement, elle ne compte ni au Proche-Orient, ni en Afrique. C’est logique puisque militairement elle est inexistante. Seule la France l’est. Pourtant, il suffirait de le vouloir. L’Europe peut naitre au Kurdistan, encore faut-il avoir le courage de naître.
La France, seule, a le sixième budget militaire mondial (53 milliards de $, devant la Russie, 51 milliards). Elle est en Afrique et au Moyen Orient. Si l’on additionnait les capacités militaires des pays européens, ils formeraient la deuxième puissance militaire mondiale. Non seulement l’Europe est capable de se défendre elle-même, mais elle est capable de mener une politique mondiale autonome.
Doit-elle le faire en Syrie ? Pour éviter que le Moyen-Orient ne soit une menace permanente, l’Europe doit être en Syrie. Sinon, la paix future -quelle paix ?- sera celle d’une coalition d’intérêts anti européens, qui continueront à actionner les leviers du terrorisme, que ce soit du coté chiite ou du coté sunnite. Avons-nous des alliés ? Trop. Les Turcs sont nos alliés. Les Saoudiens sont nos alliés. Les Qataris sont nos alliés. Sans parler des Américains. Aucun n’est fiable.
Seuls les Kurdes le sont. Ils se sont comportés admirablement contre Daech. Sans eux, pas de victoire. Ils contrôlent une partie de la Syrie. Leurs frères (parfois ennemis) gouvernent la région autonome du Kurdistan irakien. Car les Kurdes de Syrie ne sont que la minorité des Kurdes : 15 millions en Turquie, 8 en Iran, 6 en Irak, un million en Syrie. S’agit-il de s’engager pour un Etat kurde ? Non. Les Kurdes de Syrie demandent protection et respect de l’alliance. En raison du départ américain, ils se tournent vers la France.
Leur répondre serait-il seulement le vestige d’un sentimentalisme excessif, simplement conforme à l’honneur ? Si ce n’était que cela, ce serait déjà justifié, car cela permettrait de prévenir un massacre de populations civiles et l’exécution de frères d’armes.
Mais il s’agit aussi de réalisme politique. Une force militaire européenne en Syrie pèserait sur la Turquie, l’Iran, l’Irak, mais aussi la Russie, Israël, l’Arabie saoudite, l’Arménie, l’Azerbaïdjan… Donc sur tous les réseaux terroristes mondiaux, qui essaiment jusqu’en Afrique, au Maghreb et en Europe. Sans compter des réseaux de gaz et de pétrole. Nous avons un devoir vis-à-vis des Kurdes. Nous avons intérêt à être au Kurdistan. Nous en avons les moyens.
Les Kurdes sont des alliés sûrs, parce que leurs ennemis ne nous veulent pas du bien : Syriens, Iraniens, Russes, Islamistes de Daech, d’Al Quaida ou du Hezbollah, méprisent l’Europe faible, inconsistante, soumise et peureuse, tout juste bonne à payer ou à suivre les Américains. Les Kurdes sont sunnites (à 80%) mais aussi anti fondamentalistes. Les femmes ne portent pas le voile. Elles combattent et tuent comme les hommes. Ils contrôlent de grands territoires. Ils forment une vraie communauté de solidarité. Ils sont d’autant plus fiables qu’ils sont seuls. C’est une force solide, quoique divisée. L’Europe peut s’appuyer sur eux au Proche-Orient. Si elle ne le fait pas, vers qui se tourneront-ils : Syriens, Russes, Iraniens ?
L’Europe ne peut être absente du Proche-Orient, qui est une de ses frontières. Elle ne peut continuer à être méprisée par des Etats faibles, comme la Turquie et la Russie, (la Russie dépasse à peine le PIB de l’Espagne, la Turquie celui des Pays-Bas.)
Avec 2000 soldats en Syrie, les Américains sont une force de protection. Si les Européens déployaient une force comparable, celle-ci protégerait les Kurdes, empêcherait l’invasion turque, limiterait l’influence russe, la pénétration iranienne, les représailles israéliennes, la victoire totale d’Assad.
Peut-être ne fallait-il pas intervenir en Syrie. Sans aucun doute, suivre la diplomatie erratique américaine était dangereux. Mais la France y est. La France a montré l’efficacité de ses armes. L’Europe peut s’appuyer sur la France et désormais sur l’Allemagne. Elle peut même s’appuyer sur le Royaume-Uni, car la sécurité de l’Europe et du Royaume-Uni sont liées, Brexit ou pas, le Royaume-Uni demande un accord de sécurité et de défense avec la France et l’Europe.
Si l’Europe est capable de remplacer les Américains en Syrie, ce sera la naissance de l’Europe diplomatique et militaire.Cela marquera un coup d’arrêt aux Erdogan, Poutine et de tous ceux qui admirent leur politique de force. Cela montrera aux Européens qu’ils sont plus forts qu’ils ne le croient. Cela serait conforme à nos valeurs, servirait la paix, sauverait la vie des combattants et des populations kurdes, cela sauverait aussi l’honneur. Enfin cela serait conforme à nos intérêts à court moyen et long terme.
Pourquoi ne le faisons nous pas ? Manque la volonté. C’est le plus difficile à trouver. Qu’une combattante kurde ait la bonté de montrer le chemin.
L’Europe peut naître au Kurdistan, si elle en a le courage.
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