L’Europe, le nouvel eldorado des licornes

L’Europe, le nouvel eldorado des licornes

Au moment où le Président Emmanuel Macron vantait la capacité du pays à attirer des entreprises de haute technologie lors du Forum à Versailles, « Choose France », des économistes s’interrogeaient sur les conséquences des chocs économiques en cours sur les start-up européennes. Lors des deux précédentes grandes crises, l’éclatement de la bulle Internet et la crise financière de 2008, l’Europe a connu une forte régression de son secteur de pointe quand les États-Unis ont fait preuve de résilience. Les moteurs de recherche européens nés au tournant du siècle ont été nombreux à disparaître tout comme des entreprises de fabrication de téléphones comme Nokia. Même si la fintech suédoise, Klarna, spécialisée dans l’affacturage en ligne est en difficulté, les start-up européennes et leurs capital-risqueurs semblent plus solides que par le passé.

Elles seraient moins dépendantes du savoir-faire et des capitaux extra-européens. Ayant connu des valorisations moins importantes et ayant moins fait appel au financement par les actions que leurs concurrentes américaines, elles seraient moins exposées au retournement des marchés financiers.

L’Europe compte désormais près de 150 licornes

Les Européens ont découvert récemment les vertus du capital-risque dont pourraient bénéficier les start-up. En 2021, pour la première fois, les investissements en capital-risque sur le vieux continent ont dépassé 100 milliards d’euros en une seule année. L’Europe compte désormais près de 150 licornes dont la capitalisation dépasse un milliard de dollars, soit environ 13 % du total mondial. Bien que l’écosystème technologique européen ne représente encore qu’environ un tiers de la taille de l’écosystème américain en termes d’investissements en capital-risque, sa taille a plus que doublé depuis 2020.

Cette arrivée de capitaux dans le secteur des technologies et de l’information est avant tout un rattrapage, l’Europe ayant accumulé un retard important vis-à-vis des États-Unis et de la Chine.

En 2021, les investisseurs américains ont apporté pour plus de 100 milliards d’euros de capitaux aux start-up européennes mais dans le même temps ces dernières ont pu compter sur des financeurs européens, ce qui constitue un réel changement par rapport à la situation des années 2010.

Les start-up et les licornes européennes bénéficient de l’expérience croissante de leurs dirigeants qui sont de plus en plus nombreux à avoir occupé des postes de direction dans plusieurs entreprises technologiques. Le secteur est en voie de professionnalisation. Les investisseurs sont de ce fait de plus en plus enclins à financer des start-up européennes.

Créer le « bloc opératoire sans frontière »

Les projets de plus en plus concrets proposés retiennent leur attention. Ainsi, figure dans les entreprises qui ont bénéficié d’apports importants, Proximie, une start-up du secteur de la santé qui utilise la réalité augmentée pour permettre aux médecins de surveiller à distance une opération. Cette entreprise a pour objectif de de créer le « bloc opératoire sans frontière ».

Il en est de même pour TravelPerk, un site de gestion de voyages d’affaires basé à Barcelone qui vise à faciliter les connexions humaines entre les travailleurs à distance, en proposant des outils pour organiser des réunions d’équipe réelles.

L’entreprise BlaBlaCar est également regardée avec attention par les fonds de capital-risque. Cette société qui a commencé comme un service français pour organiser des trajets en voiture partagée entre les villes, vise désormais à devenir une plateforme multimodale de dimension mondiale qui agrège la demande de bus et de trains.

Longtemps, en Europe, l’industrie a été le parent pauvre des capital-risqueurs. Avec la transition énergétique, ce secteur connait un regain d’intérêt. Par ailleurs, même les petites structures à forte capacité d’innovation sont regardées de près par les investisseurs. Le nombre de « business angels », des entrepreneurs prospères qui réinjectent une partie de leur richesse dans d’autres start-up, est également en augmentation. Certains créent leurs propres fonds de capital-risque. Le 28 juin, Taavet Hinrikus, co-fondateur de Wise, un service de paiements internationaux, et trois autres entrepreneurs européens, ont lancé Plural, un fonds de 250 millions d’euros.

Emmanuel Macron lors du Forum de Versailles « Choose France »

Les licornes européennes ont levé des sommes équivalentes à celles des États-Unis

En 2021, preuve d’un rapport de force moins défavorable que par le passé, les licornes européennes ont levé des sommes équivalentes à celles des États-Unis, respectivement 378 millions de dollars et 392 millions de dollars. Les start-up matures en Europe, quant à elles, sont moins concentrées géographiquement que leurs homologues américaines, à la fois en termes de marchés et de soutiens au capital-risque. Les marchés intérieurs et les réservoirs de talents européens étant limités, les entreprises se développent rapidement à l’étranger.

Si dans le passé, les frontières et les langues différentes constituaient un handicap pour les start-up européennes, ces dernières arrivent depuis à en faire une force. Veriff, un service estonien d’identification en ligne, a récemment ouvert un site à Barcelone car il ne pouvait pas embaucher suffisamment d’ingénieurs à Tallinn. Pour se développer, l’application lithuanienne Vinted créée en 2008 a dû s’implanter dès 2008 en Allemagne, en 2010 aux États-Unis et en 2013 en France.

La diversité des start-up européennes est également un facteur favorable en période de crise

80 % des entreprises technologiques européennes ont une présence internationale, contre 61 % des entreprises basées dans la Silicon Valley. Seule une entreprise européenne sur cinq a un bureau sur son seul territoire d’origine et un peu plus de la moitié sont présentes dans trois pays ou plus. Dans la Silicon Valley, ces ratios sont inversés. En temps de crise, une telle diversification est un atout.

La diversité des start-up européennes est également un facteur favorable en période de crise. Selon la classification utilisée par le Crédit Suisse, les entreprises sujettes à la récession telles que les services aux consommateurs sont moins répandues qu’aux États-Unis. Un tiers des licornes européennes opèrent dans la fintech, fournissant souvent des services de paiement à d’autres entreprises, grâce à la réglementation financière plus ouverte de l’Union européenne.

Ce contexte favorable en Europe explique la progression du nombre de licornes. Lors du premier semestre 2022, 42 start-up sont devenues des licornes, contre 37 créées à la même période en 2021.

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