La guerre entre la Russie et l’Ukraine s’inscrit dans le temps long des Empires et des rapports de force économique. La mondialisation des années 1990 et 2000 a donné l’impression que les enjeux territoriaux avaient disparu au profit d’une compétition entre multinationales. Les années 2020 semblent marquer le retour aux logiques impériales.
Redevenue une grande puissance en moins de cinquante ans, la Chine vise à contrôler l’ensemble de la zone Asie Pacifique quand les États-Unis entendent maintenir leur rang de numéro « un » tant sur le plan économique que militaire.
Logiques impériales
La Russie, le plus grand pays du monde doté d’une large palette de ressources naturelles, en proie à la crainte séculaire de l’encerclement, n’a pas fait le deuil de son passé impérial. Ce pays a toujours eu comme objectifs d’accéder aux mers chaudes du Sud et de s’étendre à l’Ouest de l’Europe. La fin de l’URSS en 1991 a été vécue comme un affront par de nombreux dirigeants russes ainsi que par une partie de la population de ce pays. Elle s’est traduite par un recul similaire à celui provoqué par la signature du traité Brest-Litovsk de 1918 en pleine période révolutionnaire, traité qui avait donné lieu à la naissance d’une Ukraine indépendante.
Avec un PIB équivalent à celui de l’Espagne malgré une population trois fois plus importante, la Russie entend récupérer au moins une partie des territoires perdus en 1991 en les annexant ou en les vassalisant, pour reconquérir son statut de grande puissance tant politique qu’économique.
Le retour des Empires pose le problème du positionnement de l’Europe. Après la Seconde Guerre mondiale, l’Union européenne s’est reconstruite sous la protection et l’appui des États-Unis au point de devenir la première place commerciale mondiale. Cet essor s’est réalisé en abdiquant toute velléité impériale. La fin de la guerre froide avec la chute de Berlin et la réunification européenne a semblé valider ce modèle de croissance reposant sur les échanges commerciaux. L’Union européenne était alors synonyme de paix et de prospérité sur le continent. La guerre en Bosnie au début des années 1990 avait été alors considérée comme un avatar de la fin du communisme.
Dépendances européennes
Celle en Ukraine, la première depuis 1945 opposant deux États indépendants en Europe, est une rupture. Après l’épidémie de covid-19, elle souligne la dépendance de l’Union européenne en matière d’énergie, de matières premières et de biens technologiques. Après plusieurs décennies de relative abondance, le principe de rareté s’impose à nouveau. En outre, l’accumulation des crises accroît dangereusement les tentations protectionnistes. La lutte contre le réchauffement climatique exacerbe également ces dernières.
Les États européens sont de plus en plus contraints de se réassurer tant militairement qu’économiquement auprès des États-Unis mais la logique impériale des Américains peut s’opposer aux intérêts européens. La poursuite de la dégradation des relations entre ces derniers et la Chine laisserait peu de marges de manœuvre à l’Europe.
L’Union européenne n’est pas une puissance au sens classique du terme. Or, demain, les relations économiques et diplomatiques se structureront de plus en plus autour d’empires. Aux côtés des États-Unis et de la Chine, figureront certainement l’Inde et le Brésil, ce dernier essayant de fédérer l’Amérique Latine à son profit. En Afrique, le Nigéria et l’Ethiopie, par leur force démographique, devraient progressivement s’imposer.
L’Europe est réfractaire à l’idée impériale
L’inertie ou la division pour l’Union européenne signifierait la marginalisation et le déclin. L’Europe est réfractaire à l’idée impériale ; tous les précédents réalisés par la force ont échoué, du Saint Empire Romain germanique au IIIe Reich en passant par l’Empire napoléonien.
L’Union européenne doit inventer un Empire d’un nouveau type reposant sur les principes de subsidiarité, de liberté et de solidarité, respectant les spécificités des Etats membres tout en permettant une mutualisation des moyens.
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