En 1968, Jacques Dutronc chantait «viens ici, mets-toi là, attention prends pas froid, ou sinon gare à toi, mange ta soupe, allez, brosse-toi les dents ». En 2020, entre la Covid-19 et la canicule, les Français pourraient reprendre les paroles de cette chanson, les parents ayant été remplacés par l’État qui façonne de plus en plus le quotidien de notre vie privée, sociale et économique. Les réglementations se succèdent en rafale avec, à la clef, quelques erreurs et des contradictions.
Vivre normalement
D’un côté, les pouvoirs publics demandent aux ménages de vivre normalement, de consommer, de partir en vacances, d’aller dans les restaurants, de reprendre le travail ; de l’autre, ils appellent à la vigilance, à la prudence et soulignent que demain pourrait être bien plus sombre qu’aujourd’hui. Ces messages traduisent évidemment le désarroi des gouvernements face à une épidémie d’une ampleur sans précédent depuis un siècle qui a frappé des économies reposant sur une multitude d’échanges.
Compte tenu de l’importance prise par les réseaux sociaux, par l’information en temps réel, la dictature de l’actualité et de l’immédiateté s’impose à toutes et à tous. Pour ne pas être jugé inconséquents, inefficaces, les pouvoirs publics se doivent d’être sur le front 24 heures sur 24 au risque de ne plus avoir de politique ni de stratégie dans la durée. Depuis la canicule de 2003 et l’émergence d’Internet comme outil de communication, en permanence sur le terrain, les dirigeants politiques doivent faire preuve d’empathie et résoudre tous les problèmes, du petit bobo à la catastrophe nationale. Il n’y a plus de recul, plus de répit.
Une aide omniprésente
Sur le terrain économique, le gouvernement est ainsi amené à aider au fil de l’eau des secteurs et des entreprises en difficulté, tout en inscrivant sa démarche dans le cadre de la transition énergétique. Par ailleurs, il a prévu d’annoncer un grand plan de relance le 24 août censé dessiner la France des prochaines années tout en reprenant toutes les mesures prises depuis le mois de mars.
Cette omniscience et cette omnipotence de l’État répondent certainement aux attentes de la population qui exprime pourtant, sondage après sondage, un fort sentiment de défiance à l’égard des pouvoirs publics. Elle est également le signe d’une relative absence des corps intermédiaires. Certes, les collectivités locales ont, depuis le mois de mars, manifesté leur volonté de participer à l’effort de guerre contre le virus, mais souvent en opposition à l’État et en jouant parfois la surenchère plus que la complémentarité.
La France demeure un État vertical à la différence de l’Allemagne où le pouvoir est partagé entre l’État fédéral, les Länder, les collectivités de communes et, par ailleurs, entre les partenaires sociaux ou les grandes entreprises familiales, ou des ÉtatsUnis où l’initiative entrepreneurial subsiste. Depuis quarante ans, la décentralisation a donné lieu à de multiples lois qui, si elles ont modifié un peu l’organisation administrative et politique du territoire, n’ont pas changé l’état d’esprit. Le nombre des responsables politiques régionaux ayant une influence nationale tout comme celui des grandes entreprises dont le siège social ne se situe pas en Île-de-France tendent à diminuer. À l’exception de Lyon et de Lille, les grands bassins d’emploi dépendent de la capitale ou des commandes publiques.
Lors de son discours de politique générale, le Premier Ministre, Jean Castex, a déclaré que « pour réussir la reconstruction, nous allons donner davantage de libertés aux territoires ». Il a également indiqué qu’il déposerait une nouvelle loi de décentralisation et de déconcentration, signifiant bien que c’est l’État qui reste au cœur du dispositif. Un changement de mode de gouvernance passe sans nul doute par l’instauration d’un système fédéral tel qu’il existe en Allemagne, en Espagne voire en Italie.