Les valeurs alsaciennes viennent en ouvrant sa porte

Les valeurs alsaciennes viennent en ouvrant sa porte

Claude Schwartzmann est un responsable associatif heureux. Ce Strasbourgeois de 74 ans, brillant architecte de métier, s’est lancé pour défi de relancer l’association des Amis de l’Alsace en Catalogne avec quelques amis et résidents de Barcelone afin de faire revivre les valeurs alsaciennes sur les bords de la Méditerranée. Ce sémillant retraité démontre, s’il en était besoin,  que les seniors sont souvent des ultra-actifs qui savent mobiliser l’expérience d’une vie au service de projets collectifs. Jugez par vous-même !

L’Alsace au coeur

Après une soirée réunissant à Barcelone 90 personnes à la brasserie Damm début mars, l’association enchaîne par une soirée choucroute réussie le 14 avril.  Ce président d’association passionné et entraînant permet aussi aux Petits Chanteurs de Strasbourg d’accompagner la messe célébrée dans la crypte de la Sagrada Familia avec une partie de chorale a capella. C’était le 26 avril et cette réussite collective est véritablement le symbole de cette relance réussie.

Association régionale

Seule association régionale encore présente en Espagne, elle est pleinement représentative de ces groupes de Français qui, à l’étranger, sont les promoteurs bénévoles des valeurs de convivialité et qui mettent en lumière les cultures  et gastronomie régionales au passage. La France est riche de ses régions, c’est une évidence de le dire, et l’Alsace, citée régulièrement comme une des régions les plus riches pour son PIB par habitant, brille aussi par une solide culture locale et l’envie de la partager. 

Nous sommes donc allés à la rencontre de Claude Schwartzmann, solide et inspiré Ambassadeur de sa région.

Boris Faure : Claude, pouvez-vous vous présenter ?

Claude Schwartzmann

Claude Schwartzmann : Je suis architecte de formation. J’ai 74 ans et je suis né à Strasbourg. J’ai exercé comme architecte entre Strasbourg et Nancy. Je m’établis ensuite en 1991 à Lille comme urbaniste. Puis je crée une agence d’urbanisme à Boulogne-sur-mer en 93, en 98 une nouvelle agence à Clermont. En 2009 je suis  nommé responsable de la rénovation du campus de l’université de Grenoble. Ce sera un grand projet dont je suis fier avant qu’en 2014 ne vienne l’heure de la retraite que je prends d’abord sur place à Grenoble.

Boris Faure : Comment êtes-vous devenu un Français de l’étranger ? 

Claude Schwartzmann : A 16 ans mes parents me donnent la chance de partir étudier en Angleterre. Je suis hébergé alors dans une famille britannique. Mon amour des voyages commence là. Il y aura ensuite une expérience d’un an et demi en Algérie. Puis en 1983 je suis nommé sur un  poste de résident en Colombie en tant qu’ingénieur-bois, architecte et urbaniste. C’est là-bas que je rencontre mon épouse colombienne. Le retour en France se fera via Annecy. Je multiplie les projets et les aventures : j’aurai l’occasion de faire Paris Kaboul en « deux chevaux » en 70. De voyager sac à dos. Le voyage fait partie intégrante de ma culture, de mon ADN. C’est une passion que j’ai voulu transmettre. Le message éducatif que j’ai inculqué à mes enfants c’est « voyagez voyagez, rencontrez ». Je crois que le message est bien passé : mon fils de 33 ans est géologue et vit à Toronto. L’autre travaille à l’international pour une PME. J’ai fait le calcul : avec mon épouse nous avons déménagé 13 fois en 34 ans. Mes enfants ont des racines françaises et colombiennes mais au fond se sentent européens. Dans la famille nous savons nous intégrer. Mon message est d’ailleurs clair : c’est à nous de montrer, en tant qu’expatriés, que l’on est prêts à s’insérer. Cela fait partie du jeu. Ici à Barcelone je constate que les Catalans ont un caractère bien trempé, une identité forte. Il  ne faut surtout pas parler politique avec eux car sinon le ton peut monter vite. Mais il y a tant de sujets de discussion et de débat plus rassembleurs… 

Boris Faure : Et votre identité alsacienne, comment la faites vous vivre ? 

Claude Schwartzmann : J’ai eu très jeune un énorme coup de coeur pour l’Alsace. Je suis tout simplement fier de ma région, de mon pays et de ses valeurs, mais sans hégémonisme. Les valeurs alsaciennes viennent en ouvrant sa porte. En partageant. En permettant à d’autres de comprendre et profiter de notre culture..

Boris Faure : Comment s’est décidée l’arrivée à Barcelone ? 

Claude Schwartzmann : C’est pleinement un choix de couple. A la retraite nous avons décidé de nous installer à Barcelone pour son dynamisme, parce qu’il y a des jumelages entre Grenoble, notre ville d’origine, et la ville catalane. C’est aussi un choix en faveur du climat et de la culture dans une ville agréable et belle. La ville la plus belle du monde demeurant Strasbourg bien entendu (rires). Je m’étonne d’ailleurs encore que des étudiants choisissent de s’établir à Montpellier plutôt qu’en Alsace (re-rires)

Boris Faure : Pouvez-vous nous parler de l’association des Amis de l’Alsace en Catalogne ?

Claude Schwartzmann : Marie-thérèse Mosser a géré l’association pendant une trentaine d’années. Je lui tire mon chapeau. Elle l’a créée en 1992. L’association était en sommeil depuis 2015 et ses activités se réduisaient à des réunions de copains mensuelles. Le courant est bien passé avec Marie-Thérèse à mon arrivée ici. La pandémie a coulé les différentes associations régionales comme celles des Bretons ou des Basques. La nôtre était encore là. Mais avec un besoin de redynamiser. Je me voyais dans un rôle de simple membre et Marie-Thérèse m’a proposé de devenir le nouveau président. Qu’à cela ne tienne, j’ai relevé le défi depuis le 1er février. Choisir le brasseur DANN pour un premier événement de lancement me paraissait évident : c’est un descendant de familles qui ont quitté l’Alsace à l’arrivée des Prussiens en 1873. Un vrai monument d’histoire, une brasserie connue dans le monde entier. Nous avons été accueillis dans des locaux magnifiques. 90 personnes heureuses étaient là, et ce fut l’occasion de renouer des liens entre Alsaciens ou amis de l’Alsace après la Covid. Et cela en présence du Consul de France. 

Nous avons enchainé sur une choucroute il y a quinze jours et aidé à l’organisation de ce concert avec les petits chanteurs de Strasbourg qui ont fait une tournée de 4 jours sur place à Barcelone. Maintenant nous envisageons l’organisation d’ateliers de cuisine et d’oenologie. C’est une idée inspirée par les propositions de nos jeunes membres. 

Boris Faure : Pourquoi les Alsaciens de l’étranger ont-ils souvent des associations très dynamiques ?

Claude Schwartzmann : C’est une question de tempérament. Nous parlons d’une région viticole, de gens qui aiment bien manger et boire, une région pleine de ressources culturelles et touristiques. On y fait du ski à une heure de route de Strasbourg. L’Alsacien est connu pour son caractère entier, clair et net. Un plus un ça fait deux ! C’est un être conscient de vivre dans une région ouverte de par sa situation géographique, un territoire de rencontres avec des racines fortes et traditionnelles. L’Alsacien est un traditionaliste qui admet la modernité (rires) ! C’est quelqu’un de particulièrement dynamique et fier de sa région. Pas renfermé sur lui-même à l’image de la tradition des stammtisch, qui signifie la table, ces moments où on se réunit pour les retrouvailles et le partage autour de repas ouverts. 

Boris Faure : Un mot sur la célèbre gastronomie alsacienne ? 

Claude Schwartzmann : Difficile de ne pas commencer par la choucroute. C’est certes un plat d’hiver. Elle fait partie intégrante de nos plats « de base » avec le jambonneau. Le Bäckeose est cuisiné dans un plat en terre cuite qui se met au four. C’est un plat du dimanche qui a commencé à être populaire alors que tout le monde allait à la messe et qu’on déposait le plat à cuire dans le four du boulanger du coin. On allait récupérer son plat à la sortie de la messe et on le servait après trois heures de cuisson. Le plat  n’était pas que réservé à la famille mais aussi aux amis. La réputation de l’Alsace a été bâtie autour de ces plats roboratifs. L’Alsace a construit sa cuisine en autarcie, en utilisant les produits locaux de la ferme, sans dépendre des régions voisines. Il fallait se nourrir de produits comme la bière, l’oignon, le foie (le foie gras est né en Alsace ne l’oublions pas) mais aussi les saucissons, les poissons et les truites. 

Dans nos spécialités célèbres il y a la tarte à l’oignon, la flammekueche qui se mange le soir. On a aussi les kouglofs, les nouilles alsaciennes. De la nourriture « qui tient le corps ». Il y a d’ailleurs une histoire traditionnelle qui dit que que des Huns assiégeaient une ville alsacienne depuis plusieurs semaines. Les habitants firent alors monter sur les créneaux de la ville les femmes alsaciennes qui soulevèrent leurs jupons. Elles étaient rondes et bien nourries. Les assaillants s’enfuirent voyant que personne ne mourrait de faim à l’intérieur de la ville et que le siège était inutile !

Boris Faure : Après cette page culturelle, revenons à l’association, parlez-nous de son financement.

Claude Schwartzmann : Il est constitué d’abord par les cotisations des membres.  Nous sommes déjà une quarantaine. Une demande de subvention STAFE est en cours auprès du consulat et j’ai bon espoir qu’elle aboutisse. L’union internationale des Alsaciens qui a son siège à Colmar  nous aide aussi. Elle réunit 50 à 60 groupes d’Alsaciens partout dans le monde que ce soit au Québec, en Israël et en Allemagne, etc. Nous misons aussi sur le sponsoring privé.

Boris Faure : Quels sont vos objectifs ?

Claude Schwartzmann : Nous avons identifié environ 550 personnes qui à Barcelone ont de potentielles racines alsaciennes. En tout cas des noms à consonance alsacienne. La liste électorale consulaire a été utile pour les repérer.

Notre espoir est de doubler le nombre de membres et de miser sur l’ouverture aux jeunes.

Le plus important est de se faire plaisir et de donner du plaisir, de se cultiver et de faire découvrir largement notre culture alsacienne.

Auteur/Autrice

  • Boris Faure

    Boris Faure est l'ex 1er Secrétaire de la fédération des expatriés du Parti socialiste, mais c'est surtout un expert de la culture française à l'étranger. Il travaille depuis 20 ans dans le réseau des Instituts Français, et a été secrétaire général de celui de l'île Maurice, avant de travailler auprès des Instituts de Pologne et d'Ukraine. Il a été la plume d'une ministre de la Francophonie. Aujourd'hui, il collabore avec Sud Radio et Lesfrancais.press, tout en étant auteur et représentant syndical dans le réseau des Lycées français à l'étranger.

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