Le 11 septembre 2001, beaucoup, en Amérique latine, dans les pays arabes, ont dansé. Ben Laden s’affichait sur les T-shirts, comme Guevara, ou ornait les horloges, celles des souks d’Islamabad et des bombes artisanales. Ce temps-là, où les figures terroristes enthousiasmaient des cerveaux fascinés par la mort sacrificielle, semble révolu. Ne restent que des cas psychiatriques, des malades qui tuent dans les écoles aux États-Unis, écrasent des piétons à l’aveugle, au nom de rien. Les déglingués, témoins de la santé mentale de l’humanité, remplacent les révolutionnaires nihilistes ou religieux. Les terroristes ont perdu la foi. La terreur prend les formes plus classiques de la guerre.
Le petit manuel du terroriste se vend mal, celui de la reconversion attire
Hier, un chef terroriste, Arafat, devenu chef d’un presque État, recevait le Nobel de la Paix. Aujourd’hui, la Maison Blanche reçoit le nouveau maître de la Syrie, un ancien d’Al Qaïda. Les Européens l’avaient fait avant lui : Ne jamais souhaiter la mort du pécheur, seulement sa conversion. Le petit manuel du terroriste se vend mal, celui de la reconversion attire. Les djihadistes qui assiègent Bamako pourraient devenir respectables, qui sait. Ceux qui le défendent le sont ils ?
En 2001, les États-Unis, tous les États ou presque à leur suite, déclaraient la guerre au terrorisme. S’ensuivirent les guerres d’Irak, d’Afghanistan, de Tchétchénie, et plus encore. La collaboration internationale des services de renseignement associa les États. Des législations antiterroristes, parfois utilisées à d’autres fins, se photocopiaient. Dans l’obscurité de l’État profond, toute législation, même la plus sévère, restait ignorée. C’est vrai de la Russie, évidemment, mais aussi des États-Unis, qui s’exonéraient de tout autocontrôle, au-delà d’un douteux « Patriot Act », en Pologne et à Guantánamo. Sécurité, que de crimes ne commet-on pas en ton nom.
Face à la vague terroriste, le droit des démocraties européennes apparaissait le plus faible. L’Occident décadent, proie facile, allait se faire dévorer. Entre les cinquièmes colonnes des cités, les agents étrangers et la cécité des dirigeants, le terrorisme atteindrait bientôt le cœur, d’autant qu’il était sec. Les experts et prophètes jubilaient de la catastrophe démocratique. Erreur. Comme toujours, les démocraties n’ont que l’apparence de la faiblesse. Comme le roseau, elles plient et ne rompent pas. Ceux qui jouent au dur, un jour, s’écroulent. Règle universelle, intemporelle.
Le nombre d'incidents terroristes est tombé à son niveau le plus bas depuis 15 ans dans les pays occidentaux
Le nombre d’incidents terroristes est tombé à son niveau le plus bas depuis 15 ans dans les pays occidentaux.
De 2001 à 2024, on compte, 65.000 attentats terroristes dans le monde, 243.124 morts. Le monde musulman concentre 95% des victimes : l’Afghanistan, avec ses Talibans, 50.000 ; l’Irak, avec Daech 45.000, le Nigeria, avec Boko Haram, 35000, le Pakistan, 25000, la Somalie, 15000… En Occident, les États-Unis ont subi le plus grand nombre de morts, plus de 3000, principalement avec le 11 septembre (2977 morts).
La France est une cible. 334 morts en 85 attentats. Avec, il y a dix ans, les attentats du 13 novembre. Pourquoi la France ? Parce que, de tous les pays européens, elle continue à jouer un rôle en Afrique, au Moyen-Orient, au Conseil de sécurité. Elle a une armée, une capacité nucléaire, une influence disproportionnée par rapport à sa population et sa puissance économique. Depuis Charlie, le Bataclan, Nice, la France a marqué des points. Se souvenir des victimes, commémorer les attentats, mais rendre compte que la France, comme d’autres, avec d’autres, a gagné des batailles. Peut-être pas la guerre, mais des batailles, c’est certain.
Le monde musulman concentre 95% des victimes
En 2025, les services de sécurité ont encore déjoué trois attentats sur notre sol. La menace existe toujours, elle est moins forte. Deux inquiétudes : D’une part, les deux tiers des projets déjoués par la DGSI impliquent des jeunes de moins de 21 ans. D’autre part, les revenants de Syrie finissent leur peine de prison. 75 sont libérés en moyenne chaque année. Surveillés, apparemment guéris, pour l’instant. Les « Loups solitaires » représentent 93 % des attaques fatales en Occident sur les cinq dernières années.
En Allemagne, un réseau embryonnaire vient d’être démantelé, lié au Hamas, ou au Hezbollah. Signe que le terrorisme revient à ses racines, celles d’être téléguidé par des officines étrangères, celles des États ou des groupes. Le foyer terroriste au Proche Orient a pris des coups. Au premier chef l’Iran et ses relais, le Hamas et le Hezbollah. La Syrie morcelée reste un foyer en mode mineur, l’Irak a connu ses cinquièmes élections, les attentats y ont disparu.
Le Sahel représente aujourd’hui la moitié des victimes du terrorisme. Preuve que l’action de la France y était efficace
L’épicentre du terrorisme a migré du Moyen Orient à l’Afrique. Le Sahel (Burkina, Niger, Mali) représente aujourd’hui la moitié des victimes mortes d’actions terroristes. Preuve que l’action de la France y était efficace. Comme elle a été efficace en Irak et en Syrie contre Daech. Sauf qu’au Sahel, la France était trop seule. D’autres puissances espéraient depuis longtemps son départ, d’autant que ses intérêts y étaient moindres. Maintenant l’Afrique, avec ses seigneurs de guerre, ses réseaux puissants, ses États faibles, devient une zone de prolifération, du Sahel à la Somalie en passant par la RDC. Le terrorisme prolonge les guerres internes, les diffuse.
La principale menace terroriste aujourd’hui, pour les pays européens, redevient celle qui prolonge la guerre des États. La guerre d’Ukraine dépasse l’Ukraine. Les petites mains bulgares ou roumaines qui ont peint des mains ensanglantées, des étoiles de David sur les murs de Paris, les spots TikTok qui justifient la « résistance », les politiques alimentés de l’étranger, en pleine conscience ou en pleine bêtise, tous ces ingrédients de guerre hybride ne sont que les pièces d’un puzzle aux pièces mouvantes, mais qui veut une autre carte du monde, qui intègre le terrorisme à la guerre hybride.
Une autre carte du monde intègre le terrorisme à la guerre hybride. Ce qui réconforte, c’est l’on sait vaincre
Le meilleur moyen de gagner une guerre est de faire si peur que l’adversaire baisse les armes, se soumet, s’enfuit. C’est la technique des réseaux criminels, des mafieux, des sociétés secrètes et des organisations révolutionnaires. Chacun le sait. Dans les cercles des États, les uns en joue, les autres les déjouent.
Ce qui réconforte, c’est l’on sait vaincre. On n’a pas gagné la guerre, car ce type de guerre ne se gagne jamais définitivement, mais on sait remporter des batailles contre des monstres. Ceux qui restent n’ont plus l’air de martyr mais de tarés. Maintenant il y en a d’autres, qui bombardent et qui tuent. Qui se reçoivent respectablement. Qui vont retisser des réseaux. Qui manipulent et qui achètent. Ceux-là aussi on sait les vaincre. À condition de garder la foi. Eux l’ont perdu, ils ne misent que sur la force et la peur, c’est un début de victoire.
Laurent Dominati
a. Ambassadeur de France
a. Député de Paris
a. Président de la société éditrice du site lesfrancais.press et de l’app de paiement des Français de l’étranger France Pay
Auteur/Autrice
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Député de Paris de 1993 à 2002, Ambassadeur au Honduras de 2007 à 2010, puis au Conseil de l'Europe de 2010 à 2013, il a fondé le media lesfrancais.press dont il est le Président.
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