Malgré les menaces américaines d’imposer de nouveaux droits de douane, la France, l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni ont fait savoir qu’ils instaureraient une taxe numérique nationale si l’OCDE de parvenait pas à un accord d’ici à la fin de l’année.
La taxe numérique est l’un des sujets brûlants discutés cette semaine au Forum économique mondial de Davos.
Une conversation de dernière minute entre le président français Emmanuel Macron et le président américain Donald Trump a permis d’éviter une aggravation de la guerre commerciale transatlantique.
Paris a accepté de suspendre le recouvrement de sa taxe sur les Gafa (Google, Amazon, Facebook, Apple…) jusqu’à la fin de l’année. En contrepartie, l’administration Trump n’imposera pas, pour l’heure, de nouveaux droits de douane sur des produits français d’une valeur de 2,4 milliards de dollars.
Mais la France a fait savoir qu’elle percevrait rétroactivement toutes les taxes au début de l’an prochain si l’OCDE échouait à trouver un accord sur une taxe numérique.
« Nous devons parvenir à une solution crédible au niveau international pour éviter que les pays européens n’adoptent des solutions nationales », a déclaré le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, aux journalistes présents à Davos.
L’OCDE planche depuis plusieurs mois sur une proposition visant à remédier au transfert des bénéfices pratiqué par certaines multinationales pour éviter de payer des impôts. La facture fiscale des entreprises numériques compte parmi les plus basses en raison de leur stratégie agressive d’optimisation fiscale et de la nature de leur activité.
Le grand argentier français a indiqué aux journalistes qu’au cours de ces dernier jours, à Davos, il avait été en contact avec ses homologues, l’Espagnole Nadia Calviño, l’Italien Roberto Gualtieri et le Britannique Sajid Javid.
« Nous partageons tous le même point de vue », a souligné Bruno Le Maire. « S’il existe une solution crédible à l’OCDE, il n’est pas nécessaire d’en trouver une au niveau national. »
Interrogé par Euractiv.com, Roberto Gualtieri a confirmé qu’il soutenait la position de Bruno Le Maire. La taxe italienne prévoit que les paiements soient effectués l’année suivante et elle est assortie d’une clause de caducité qui entraînera la suppression du dispositif national dès que la version de l’OCDE sera en place, a -t-il expliqué.
« Nous sommes très engagés dans la recherche d’une solution mondiale. Mais bien entendu, si aucune solution n’est trouvée à ce niveau d’ici à la fin de l’année, nous allons poursuivre la mise en œuvre de notre mesure nationale ». Roberto Gualtieri
Pour Roberto Gualtieri, une « solution commune » au niveau de l’UE serait également souhaitable.
Même son de cloche du côté de Nadia Calviño. Selon la ministre espagnole, à moins que des « progrès satisfaisants » ne soient enregistrés au niveau de l’OCDE cette année, les pays de l’UE sont « déterminés » à faire pression pour adopter une solution européenne. Parallèlement, l’Espagne ira de l’avant pour instaurer une taxe nationale. Si aucune option internationale (de l’OCDE ou de l’UE) n’est adoptée « à court terme », l’Espagne s’en tiendra à ses plans nationaux.
Dans le cadre d’un débat à Davos, Sajid Javid a fait savoir que le Royaume-Uni prévoyait d’avancer dans l’élaboration de sa taxe sur les services numériques à partir d’avril. Il a ajouté que celle-ci serait temporaire et « disparaîtrait dès qu’une solution internationale serait trouvée ».
Menaces américaines
Les pays européens affichent leur détermination en dépit des nouvelles menaces de Washington. Outre-Atlantique, on promet de riposter si les Européens vont de l’avant avec leurs taxes nationales sur le numérique.
S’exprimant lors du même débat que Sajid Javid, Steve Mnuchin, le secrétaire américain au Trésor, a martelé que la taxe numérique française et les autres mesures du même type étaient « de nature discriminatoire ».
« Si les gens veulent taxer arbitrairement nos entreprises numériques, nous envisagerons de taxer arbitrairement les entreprises automobiles », a-t-il ajouté.
La probabilité d’un accord dépendra de la capacité de l’OCDE à résoudre la quadrature du cercle. Il s’agira de concilier l’exigence européenne de trouver une « solution crédible » et la volonté des États-Unis d’instaurer une taxe numérique volontaire.
Le secrétaire général de l’OCDE, Ángel Gurría, a rencontré Bruno Le Maire et Steve Mnuchin le 23 janvier, dans le but de trouver un terrain d’entente.
« Il y a encore du travail à faire pour que l’on s’entende sur une base permettant de lancer les travaux à l’OCDE », a admis Bruno Le Maire.
Nadia Calviño espérait que l’OCDE présenterait une « bonne proposition » d’ici à la fin du mois, qui conduirait à un accord politique au G20 en juin, et à l’adoption du dispositif international au cours de la deuxième moitié de l’année.
Malgré les divergences entre les États-Unis et la France, Bruno Le Maire s’est montré relativement confiant quant à la possibilité de trouver une solution, étant donné « l’entente commune pour désamorcer » le litige, affichée par Emmanuel Macron et Donald Trump, ses « excellentes » relations personnelles avec Steve Mnuchin et le « très dur » labeur accompli par l’OCDE depuis le mois d’août au niveau technique.
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