Vous êtes Renault ou Tesla ? Air France ou Space X? L’agence spatiale d’Elon Musk a envoyé ses quatre premiers astronautes dans l’espace. Elle est déjà valorisée plus de 25 milliards. Le capital d’Air France a été divisé par cinq en dix ans. L’Etat a prêté 7 milliards à une entreprise qui en vaut 2. Renault vaut encore 6 milliards, mais Tesla, première capitalisation automobile mondiale, plus de 495. Mauvaise pioche : avec l’Etat, vous avez choisi Renault et Air France. Le gouvernement les sauve à coup de milliards. Peut-il faire autrement ? Quand on dépense 100 milliards, sans doute.
Conscient de cette impasse, Bruno Le Maire aimerait développer les batteries (accord franco allemand) et mettre au pas les Gafas. Parce que le pied de nez de Musk à la Nasa et à l’industrie automobile se prolonge dans le Big data et l’économie numérique. Les maîtres du monde sont de moins en moins des Chefs d’Etat. Un peu comme au XIXème, où les têtes couronnées comptaient moins que les capitaines d’industrie.
Le pouvoir échappe aux Etats
Chacun sent bien, à la Commission, en France, en Chine, que quelque chose est en train d’échapper aux Etats. Même le Congrès américain a fait passer des auditions « très dures » aux patrons des Gafas. Qui répondent: « Freinez nous et vous aurez les Chinois ». En Chine, Jack Ma, le patron d’Alibaba et d’Alipay, (900 millions d’utilisateurs, 25 fois Paypal) a du renoncé à introduire Ant en bourse, sur injonction de Xi Jinping : le parti avant tout. Le pouvoir chinois reste au pouvoir. Demain ?
Le big data, c’est l’or noir de demain. Les batteries, la banque de l’énergie. L’espace, le contrôle des flux, comme hier celui des voies maritimes. Faire la guerre aux Gafas n’a de sens que si on essaie d’entrer dans la course.
Les banques centrales gouvernent le monde
Les Etats empruntent pour renflouer les vieilles industries et payer les coûts de fonctionnement de bureaucraties de plus en plus impuissantes. Débordés, ils ont mis sous contrôle le système financier par l’intermédiaire des Banques centrales. Comme celles-ci leur appartiennent, des esprits simples pensent que le crédit infini a été inventé, et qu’on peut annuler les dettes. Pour les pays riches, s’entend. Pour les pauvres, c’est différent : Six ont déjà fait banqueroute cette année, trente-huit pays sont menacés d’un défaut de paiement.
Demain d’autres monnaies
Aujourd’hui donc, les banques centrales sont maîtresses du monde, aujourd’hui seulement. Comme elles dépendent des Etats, elles n’ont d’autre puissance que la confiance affiliée à la monnaie qu’ils contrôlent et qui a force légale. Annulation de dette ou pas, la multiplication des liquidités dévalue la monnaie. Les Etats sont donc en tain de détruire la fiabilité monétaire. Comme il n’y a pas de choix, çà marche. Des qu’une porte s’ouvrira, le système s’effondrera.
Un jour, quelqu’un inventera une monnaie et des modes de transaction plus sûrs et moins cher. Un jour ? C’est déjà fait.
Il y a le refuge de nouvelles monnaies, indépendantes, cryptées. Le Bitcoin, monnaie pirate ultra spéculative, représente un encours de seulement 336 milliards de dollars. Mais une augmentation de +156% en un an. On comprend la peur des Banques centrales… ou du gouvernement chinois. Demain la Libra, la monnaie de Facebook, aujourd’hui bloquée, serait assise sur deux milliards d’utilisateurs dans le monde. La Banque centrale européenne, inquiète d’une telle monnaie qui pourrait être acceptée par les autorités américaines, songe à créer une cryptomonnaie européenne. Sauf que l’Europe n’a pas de Facebook ni de Google. En quelque sorte, les Etats-Unis ont des armes, comme les Chinois, les Européens… (et ceux qui ne veulent pas d’Europe encore moins).
Les Gafas pirates mieux que les Etats
Qui stocke les données sur les utilisateurs, plus certaines que celles du fisc et de la sécurité sociale réunis ? Qui permet le travail, les échanges par des flux numériques cryptées ?: Si les Gafas inventent une monnaie plus fiable que celles des banques centrales, ils sont les maîtres du monde.
Identité numérique, commerce numérique, transactions numériques, criminalité numérique, qu’est ce qui leur manque ? La question n’est déjà plus de savoir comment on va taxer les Gafas mais de comprendre comment les Gafas nous vendent. Car il est inquiétant d’être acheté, il sera pire encore de ne pas l’être.
La semaine dernière, le Secrétaire général adjoint de l’OTAN, Miercea Geoană, expliquait: « Nos démocraties ouvertes et nos modèles éducatifs favorisent la créativité et les innovations de rupture plus que ne peut le faire toute autre forme de gouvernement. Les grandes entreprises et les start-up sont en compétition pour renouveler les modes de pensée.» Le constat est juste, les sociétés ouvertes sont plus fortes que les sociétés fermés.
Mais il manque une étape : que deviennent les Etats ? Financièrement défaillants, monétairement en sursis, bureaucratiquement empesés, socialement contestés, démocratiquement incertains, même la guerre leur échappe. Elle se fait par des marchands de drogue dans le désert, des terroristes dans les villes et des hackers dans les centres névralgiques. Même dans le covid, le crime organisé prolifère, d’autant mieux qu’il se substitue aux associations caritatives et aux banques.
Vers une alliance autour du droit
La seule arme des Etats, c’est le droit. Pour l’exercer, il faut qu’il soit partagé. Même là, nous vivons des guerres du droit, entre Américains, Européens, Chinois. Sans alliance, déjà entre Européens, puis, espérons-le, avec les Américains, les centres de pouvoir ne seront plus atteints par les mécanismes démocratiques mais seulement par des rapports de force numériques, qu’ils soient financiers, commerciaux ou militaires.
La démesure financière, la révolution digitale, l’expansion chinoise font imploser le cadre de l’Etat national. Ceux qui ne s’en aperçoivent pas sont condamnés. Ceux qui le savent doivent s’allier et inventer les nouvelles modalités d’action de l’état et du droit.
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