Les grands-parents au cœur des révolutions démographiques 

Les grands-parents au cœur des révolutions démographiques 

L’espérance de vie à la naissance est passée, à l’échelle mondiale, de 51 à 72 ans de 1960 à 2022. En France, elle était de plus de 82 ans en 2022, contre 70 ans en 1960. Sur la même période, le nombre de naissances par femme au cours de sa vie a diminué de moitié, passant de 5 à 2,4. En France, ce taux est désormais de 1,8, contre 2,7 en 1960. Le nombre de personnes âgées augmente, de ce fait, à grande vitesse, logiquement désormais les grands-parents sont la pierre angulaire des familles et des économies.

20% de la population mondiale a plus de soixante ans 

Le monde compterait plus de 1,5 milliard de personnes de plus de 60 ans, contre 500 millions en 1960. En proportion de la population, elles sont passées de 17% à 20%. D’ici 2050, la population mondiale comptera 2,1 milliards de personnes de plus de 60 ans dont le nombre sera supérieur à celui des moins de 15 ans. En Chine, en 2050, les plus de 60 ans représenteront 30% de la population. Les États-Unis seront alors nettement plus jeunes avec une proportion de seniors avoisinant 24%. 

Si elles s’estompent, d’importantes différences en matière de natalité et de fécondité demeurent. De nombreux États africains conservent des taux de natalité élevés qui conduiront à un doublement de la population du continent d’ici 2050. Au Sénégal, bien que le nombre de naissances par femme soit passé de 7,3 en 1980 à 4,5 en 2022, les familles nombreuses restent la norme. Les enfants de moins de 15 ans sont 3,5 fois plus nombreux que les plus de 60 ans. 

Plus de grands-parents avec moins de petits-enfants à s’occuper 

La transition démographique permet aux grands parents de s’occuper plus longtemps de leurs petits-enfants qui sont, en outre, moins nombreux. Les conséquences de cette révolution démographique sont importantes et peu étudiées. 

La réduction du nombre d’enfants facilite l’insertion professionnelle des femmes et leur indépendance par rapport aux hommes. L’allongement de l’espérance de vie a des effets bénéfiques pour les pays en développement en matière de formation et de scolarisation des enfants. Les grands-parents sont amenés à s’occuper de leurs petits-enfants et les incitent, en règle générale, à fréquenter les établissements scolaires. Ils sont également présents dans la gestion du travail domestique libérant du temps pour les jeunes femmes qui peuvent ainsi travailler à l’extérieur. 

Dans de nombreux pays émergents, les grands-parents gardent les enfants en bas âge. Au Mexique, 40 % de ces derniers sont ainsi gardés pendant la journée. En Inde, les parents du mari ont souvent cette charge, ce qui n’est pas sans générer des tensions. Dans les pays de l’OCDE, près de la moitié des enfants sont gardés régulièrement par leurs grands-parents. La proximité géographique de ces derniers par rapport aux petits-enfants a un effet direct et positif sur l’activité des mères et sur le niveau de vie des ménages. 

L’éducation des grands-mères

Selon une étude de l’Université de Washington, vivre à moins de 25 miles d’une grand-mère augmentait le taux de participation au marché du travail des femmes mariées avec de jeunes enfants de 4 à 10 %. Une étude brésilienne a également démontré que la garde des enfants par une personne âgée, ayant des liens familiaux ou pas, majorait les ressources des ménages de plus de 20 %. 

En revanche, des études américaines et japonaises suggèrent qu’un enfant entouré de grands-parents est plus susceptible d’être obèse. De même, une étude américaine mentionne le fait que des enfants ayant été élevés par leurs grands-parents ont durant leur vie d’adulte plus de problèmes psychologiques que les autres. Cette corrélation doit être relativisée. En effet, les problèmes peuvent provenir non pas de l’éducation des grands-parents mais de l’absence des parents ou du comportement de ces derniers. 

L’apport dual des grands-parents 

Dans la Chine rurale, ils sont amenés à s’occuper des enfants dont les parents sont partis travailler au sein des grandes agglomérations. Ces derniers sont traités comme des citoyens de seconde classe et leurs enfants sont exclus des écoles publiques. Ils sont donc contraints de les laisser à leurs grands-parents dans le village natal. Le niveau des écoles rurales demeure faible et les grands-parents sont bien souvent peu alphabétisés. Ce système reproduit donc les inégalités sociales. 

Une étude de l’Université de Stanford a mentionné que plus de la moitié des moins de 5 ans en Chine rurale ont un retard cognitif, en partie parce que leurs grands-parents manquent de discussion. A contrario, dans les villes chinoises, la politique de l’enfant unique est appliquée de longue date. Chaque enfant dispose de quatre grands-parents et de ses deux parents. Fortement encadré, il bénéficie d’un accès à la culture et à la formation qui se rapproche des normes occidentales.

La Chine a créé une école pour les grands-parents 

La présence des grands-parents dans les villes a permis une forte progression du taux de participation au marché du travail des femmes chinoises qui est de 62 %, soit légèrement supérieur à celui des États-Unis. Le travail des femmes est nécessaire dans ce pays afin de financer les études des enfants. L’enjeu des autorités chinoises est de faire des grands-parents de bons éducateurs.

À Pékin, le gouvernement a même créé une école en 2005 pour apprendre aux grands-parents à mieux s’occuper de leurs petits-enfants. En Europe, la scolarisation des enfants dès deux ans vise à faciliter leur éveil, à accroître leur degré de socialité et à favoriser l’acquisition des connaissances. Des études ont confirmé qu’une scolarisation précoce était positive en matière de formation. La garde des grands-parents est jugée moins performante, ces derniers n’ayant pas les capacités pédagogiques pour s’occuper pleinement de leurs petits-enfants. 

S’occuper des petits-enfants, un gage de bonne santé pour les grands-parents, tout en étant une contrainte 

Les grands-parents qui garderaient leurs petits-enfants auraient une espérance de vie supérieure aux autres. Ce résultat est légèrement biaisé par le fait que s’ils ont la possibilité de s’en occuper, c’est qu’ils ont une santé qui le leur permet. Néanmoins, plusieurs études soulignent que passer du temps avec ses petits-enfants diminue la prévalence des dépressions. Malgré tout, une étude menée par l’Université de Singapour, indique que les grands-parents perçoivent le fait de gérer leurs petits-enfants comme une contrainte et non comme un plaisir. Dans les pays occidentaux, les séniors entendent profiter de leur retraite, voyager, profiter des loisirs, voir des amis et non être tributaires de leurs petits-enfants. 

En Suède, les grands-parents s’occupent ainsi de moins en moins de leurs petits-enfants. La législation de ce pays n’y incite pas. Pour chaque enfant, un couple suédois peut prendre 16 mois de congé parental avec maintien des salaires antérieurs. Le pays dispose d’un nombre important de crèches. En Suède, les grands-parents ont peu de contacts avec leurs petits-enfants. Les premiers vivent isolés ce qui n’est pas sans poser des problèmes de santé. Sur une population de 10,4 millions d’habitants, quelque 900 000 personnes ont plus de 60 ans et vivent seules. Parmi celles-ci, un cinquième n’aurait plus de contacts avec sa famille. 

Aujourd’hui, le monde compte beaucoup de grands-parents et peu de petits-enfants, du moins relativement. Les liens familiaux se délitent du fait de l’éloignement et de l’éclatement des structures familiales. Ces phénomènes ne seront pas sans incidences sur la gestion de la dépendance. Les enfants et les petits-enfants seront moins nombreux pour s’occuper de leurs aînés dépendants, ce qui supposera une prise en charge publique plus importante.

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