Les « garanties de sécurité » voulues par Macron pour la Russie ne font pas l'unanimité

Les « garanties de sécurité » voulues par Macron pour la Russie ne font pas l'unanimité

Le président français Emmanuel Macron a déclaré que l’Occident devrait réfléchir à la manière de répondre aux besoins de Moscou en matière de garanties de sécurité pour mettre fin à la guerre en Ukraine, mais son idée a suscité de vives critiques de la part de Kiev et de plusieurs partisans de la ligne dure de l’UE vis-à-vis de la Russie.

Les considérations du président français, prononcées lors d’une interview accordée à TF1 samedi (3 décembre), sont intervenues après les discussions de M. Macron avec son homologue américain Joe Biden à Washington, au cours desquels les deux dirigeants ont discuté de l’agression de la Russie en Ukraine et de la manière dont ils peuvent continuer à soutenir l’Ukraine.

« C’est-à-dire qu’un des points essentiels que nous devons aborder, comme le président [russe] [Vladimir] Poutine l’a d’ailleurs toujours dit, c’est la peur que l’OTAN vienne jusqu’à ses portes, c’est le déploiement d’armes qui peuvent menacer la Russie », a déclaré M. Macron.

« Ce sujet fera partie des facteurs pour la paix, et donc il faut aussi le préparer : qu’est-ce qu’on est prêts à faire, comment nous protégeons nos alliés et les États membres, tout en donnant des garanties pour sa propre sécurité à la Russie le jour où elle reviendra à la table des négociations ? »,

Emmanuel Macron

Entre-temps, les commentaires de M. Biden, jeudi, selon lesquels il serait ouvert à la diplomatie avec le président russe Vladimir Poutine sur la guerre en Ukraine, visaient peut-être davantage à signaler la solidarité occidentale et à renforcer les relations des États-Unis avec la France qu’à entamer un dialogue imminent avec la Russie.

« Je suis prêt à parler avec M. Poutine s’il a l’intention de décider qu’il cherche un moyen de mettre fin à la guerre », a déclaré M. Biden jeudi. Avant d’ajouter : « Il ne l’a pas encore fait. »

Le chancelier allemand Olaf Scholz a suggéré jeudi (1er décembre) que l’Europe pourrait revenir à « l’ordre de paix » d’avant-guerre avec la Russie et résoudre « toutes les questions de sécurité commune » si M. Poutine était prêt à renoncer à l’agression contre ses voisins.

Les responsables ukrainiens, quant à eux, ont immédiatement rejeté l’idée de M. Macron selon laquelle l’Occident devrait réfléchir à la manière de répondre à la demande russe de garanties de sécurité si Moscou accepte de négocier la fin de la guerre.

Oleksiy Danilov, secrétaire du Conseil national de sécurité et de défense ukrainien, a remis en question, dimanche (4 décembre), le fait de fournir de telles garanties « à un État terroriste et meurtrier ».

« Au lieu de Nuremberg — signer un accord avec [la Russie] et se serrer la main ? », a tweeté M. Danilov en référence aux procès des criminels de guerre nazis après la Seconde Guerre mondiale.

« Le sang ukrainien sur les mains de M. Poutine ne gênera pas le business as usual ? », a-t-il écrit.

Mykhailo Podolyak, conseiller au cabinet du président ukrainien Volodymyr Zelensky, a déclaré le même jour qu’au lieu de garanties à Moscou, le monde a besoin de garanties de sécurité « contre les intentions barbares de la Russie post-Poutine ».

Toutefois, a ajouté M. Podolyak, cela ne sera possible qu’après la mise en place de tribunaux pour crimes de guerre, la condamnation des responsables de la guerre contre l’Ukraine et l’imposition de réparations.

C’est la deuxième fois en neuf mois qu’une discussion sur des négociations potentielles pour mettre fin à la guerre a provoqué des tensions entre Paris et Kiev.

En mai, M. Zelensky avait laissé entendre que M. Macron avait demandé à l’Ukraine de faire des concessions sur sa souveraineté pour aider M. Poutine à sauver les apparences. Toutefois, à l’époque, l’Élysée avait rejeté les accusations ukrainiennes.

Avant l’invasion, M. Poutine a déclaré lors d’un point presse commun avec M. Macron à Moscou que la Russie chercherait à obtenir des réponses de l’Occident à ses trois principales demandes en matière de sécurité.

Il réclame l’arrêt de tout élargissement futur de l’OTAN, l’absence de déploiement de missiles à proximité de ses frontières et la réduction de l’infrastructure militaire de l’OTAN en Europe pour la ramener aux niveaux de 1997.

Toutefois, à l’époque, les États-Unis et leurs alliés occidentaux avaient qualifié les demandes russes de « non fondées ».

Emmanuel Macon et Vladimir Poutine – Juin 2021 ©AFP

La colère des détracteurs de la Russie

Nombreux sont ceux qui, en Ukraine et à l’Ouest, ont exprimé une forte opposition à des négociations avec M. Poutine qui récompenseraient la Russie par des concessions, en particulier après que Kiev, lors d’une récente campagne militaire, a réussi à repousser les forces russes de vastes zones au cours des trois derniers mois.

De même, les alliés occidentaux de l’Ukraine, dont les États-Unis et la France, ont déclaré à plusieurs reprises que c’était à Kiev de décider des conditions que le pays accepterait.

Mais alors que la guerre de Russie entre dans son dixième mois, les commentaires de M. Macron suscitent de plus en plus de doutes chez les Européens de l’Est quant aux intentions de la France.

Non seulement les États membres les plus hostiles, mais aussi de nombreux experts russes ont accusé le président français d’être trop indulgent envers Moscou après ses déclarations selon lesquelles l’Occident « ne devrait pas humilier la Russie » à propos de la guerre, puisqu’après la fin de celle-ci, le pays resterait un voisin avec lequel il faudrait traiter.

« La tactique consistant à laisser la Russie invaincue et prête pour un futur partenariat est toxique », car elle « conduirait à des appels à mettre fin à la guerre par la négociation au lieu de la terminer par une victoire ukrainienne », a déclaré le ministre lituanien des Affaires étrangères, Gabrelius Landsbergis, sur Twitter.

Après la défaite de la Russie, a déclaré M. Landsbergis, l’architecture de sécurité actuelle des organisations multilatérales régionales et mondiales devra changer.

« Notre stratégie doit être repensée et se traduire par une nouvelle architecture de sécurité qui garantirait la sécurité du continent pour les décennies à venir. Et nous devrions commencer à créer ce nouveau système avec l’Ukraine, et non avec la Russie de M. Poutine », a déclaré le ministre lituanien des Affaires étrangères.

Pendant ce temps, le vice-premier ministre letton, Artis Pabriks, a déclaré au Financial Times dimanche (4 décembre) que « l’idée que l’invasion russe [de] l’Ukraine puisse prendre fin si l’Occident donne des garanties de sécurité à la Russie revient à tomber dans le piège du récit de M. Poutine, selon lequel l’Occident et l’Ukraine sont responsables de cette guerre et la Russie est [une] victime innocente ».

Les commentaires de M. Macron ont également déclenché une réaction en Suède et en Finlande, qui avaient toutes deux abandonné leur neutralité militaire et demandé à adhérer à l’OTAN plus tôt cette année en raison de l’invasion russe en Ukraine.

Le ministre suédois des Affaires étrangères, Tobias Billström, a déclaré qu’il était notamment d’accord avec M. Landsbergis « sur la nécessité de vaincre la Russie sur le champ de bataille et d’aider l’Ukraine à remporter la victoire ».

Pendant ce temps, l’ancien premier ministre finlandais Alexander Stubb a déclaré qu’il était fondamentalement en désaccord avec Emmanuel Macron.

« Les seules garanties de sécurité sur lesquelles nous devrions nous concentrer sont essentiellement non russes », a-t-il tweeté, ajoutant que « la Russie doit d’abord garantir qu’elle n’attaque pas les autres. Ce n’est qu’ensuite que nous pourrons entamer des discussions sur la sécurité européenne ».

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