Les prises de position de certains médias et gouvernements du Proche-Orient contre la France se multiplient. L’émoi suscité par les propos du président Emmanuel Macron au sujet des caricatures du Prophète Mahomet ne faiblit pas.
« Nous porterons haut la laïcité. Nous ne renoncerons pas aux caricatures, aux dessins, même si d’autres reculent. Nous continuerons ce combat pour la liberté et pour la raison […] »
Emmanuel Macron, Président de la République
S’ajoute la sortie de Gérard Darmanin sur les produits Halal lors de l’émission sur BFM. Elle a été interprétée comme une attaque directe contre le mode de vie des musulmans.
« Ça m’a toujours choqué de rentrer dans un hypermarché et de voir qu’il y avait un rayon de telle cuisine communautaire et de telle autre à côté […] C’est comme ça que ça commence le communautarisme »
Gérald Darmanin, Ministre de l’intérieur
La Turquie à la manœuvre
En conséquence, sur les réseaux sociaux, les appels au boycott de produits français se sont multipliés depuis vendredi, à travers des hashtags en arabe. Certains pays, comme le Qatar, ont même décidé de retirer les produits français de leurs magasins.
La Turquie, l’Iran, la Jordanie ou encore le Koweït ont dénoncé la publication des caricatures du Prophète. Erdogan, le chef d’Etat turc est à la manoeuvre.
« Tout ce qu’on peut dire d’un chef d’État qui traite des millions de membres de communautés religieuses différentes de cette manière, c’est: allez d’abord faire des examens de santé mentale »
Recep Tayyip Erdogan, Président de la république turque
La France a réagi immédiatement par le rappel de l’Ambassadeur de France à Ankara. C’est la première fois de la longue histoire des relations diplomatiques franco-turques qui se sont ouvertes sous François Ier. L’acte, dit l’entourage d’Emmanuel Macron, se veut “un signal très fort”.
Ces tensions s’ajoutent au conflit en Méditerranée pour le pétrole découvert au large de la Grèce, et aux renvois de centaines de professeurs turcs dans leurs pays pour soupçon d’embrigadement islamiste, en classe, des jeunes Français.
Un boycott relayé et suivi
Sous l’impulsion, donc des Turcs, c’est petit à petit tout le Proche-orient qui s’embrase contre la France. Al-jazeera, mais aussi ses web-tv à destination des jeunes, relayent ces appels aux quatre coins du monde musulman.
Au Qatar, comme dit plus haut, les chaînes de distribution Al-Meera et Souq al-Baladi ont annoncé qu’elles « retireraient » les produits français des magasins jusqu’à nouvel ordre. Dans l’un des magasins d’Al-Meera, un correspondant de l’AFP a vu des employés retirer des étagères des confitures de la marque St. Dalfour. l’Université du pays a annoncé vendredi sur Twitter le report de la semaine culturelle française à la suite de « l’atteinte délibérée à l’islam et ses symboles ».
Au Koweit, une soixantaine de sociétés coopératives, qui sont de grands distributeurs dans l’émirat, ont annoncé un boycott des produits français, a précisé à l’AFP le vice-président de la Fédération des coopératives, Khaled al-Otaibi. « Nous avons retiré tous les produits français, à savoir les fromages, crèmes et cosmétiques des rayons et les avons restitués aux agents agréés de ces marques au Koweït », a-t-il expliqué. Tandis que quelque 430 agences de voyages ont par ailleurs suspendu les réservations de vols vers la France, a indiqué à l’AFP le chef de la Fédération des agences de voyages koweïtiennes, Mohammad al-Motairi.
Le mouvement s’étend
Au delà de la Turquie et des pays du Golf, le mouvement prend de l’ampleur. Des milliers d’internautes ont réagi, depuis le Maroc, l’Algérie, la Tunisie en retweetant des séquences qui demandent à répondre aux attaques lancées contre les symboles religieux de l’islam en France.
L’Organisation de coopération islamique, qui réunit les pays musulmans, a déploré « les propos de certains responsables français […] susceptibles de nuire aux relations franco-musulmanes ». A Tel-Aviv, cette déclaration a été suivie d’une manifestation réunissant 200 personnes Arabes israéliens devant l’Ambassade de France.
Y-a-t-il un risque pour les Français dans ces pays ?
Mountassir Hamada, du centre marocain des études et recherches sur le Maghreb (CMEM), indique dans l’Hespress (site marocain) que les campagnes de boycott « s’inscrivent dans un cadre de réaction émotionnelle, naturellement suscitée dans des situations pareilles». Pour lui, ce mouvement devrait s’estompé au fil des semaines. Mais en Algérie, les journaux reviennent sur une France qui en déclarant la guerre à l’islamisme politique sur son territoire s’en prendrait finalement au Prophète de l’Islam et à donc à la religion dans sa globalité. Les vidéos virales qui circulent dans les différents pays sont extrêmement virulentes contre la France et les Français.
L’amalgame que dénoncent tous ces pays, ne risque-t-il pas aussi de s’appliquer à nos compatriotes ? C’est la question qui se murmure dans tous les postes diplomatiques. Mais aussi dans les communautés françaises installées dans les pays à forte proportion de musulmans. Pour l’instant, elles se murent dans le silence.
Comme les autorités consulaires qui font profil bas de peur de rajouter de l’huile sur le feu. Aucune consigne n’a été donnée lorsque nous publions ces lignes, le dimanche 25 octobre à 07h45 (UTC). Les élus consulaires restent, eux aussi, silencieux sur leurs réseaux sociaux. L’inquiétude est de voir les pays basculer de la chasse aux produits français à la stigmatisation de nos compatriotes sur place, avec les risques pour la sécurité que cela entrainerait.
L’autre risque c’est l’embrasement des banlieues françaises. Hier soir, dans un quartier périphérique d’Annecy, le couvre-feu a été accueilli par des tirs de mortier et des chants coraniques. Il est donc important que les campagnes à l’internationale soient endiguées.
Et les expatriés peuvent être un relais pour expliquer la laïcité et transmettre un message de paix. Car si la France est attachée à la laïcité, elle est aussi attachée à la liberté de culte, elle n’est l’ennemie d’aucune religion et ne le sera jamais tant qu’elle sera, justement, laïque.
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