Les étoiles ne meurent jamais 

Les étoiles ne meurent jamais 

Les obsèques de célébrités quelles qu’elles soient ont toujours déplacé les foules et sont à l’origine d’émotions qui transcendent les peuples. En Russie, après qu’Alexandre Pouchkine fut abattu lors d’un duel en 1837, des rassemblements importants se formèrent à Saint-Pétersbourg. Craignant des débordements, les autorités russes, avaient alors mobilisé plus de 60 000 soldats. Lorsque le chariot funèbre transportant le corps du poète arriva dans la province de Pskov, où il devait être enterré, les fidèles essayèrent de dételer les chevaux et de le tirer eux-mêmes. 

En France, le retour des cendres de Napoléon en 1840 provoqua également d’importants rassemblements sur tout le trajet emprunté par le chariot. Une personne fut même écrasée par ce dernier près du Palais Bourbon. 

En 1885, Les funérailles de Victor Hugo rassemblèrent plus de deux millions de personnes qui ont accompagné le corbillard de la place de l’Étoile au Panthéon. La mort de Rudolph Valentino, idole du cinéma muet, en 1926, donna également à des scènes d’hystérie collective. La police montée de New York fut contrainte d’intervenir, les admirateurs de l’artiste ayant envahi le salon funéraire, plusieurs se seraient suicidés. 

En 1975, des millions d’Égyptiens ont voulu rendre hommage à Um Kalthoum, une chanteuse, se sont emparés de son cercueil et l’ont porté sur leurs épaules pendant des heures dans les rues du Caire. En 2017, en France, Johnny Halliday bénéficia d’obsèques nationales dignes d’un chef d’État, la foule se massant le long du trajet emprunté par le corbillard et devant l’église de la Madeleine.

étoiles Les étoiles sont éternelles.

L’émotion est de plus en plus digitale 

Au temps d’Internet, l’émotion est de plus en plus digitale. Des millions de messages, de photographies, de vidéos sont publiés à l’occasion du décès d’artistes. Il en fut ainsi pour David Bowie, Charlie Watts, Tina Turner ou pour Milan Kundera. La mort est masquée. Les tentures de deuil qui ornaient les maisons des défunts se font plus rares. Les corbillards sont des voitures classiques. Les décès interviennent plus souvent à l’hôpital ou dans les établissements de soins intensifs. Les veillées mortuaires sont plus rares et sont organisées dans des salles dédiées des pompes funèbres. Le port du deuil est moins fréquent. En revanche, les deuils de célébrités continuent à générer des émotions qui transcendent l’ensemble de la société.

 Ce deuil n’est pas le produit d’une intimité personnelle. La connaissance de la personne décédée se limite aux images, aux écrits, à la musique. Les personnes célèbres grâce aux moyens de communication pénètrent de plus en plus dans la vie quotidienne des ménages. Idéalisées, transformées en icones des temps modernes, elles ne sont perçues que positivement. Leur mort provoque un surcroît de ventes de leurs œuvres. Le seul album numéro un de David Bowie aux États-Unis fut « Blackstar », sorti quelques jours avant sa mort en 2016 et produit alors qu’il se savait condamné.

Gestion post mortem 

Les livres de Milan Kundera, auteur dont les derniers grands succès dataient des années 1990, figurent en tête des ventes depuis le décès de ce dernier, ce 11 juillet. La gestion post mortem des œuvres des célébrités est source de revenus importants. Jouant sur la nostalgie, sur le vide provoquée par le décès, les éditeurs, les compagnies de disques multiplient les rééditions, retrouvent des textes et des chansons inédites non publiées du vivant de l’auteur. 

Depuis son décès, Johnny Halliday demeure commercialement présent à travers des compilations, de réenregistrements où sa voix est mixée, par exemple, avec un orchestre de musique classique. Des concerts ont été donnés avec la présence de chanteurs décédés en utilisant des procédés holographiques. L’intelligence artificielle permet désormais de créer de nouvelles œuvres en reprenant la voix, l’image et les textes des défunts. 

La mort du Prince signifie que nul n’échappe à la faucheuse

La mort de célébrités nous rappelle la finitude de la vie. La mort du Prince malgré son talent, sa richesse, signifie que nul n’échappe à la faucheuse. Comme le chantait Jim Morrison avant de mourir 27 ans : « Personne ici ne s’en sort vivant ». L’émotion est d’autant plus forte que la personne décédée est jeune. Il y a un sentiment d’injustice. La disparition de Jimi Hendrix, Janis Joplin et de Brian Jones également à 27 ans, au sommet de leur gloire avant que les affres de la vieillesse se fassent sentir a marqué toute une génération. 

La mort des célébrités donne lieu à une communion pour tous ceux qui ont partagé de manière purement virtuelle leur vie avec eux. Les chefs d’État, les gouvernements participent de plus en plus à la mise en scène des funérailles des célébrités jusqu’à les organiser comme ce fut le cas, en France, pour Johnny Halliday. Les cérémonies d’hommage national sont de plus en plus fréquentes. Jean-Paul Belmondo, décédé le 6 septembre 2021, en bénéficia tout comme Charles Aznavour, Michel Bouquet ou Hélène Carrère d’Encausse. 

Autrefois essentiellement réservés aux militaires et aux hommes ou femmes politiques, ces hommages concernent de plus en plus les artistes et les intellectuels. La panthéonisation visant à célébrer la vie exceptionnelle d’une personne publique, de 1987 à 2022, 17 personnes ont été panthéonisées, contre 5 de 1933 et 1987. Si au XXe siècle, les admissions au Panthéon intervenaient de nombreuses années après le décès, les délais tendent à se raccourcir. Treize ans pour Geneviève de Gaulle Anthonioz, 7 ans pour Germaine Tillon et un an pour Simone Veil. 

Au XIXe siècle, les délais pouvaient être également courts. De nombreux généraux du 1er Empire, Victor Hugo, Sadi Carnot entrèrent dès leur décès. Napoléon avait panthéonisé de manière importante et rapidement après le décès des personnes célébrées. Il entendait honorer les généraux morts lors des grandes batailles. Il se servait des célébrations pour asseoir la légende napoléonienne et affirmer la toute-puissance du 1er Empire. Les panthéonisations du XXIe siècle obéissent en grande partie aux mêmes objectifs : elles sont des hommages dont la portée dépasse bien souvent les célébrités honorées.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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