Les États-Unis peuvent-ils se passer de l’immigration ?

Les États-Unis peuvent-ils se passer de l’immigration ?

Donald Trump souhaite limiter le recours à l’immigration afin d’accroître le pouvoir d’achat des Américains. Toutefois, cette politique pourrait avoir un effet inverse à celui escompté en provoquant une hausse des prix. Le poids des immigrants (nés dans un autre pays que les États-Unis) représente, en 2024, 14,5 % de la population américaine, contre 11,5 % en 2010. Depuis 2022, cette proportion est en forte augmentation. Parmi les 47,8 millions d’immigrants présents aux États-Unis à la fin de 2023, 49 % ont obtenu la nationalité américaine. 24 % sont des résidents permanents autorisés. 4 % des résidents temporaires autorisés. Et enfin 23 % (11 millions) sont des immigrants non autorisés, dont 3 millions sont néanmoins protégés (principalement par une demande de droit d’asile). Ces immigrants peuvent légalement travailler. En 2022, 39 % des immigrants venaient d’Amérique latine et 29 % d’Asie.

Les immigrés ont, ces dernières années, largement contribué à la forte croissance de l’économie américaine. Aux États-Unis, les immigrés ont un niveau de formation équivalent à celui de l’ensemble de la population active. Toutefois, ils se situent aux deux extrêmes de la distribution des niveaux d’éducation : 25 % d’entre eux n’ont pas terminé leur cycle secondaire d’études, contre 8 % des Américains. Mais un nombre significatif sont hautement qualifiés. La proportion d’immigrés détenteurs d’un « bachelor » (licence) est de 35 %, contre 36 % pour les personnes nées aux États-Unis. La part de « graduates » (détenteurs d’un master) est de 15,6 % chez les immigrés, contre 13,8 % chez les natifs.

En réduisant le nombre d’immigrés, des tensions sur le marché du travail

La proportion d’immigrés dans les secteurs employant des salariés peu qualifiés (aides à domicile, agriculture, construction, logistique et transports, services aux personnes) est élevée, allant de 20 % à 28 %. Cependant, la proportion d’immigrés parmi les scientifiques, les ingénieurs et les mathématiciens est également significative (23 %). En réduisant le nombre d’immigrés, les États-Unis risquent de faire face à des tensions sur le marché du travail.

En réduisant le nombre d’immigrés, des tensions sur le marché du travail
En réduisant le nombre d’immigrés, des tensions sur le marché du travail

Depuis 2022, ce marché s’est détendu. La proportion d’entreprises rencontrant des difficultés de recrutement est passée de 52 % à 38 % au cours des deux dernières années. Le ratio du nombre d’emplois vacants au nombre de chômeurs (ratio de Beveridge) est passé de 2,2 à 1,1 entre 2022 et 2024. Cette détente a permis un ralentissement de la hausse des salaires. Cette dernière est passée de 5,2 % à 3,8 % en rythme annuel entre 2022 et 2024, dans un contexte de forte croissance économique (5,8 % en 2021, 1,9 % en 2022, 2,5 % en 2023 et 2,8 % au troisième trimestre 2024).

Une augmentation de l’inflation

La légère augmentation du taux de chômage constatée depuis 2023 n’est pas due à une réelle dégradation du marché de l’emploi. Elle s’explique par le retour à l’emploi de personnes auparavant inactives. Donald Trump, élu notamment sur le thème de la lutte contre l’inflation, pourrait provoquer une augmentation de cette dernière avec sa politique de limitation de l’immigration. L’expulsion des immigrés illégaux et la réduction du nombre d’immigrants légaux pourraient entraîner une hausse des salaires, et donc des prix. Cela pèserait sur le pouvoir d’achat des Américains.

Une politique anti-immigration pourrait également pénaliser la recherche et l’innovation, compte tenu du nombre important de chercheurs étrangers travaillant aux États-Unis. Depuis son élection, le futur président semble atténuer certaines de ses promesses. En particulier concernant les immigrants légaux. Les représentants de divers secteurs d’activité, notamment ceux des services et du bâtiment, exercent une pression significative pour modifier ses positions.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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