Les équations de la nouvelle inflation 

Les équations de la nouvelle inflation 

Après avoir connu une hausse notable du pouvoir d’achat durant la crise sanitaire, les ménages sont confrontés à sa baisse depuis la fin de l’année 2021, la guerre en Ukraine ne faisant qu’amplifier ce processus. La hausse des prix de ces derniers mois met un terme à une période de faible inflation qui avait débuté au milieu des années 1980

Pour en finir avec la stagflation provoquée par les chocs pétroliers, les États s’étaient engagés dans la voie de la désinflation (appelée compétitive en France) en optant pour des politiques de désindexation et de croissance programmée et mesurée de la masse monétaire associée à des taux d’intérêt élevés. 

La mondialisation, avec l’éclatement des chaînes de valeurs lié aux gains de productivité sur les produits importés, ainsi que la persistance d’un chômage élevé ont pesé depuis trente ans sur l’inflation au point que, depuis la crise financière, les banques centrales tentaient de la réanimer par tous les moyens. Elle avait à ce point disparu que des économistes prétendaient qu’il était possible de financer sans limite les déficits publics. 

La désorganisation de l’offre provoquée par la crise sanitaire, couplée à des plans de relance sans précédent, le tout dans un contexte de liquidités ultra-abondantes, a permis de faire sortir l’inflation de sa boite. Depuis une vingtaine d’années, celle-ci s’était cantonnée aux marchés immobiliers et actions. 

L’inflation pourrait être une aubaine pour les États. 

Les recettes publiques, en particulier celles issues de la TVA, résistent bien à l’inflation qui par ailleurs contribue à diminuer le poids des dettes publiques par rapport au PIB. Ce moyen a eu cours durant les années d’après Seconde Guerre mondiale. 

Au-delà de ces effets positifs pour l’État, l’inflation est une machine infernale source de tensions sociales. Les perdants sont ceux dont les revenus ne peuvent pas suivre la hausse des prix. En la matière, les Français ne sont pas tous logés à la même enseigne. Ceux qui sont contraints d’utiliser leur véhicule pour travailler ou pour faire leurs courses sont évidemment plus touchés que ceux qui vivent dans des agglomérations bénéficiant d’importants réseaux de transports publics. Avec l’accroissement du prix du logement au cœur des grandes villes, de nombreuses familles ont été obligées de déménager en périphérie. Elles doivent faire face à l’augmentation du prix des carburants et des voitures. 

Les ménages à revenus modestes sont également les plus concernés par la hausse des dépenses d’alimentation, la part de ces dépenses au sein de leur budget étant proportionnellement plus importante que celle des ménages les plus riches. Parmi les autres perdants figurent les épargnants investis sur les produits de taux. Ils supportent de plein fouet la taxe inflationniste. Le rendement réel de nombreux placements de taux est désormais négatif. L’instauration d’un blocage des loyers, de plus en plus évoqué, s’il protègera les locataires, pèsera sur la rentabilité de l’investissement immobilier locatif. 

Les épargnants doivent privilégier des produits peu sensibles à l’inflation, exercice complexe. Les actions d’entreprises en capacité d’absorber les hausses de coûts et de verser de généreux dividendes résistent, en règle générale, à l’inflation. Si dans le passé, les actionnaires ont gagné de l’argent avant tout grâce à la valorisation des cours, dans les prochaines années, les gains passeront davantage par les dividendes, ce qui est en soi une bonne nouvelle. 

Face à cette érosion notoire du pouvoir d’achat des ménages, les revendications de hausse des salaires se multiplient. Elles sont en soi légitimes mais potentiellement dangereuses, risquant d’entraîner une spirale inflationniste redoutée de tous. La Présidente de la BCE a annoncé qu’elle refusait toute augmentation pour les salariés de l’institution.

À un moment ou un autre, une opération vérité des prix sera nécessaire.

C’est toujours en raison de la crainte d’une spirale inflationniste que, en France, le gouvernement a opté pour des mesures de régulation des prix comme le bouclier tarifaire. Le contribuable national ou plutôt l’acquéreur d’emprunts publics a été appelé à prendre en charge une partie de l’inflation française. 

Cette solution prolongeant le “quoi qu’il en coûte” est finançable tant que la Banque centrale décide de maintenir des taux bas et opère des rachats d’obligations. Quand demain, les critères budgétaires européens seront de retour, l’affaire sera tout autre. À un moment ou un autre, une opération vérité des prix sera nécessaire. 

Il faut simplement espérer que, d’ici là, une décrue des cours des matières premières et des produits énergétiques sera intervenue. L’absorption de chocs d’offre nécessite la réalisation de gains de productivité, un effort d’imagination et d’innovation. 

Les vagues inflationnistes obligent à changer les modes de production. Ce fut le cas après la Seconde Guerre mondiale avec les Trente Glorieuses mais aussi durant les années 1990 marquées par un regain de productivité grâce à la généralisation des ordinateurs de bureau

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