Rencontre avec Sophie Grünfelder, française des Pays-Bas depuis 2016, mère de deux enfants scolarisés au Lycée français, elle a crée et préside l’association AGIR-FE.
Ce collectif a conçu le premier Annuaire des Professionnels Francophones aux Pays-Bas. Il a aussi créé la Fair Fashion The Hague, des rencontres biannuelles pour promouvoir une mode durable et solidaire.
En parallèle, Sophie Grünfelder est aussi candidate pour les élections dans la circonscription consulaire d’Amsterdam. Comme n°2 de la liste « AGISSONS – Un nouvel élan pour les Français des Pays-Bas » menée par François Boubal, secrétaire général de l’UFE et cadre d’une organisation internationale, se présentant avec la bénédiction du parti Les Républicains, elle répond aux questions du site lesfrancais.press. Elle partage, ainsi, son analyse sur la situation des Français aux Pays-Bas et nous dévoile les actions du mouvement entre actions associatives et politiques.
Retrouvez ci-dessous le podcast audio de notre échange avec Sophie Grünfelder:
Lesfrancais.press: la France aux Pays-Bas est plus diverse que l’on ne le croit, quelle est votre vision de la communauté?
Sophie Grünfelder :
La communauté des Français des Pays-Bas est extrêmement diverse, de par son emplacement géographique, son lien avec la France et le pays d’accueil et enfin par ses catégories socio-professionnelles.
La majorité Français habitent dans la « Randstad». Il regroupe les 4 plus grosses villes des Pays-Bas, Amsterdam, La Haye, Rotterdam et Utrecht. Cette région abrite de nombreuses organisations internationales, des écoles internationales ainsi que des entreprises multinationales dans lesquelles beaucoup de nos compatriotes travaillent. Cependant, la population française est également présente sur le reste du territoire. Notamment dans les régions du Brabant et Limburg, dans le sud, qui comptent de gros pôles industriels et des universités réputées.
« Un certain nombre de nos compatriotes décident de rester aux Pays-Bas pour leur retraite, et il est important de ne pas les oublier«
La dualité de la communauté
Indépendamment de sa position géographique, la communauté française se répartit entre personnes très intégrés à la société néerlandaise, souvent installées dans la durée, et des Français récemment arrivés ou de passage, qui ont plus de mal à comprendre les spécificités de la culture néerlandaise, et ont tendance à rester très proches de la France. Il faut savoir qu’un certain nombre de nos compatriotes décident de rester aux Pays-Bas pour leur retraite, et il est important de ne pas les oublier.
Enfin, il est important de comprendre que, même si de nombreux français sont des expatriés au sens premier du terme, une majorité d’entre eux ont des contrats locaux. Ils ne vivent pas forcément dans les conditions idylliques que l’on a tendance à dépeindre lorsque l’on parle des Français installés à l’étranger.
Comme vous le voyez, il est impossible de représenter de façon simple la communauté française aux Pays-Bas. Cependant, je dirais que, de façon générale, nous restons très attachés à la France tout en appréciant les spécificités de la culture et du sens de l’organisation néerlandaise.
Lesfrancais.press: Quelles sont les problématiques de cette communauté?
Sophie Grünfelder :
Aux vues de la diversité de notre communauté, il est difficile de dégager des problématiques communes à toutes et tous. Je pense cependant que le système de santé, le lien social entre français ainsi que l’éducation sont des enjeux pour beaucoup d’entre nous.
« La médecine est beaucoup moins orientée sur la médicamentation, chacun doit être responsable par rapport à son comportement vis-à-vis de la santé.«
Le système médical aux Pays-Bas est géré de façon très différente de ce que nous connaissons en France. C’est déroutant pour nombre de nos compatriotes. La médecine est beaucoup moins orientée sur la médicamentation, et il est demandé à chacun d’être responsable par rapport à son comportement vis-à-vis de la santé. Par exemple, il n’y a pas de certificat médical pour les arrêts de travail. Chacun d’entre nous prévient simplement son employeur lorsqu’il ne se sent pas en état de travailler. Le système est basé sur la confiance.
Un système de filtrage pour les urgences
Pour les urgences, il y a un système de filtrage très important qui peut être très déstabilisant pour les Français. Enfin, il faut mentionner que ce système basé sur la responsabilisation individuelle peut donner l’impression à certains de nos compatriotes qu’ils ne sont pas aidés et se retrouvent parfois seuls, dans des situations d’incompréhension, de questionnement, voire de détresse.
Il est donc important que la connaissance mutuelle se fasse (c’est à dire que le patient français connaisse et comprenne le système de santé néerlandais et que le médecin néerlandais connaisse et comprenne, pour ce patient comme pour les autres, le besoins de son patient, avec en tête cette particularité d’altérité culturelle).
AGIR-FE pour la promotion de la santé et de la prévention
Chacun doit avoir la connaissance nécessaire qui lui permettra d’exercer son droit à choisir librement ce qu’il souhaite pour sa santé. Notre objectif à AGIR-FE est donc bien de promouvoir la santé, la prévention et le soin des expatriés, pendant toute la durée de leur séjour aux Pays-Bas. Nous menons donc des actions visant une meilleure connaissance des systèmes de santé et des différentes voies, quelles qu’elles soient, pour accéder au soin dont ils ont besoin. Notre priorité est bien la santé des français de l’étranger et francophones et non la promotion d’un système ou d’un autre.
Les Français des Pays-Bas à la recherche de liens sociaux
Le lien social entre Français mais aussi avec la France est quelque chose de recherché par la communauté. Cela n’exclue pas, au contraire, une appétence pour le lien avec les néerlandais, mais aussi avec la communauté internationale.
Nous avons la chance d’avoir aux Pays-Bas une communauté française et francophone qui aime à profiter pleinement des atouts de son pays d’accueil, et le valorise avec discernement.
Au sein d’AGIR-FE, nous avons bien entendu cette demande de lien social entre francophones et c’est pour cela que nous avons développé le premier annuaire des services francophones aux Pays-Bas. Il connaît un grand succès, puisque plus de 150 entreprises et associations se sont déjà inscrites pour être présentes sur nos pages.
L’éducation, un enjeu majeur
Enfin, comme dans beaucoup d’autres pays, la question de l’éducation et de l’enseignement reste primordiale au sein des familles françaises et francophones. Certains ont la chance d’avoir accès à l’enseignement dispensé par le lycée français, qui est de grande qualité et offre aux élèves des perspectives dont la richesse n’a d’égale que la diversité. Cependant, de très nombreux compatriotes ne peuvent pas, pour des raisons pratiques ou financières, accéder à cet enseignement. En dehors de l’acteur historique qu’est l’alliance française et qui offre un service remarquable (Dominique FONTAINE qui est la trésorière d’AGIR-FE a dirigé l’Alliance Française de La Haye pendant 10 ans), je trouve très positives les initiatives de certaines associations, comme les Franco-Filous à Eindhoven ou Objectif Français sur le reste du territoire. Elles aident nos enfants scolarisés dans l’enseignement néerlandais, à garder le contact avec la langue française.
Un soutien au réseau associatif
AGIR-FE soutient d’ailleurs activement Objectif Français pour que les 90 familles qui en ont bénéficié l’an passé puissent voir perdurer ce service. Sans notre concours, et l’implication de nos deux membres du bureau AGIR-FE, Delphine DOLLE-BERGER et Florence DALET ces familles auraient été sans solution. La promotion de la francophonie ne peut se faire sur un terrain unique, tant les profils et et les attentes sont diverses, c’est un projet sans frontières dont l’ampleur dépasse et doit dépasser les enjeux individuels et politiques.
Lesfrancais.press: Parlons des élections consulaires pour lesquelles vous serez candidate. Quelles seront les priorités de votre liste?
Sophie Grünfelder:
l’éducation et la fiscalité font partie des sujets principaux pour les Français des Pays-Bas.
L’éducation. C’est un sujet primordial. Nous oeuvrons déjà à ce sujet via notre association, je souhaite continuer à porter ces combats, notamment la promotion sans réserve de la francophonie.
Deuxièmement, nous souhaitons créer un maillage pour tous les enfants francophones qui rencontrent des difficultés passagères ou persistantes liées à la scolarité. Les parents comme les enfants peuvent être parfois démunis et se sentir seuls. J’ai dirigé pendant 10 ans des structures scolaires classiques ou en faveur des enfants en situation de handicap. Je peux vous assurer qu’il existe en France des réponses multiples pour créer un projet de vie sur mesure, aider les enfants et les parents.
Faire se rencontrer les familles et les partenaires
Notre projet à AGIR-FE est donc de faire se rencontrer les besoins des familles et les offres des partenaires, et s’ils n’existent pas de trouver des solutions pour la mise en relation entre les parents/enfants et les professionnels.
Les associations de parents jouent elles aussi un rôle essentiel, il nous semble important qu’elles ne soient pas seules face à la question. C’est là aussi, c’est le sens du collectif qui prime.
Les étudiants français à l’étranger oubliés
Enfin, il est un public, dans le monde de l’éducation, qui a été complètement oublié jusqu’à présent et que nous sommes seuls à prendre en compte à AGIR-FE : les étudiants français de l’étranger.
À ce jour aucun accueil étudiant n’existe pour cette population qui se distingue positivement par sa curiosité et son ouverture : AGIR-FE est le seul acteur aux Pays-Bas à proposer cet accueil des étudiants.
Nous proposons donc un service spécifique à ce public jeune et dynamique, incluant des informations sur le pays d’accueil, les premières démarches nécessaires…
La fiscalité, sujet majeur
‘il existe une convention et même plusieurs, mais pas concernant la fiscalité des successions »
De façon générale, les problèmes fiscaux des Français aux Pays-Bas sont assez similaires à ceux des autres Français expatriés
. Cependant on peut noter qu’il existe une convention et même plusieurs, mais pas concernant la fiscalité des successions. Les questions se posent aussi concernant les revenus: il s’agit souvent de savoir où et comment déclarer ses revenus en cas de revenus dans plusieurs pays.
Des informations difficilement accessibles
Malheureusement, il est difficile de trouver la bonne information tant la variation des situations individuelles est propre à infléchir dans un sens ou dans l’autre la réponse apportée. Le plus judicieux est de se tourner vers les professionnels bien entendu. Mais y accéder est aussi un parcours.
Par ailleurs les récents changements concernant le 30% ruling pour les nouveaux arrivants et les expats déjà installés, ont placé certaines familles dans la difficulté. Il n’y a pas de réponse que l’on peut apporter à cela, c’est une décision qui ne nous appartient pas et à laquelle il faut faire face.
Lesfrancais.press: enfin qu’avez-vous estimé de la façon dont les autorités françaises et les élus ont géré la pandémie?
Sophie Grünfelder: Le Consulat a mis à disposition un numéro de téléphone dédié. Le site mets très régulièrement à jour les informations. Il y a eu un énorme travail d’information.
Mobilisation des élus mais aussi aussi du réseau associatif
Concernant les élus, certains ont été présents et ont montré une volonté de relayer l’information des officiels ce qui a été apprécié je pense. Mais d’autres – la majorité – ont hélas brillé par leur absence. Tout n’est pas possible, et l’on comprend aisément qu’il n’est pas facile d’agir pendant la crise surtout lorsqu’on est peu nombreux.
Étant moi-même engagée sur la liste de François BOUBAL en seconde position, j’ai observé attentivement ce qu’il se passait, comment les élus et les citoyens agissaient, et s’organisaient.
Je vois bien que dans toutes les associations et groupes auxquels j’appartiens on retrouve souvent les mêmes personnes qui s’engagent j’imagine qu’il vient un temps où il est naturel pour certains de répondre présent de façon plus officielle.
Agir pour la qualité de vie des Français au Pays-Bas
C’est un tout, : je suis à la fois engagée sur une liste apolitique aux élections consulaires, maman d’élève active, professionnelle à temps plein et membre de plusieurs réseaux pro, adhérente à plusieurs associations d’accueil, bénévole pour des actions eco-responsable, et bien sur présidente d’AGIR-FE…
Mon projet reste un et indivisible : agir pour la qualité de vie globale autour de moi. J’en ai d’ailleurs fait le fil rouge de mon métier depuis 20 ans, il n’y a pas de hasard ! Des associations ont pris leur part d’initiative sur le terrain et c’est d’ailleurs exactement ce que nous avons fait, nous aussi, à AGIR-FE : nous avons accéléré la sortie de l’annuaire.
Des mesures face à la crise sanitaire
Face à la crise sanitaire, beaucoup de choses s’imposent à nous, sans que nous n’ayons prise sur elles. Pour autant il y a certains éléments que l’on peut un peu plus aisément choisir, comme par exemple mettre en place un outil pour soutenir les professionnels et faciliter la vie de mes compatriotes. Je voudrais en effet mettre en exergue le fait que le contexte sanitaire a ajouté deux paramètres nouveaux au projet initial d’annuaire, le rendant urgent en plus d’être nécessaire et nous mobilisant donc vers sa concrétisation rapide.
D’une part les entreprises ont été fragilisées : elles ont besoin de recevoir un vaste soutien économique, notamment en re-trouvant une clientèle fidèle et pérenne.
La population a exprimé sa solidarité
D’autre part, on sent bien que la population a besoin d’exprimer sa solidarité : nous l’avons vu à travers les multiples initiatives de soutien depuis des mois. Puisqu’on ne peut être proches physiquement, on veut se rapprocher moralement. La solidarité des français de l’étranger ne fait pas exception à cet élan du coeur. Ainsi, en plus d’être utile au quotidien, l’annuaire AGIR-FE va aussi permettre d’aller vers ces entrepreneurs français et francophones. Grâce au travail remarquable de Sophie Loiselet, membre du bureau AGIR-FE et elle-même entrepreneuse et créatrice de l’atelier So Bird & Co, de nombreuses entreprises on ainsi pu avoir connaissance de notre projet et figurer dans l’annuaire AGIR-FE.
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